Le Quotidien du 21 novembre 2019 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Exploitation des œuvres audiovisuelles par l’INA : la CJUE valide le régime dérogatoire

Réf. : CJUE, 14 novembre 2019, aff. C-484/18 (N° Lexbase : A9066ZX3)

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N1231BYA

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[Brèves] Exploitation des œuvres audiovisuelles par l’INA : la CJUE valide le régime dérogatoire. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/54909923-breves-exploitation-des-uvres-audiovisuelles-par-lina-la-cjue-valide-le-regime-derogatoire
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par Vincent Téchené

le 20 Novembre 2019

► La France peut prévoir, au profit de l’INA, une présomption réfragable d’autorisation de l’artiste-interprète à la fixation et à l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprète participe à l’enregistrement d’une œuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 14 novembre 2019 (CJUE, 14 novembre 2019, aff. C-484/18 N° Lexbase : A9066ZX3).

L’affaire. Les ayants-droit d’un musicien décédé ont constaté que l’INA commercialisait, dans sa boutique en ligne, sans leur autorisation, des vidéogrammes et des phonogrammes reproduisant des prestations de l’artiste, effectuées au cours des années 1959 à 1978. Sur le fondement de l’article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2484K9U), ils ont donc assigné l’INA pour obtenir réparation de l’atteinte prétendument portée aux droits d’artiste-interprète dont ils sont titulaires. C’est dans ces conditions que la Cour de cassation a posé une question préjudicielle (cf. Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, FS-P+B, n° 17-18.177 N° Lexbase : A9537XXI ; lire N° Lexbase : N5089BXR). En effet, l’article 49, modifié, de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 (N° Lexbase : L8240AGB), instaure, au profit de l’INA, bénéficiaire, sur les archives audiovisuelles, des droits d’exploitation des sociétés nationales de programme, un régime dérogatoire prévoyant que les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes eux-mêmes ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes et cet institut, ces accords devant notamment préciser le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations. Dès lors, la Cour de cassation a souhaité savoir si la Directive 2001/29 du 22 mai 2001 (N° Lexbase : L8089AU7) sur le droit d’auteur s’oppose à une telle réglementation nationale.

La décision. La CJUE y répond par la négative.

Elle retient qu’un artiste-interprète qui participe lui-même à la réalisation d’une œuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion par des sociétés nationales de programme, et qui est ainsi présent sur le lieu d’enregistrement d’une telle œuvre à ces fins, d’une part, a connaissance de l’utilisation envisagée de sa prestation et, d’autre part, effectue sa prestation aux fins d’une telle utilisation, de sorte qu’il est permis de considérer, en l’absence de preuve contraire, qu’il a, du fait de cette participation, autorisé la fixation de ladite prestation ainsi que l’exploitation de celle-ci. Ensuite, dans la mesure où il apparaît que la réglementation litigieuse permet à l’artiste-interprète ou à ses ayants droit de démontrer que celui-ci n’a pas consenti aux exploitations ultérieures de sa prestation, la présomption présente un caractère réfragable. Enfin, une telle présomption permet de maintenir le juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits. En l’occurrence, faute pour l’INA de détenir, dans ses archives, les autorisations écrites des artistes‑interprètes ou de leurs ayants-droit ou les contrats de travail conclus par ceux-ci avec les producteurs des programmes audiovisuels en cause, cet institut se trouverait dans l’impossibilité d’exploiter une partie de son fonds, ce qui s’avérerait préjudiciable aux intérêts d’autres titulaires de droits, tels que ceux des réalisateurs des œuvres audiovisuelles en cause, des producteurs de celles-ci, à savoir les sociétés nationales de programme, aux droits desquels vient l’INA, ou encore d’autres artistes-interprètes qui sont susceptibles d’avoir effectué des prestations dans le cadre de la réalisation des mêmes œuvres.       Une telle présomption ne saurait, en tout état de cause, affecter le droit des artistes-interprètes d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation des fixations de leurs exécutions.

La Cour conclut donc que la Directive ne s’oppose pas à une législation nationale qui établit, en matière d’exploitation d’archives audiovisuelles par une institution désignée à cette fin, une présomption réfragable d’autorisation de l’artiste-interprète à la fixation et à l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprète participe à l’enregistrement d’une œuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.

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