Le Quotidien du 18 septembre 2019 : Pénal

[Brèves] Autorité de la chose jugée au fiscal sur le pénal : assouplissement de la prohibition du sursis à statuer et exigence de motivation

Réf. : Cass. crim., 11 septembre 2019, n° 18-81.980, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9083ZMD)

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[Brèves] Autorité de la chose jugée au fiscal sur le pénal : assouplissement de la prohibition du sursis à statuer et exigence de motivation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/53674081-breves-autorite-de-la-chose-jugee-au-fiscal-sur-le-penal-assouplissement-de-la-prohibition-du-sursis
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par June Perot

le 17 Septembre 2019

► Même lorsque le prévenu de fraude fiscale justifie de l’existence d’une procédure pendante devant le juge de l’impôt tendant à une décharge de l’imposition pour un motif de fond, le juge pénal n’est pas tenu de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive du juge de l’impôt soit intervenue ;

par exception, il peut prononcer, dans l’exercice de son pouvoir souverain, le sursis à statuer en cas de risque sérieux de contrariété de décisions, notamment en présence d’une décision non définitive déchargeant le prévenu de l’impôt pour un motif de fond ; dans tous les cas, le juge saisi d’une demande de sursis à statuer doit spécialement motiver sa décision.

Ainsi statue la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 septembre 2019 (Cass. crim., 11 septembre 2019, n° 18-81.980, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9083ZMD).

Dans cette affaire, une société spécialisée dans la fourniture, l’installation et la maintenance de moteurs destinés à la production d’électricité, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité. Le président de la société a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de fraude fiscale en raison de minorations déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour des droits éludés de 428 706 euros et de restitutions abusives de crédits d’impôt recherche (CIR) pour un montant de 2 020 246 euros. Le tribunal correctionnel a condamné le prévenu à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et, après avoir reçu l’administration fiscale en sa constitution de partie civile, a prononcé une mesure de solidarité fiscale avec la société, redevable légal de l’impôt, pour le paiement des impôts fraudés, des majorations et pénalités y afférentes. Un appel a été interjeté. En cause d’appel, le président de la société a sollicité le prononcé du sursis à statuer, au motif qu’un appel contre le jugement du tribunal administratif était pendant.

Pour dire n’y avoir lieu à statuer jusqu’à la décision de la cour administrative d’appel, l’arrêt a énoncé que la société et le prévenu avaient été reconnus par le tribunal administratif redevables du paiement des impôts éludés et responsables fiscalement des manquements relevés. Ils ont retenu que la commission départementale et la commission des infractions fiscales n’avaient émis aucune objection sur les modalités du contrôle de la comptabilité de la société et les conclusions retenues à l’issue des opérations de contrôle. Les juges en concluent que cette communauté d’analyse par le juge administratif et ces deux commissions les détermine à juger la demande infondée.

La Cour de cassation était donc amenée à répondre à la question suivante : le juge répressif est-il tenu de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive du juge de l’impôt

La première réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel prévoit, de façon inédite, un cas d’autorité de la chose jugée au fiscal sur le pénal puisqu’un contribuable qui a été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne peut plus être condamné pour fraude fiscale (Cons. const., décision n° 2018-745 QPC, du 23 novembre 2018 N° Lexbase : A3978YMB ; Cons. const., décision n° 2016-545 QPC, du 24 juin 2016 N° Lexbase : A0909RU9).

Par cet arrêt, la Chambre criminelle infléchit sa jurisprudence et revient sur la prohibition du sursis à statuer par des principes énoncés au § 17. Le juge pénal dispose dorénavant de la faculté de surseoir à statuer.

Cependant, deux limites sont posées :

  • cette faculté est conditionnée par la caractérisation d’un risque sérieux de contrariété de décisions. Une illustration en est donnée : il peut en être ainsi lorsque le juge de l’impôt a déchargé le prévenu de l’impôt pour un motif de fond par une décision qui n’est pas définitive ;
  • la mesure de sursis à statuer doit constituer une mesure exceptionnelle.

En effet, plusieurs éléments ont été pris en compte : la teneur de la réserve d’interprétation elle-même qui n’impose aucun sursis ; l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ; la plénitude de juridiction du juge pénal ; l’obligation pour le juge pénal de statuer dans un délai raisonnable (§§ 13 à 16). Il en résulte qu’aucune obligation de surseoir à statuer ne s’impose au juge, même lorsque le prévenu justifie de l’existence d’une procédure pendante devant le juge de l’impôt tendant à une décharge de l’imposition pour un motif de fond.

Le juge saisi d’une demande de sursis à statuer doit spécialement motiver sa décision, qu’il s’agisse de la rejeter ou d’y faire droit. Son appréciation est souveraine. Le juge de cassation exerce un contrôle de motivation.

Dans l’affaire considérée, cela conduit à rejeter le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel qui a rejeté la demande de sursis à statuer sollicitée par le prévenu aux motifs notamment que le recours formé contre des rappels de TVA et la remise en cause du CIR a déjà été rejeté par le tribunal administratif.

A lire : B. Ricou Actualité du cumul de sanctions pénales et fiscales : des divergences aux convergences, Lexbase éd. fisc., 2019, n° 774 (N° Lexbase : N7870BXR).

 

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