Le Quotidien du 10 septembre 2019 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Droit d’auteur : utilisation d’une œuvre protégée dans un compte rendu d’actualité et citation de l’œuvre par le biais d’un lien hypertexte

Réf. : CJUE, 29 juillet 2019, aff. C-516/17 (N° Lexbase : A7369ZK7)

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N0125BYB

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[Brèves] Droit d’auteur : utilisation d’une œuvre protégée dans un compte rendu d’actualité et citation de l’œuvre par le biais d’un lien hypertexte. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/53525713-0
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par Vincent Téchené

le 04 Septembre 2019

► L’utilisation d’une œuvre protégée dans un compte rendu d’actualité ne requiert pas, en principe, l’autorisation préalable de l’auteur ;

► Par ailleurs, la citation d’une œuvre peut être réalisée par le biais d’un lien hypertexte, pour autant que l’œuvre citée, telle qu’elle se présente de manière concrète, a été préalablement rendue accessible au public avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur ou en vertu d’une licence non volontaire ou encore en vertu d’une autorisation légale.

 

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 29 juillet 2019 (CJUE, 29 juillet 2019, aff. C-516/17 N° Lexbase : A7369ZK7).

 

Dans cette affaire, M. B., ancien membre du Bundestag (Parlement fédéral, Allemagne), est l’auteur d’un manuscrit relatif à la politique pénale en matière d’infractions sexuelles à l’égard des mineurs, lequel a fait l’objet d’une publication en 1988, sous un pseudonyme, en tant qu’article dans un recueil. En 2013, ce manuscrit a été découvert lors de recherches dans des archives et lui a été présenté alors qu’il était candidat aux élections législatives en Allemagne. M. B., qui considérait que le sens de son manuscrit avait été altéré par l’éditeur du recueil, a, aux fins d’établir cette circonstance, mis son manuscrit à la disposition de différentes rédactions de journaux, sans toutefois consentir à la publication de celui-ci par ces rédactions. Il a, en revanche, publié le manuscrit et l’article du recueil sur son propre site internet, en indiquant sur ces documents qu’il prenait ses distances par rapport à ceux-ci. L’exploitant d’un portail d’informations sur internet, a publié un article dans lequel il est affirmé que, contrairement aux prétentions de M. B., le message central de son manuscrit n’a pas été altéré. Le site a, dans ce contexte, mis à disposition des liens hypertextes permettant à ses lecteurs de télécharger les versions originales du manuscrit et de l’article publié dans le recueil. M. B., estimant qu’une telle mise à disposition porte atteinte à ses droits d’auteur, conteste la légalité de celle-ci devant les juridictions allemandes, lesquelles ont interrogé la CJUE, notamment, sur la portée de l’exception relative au compte rendu d’un événement d’actualité ainsi que de l’exception de citation, prévues par la Directive sur le droit d’auteur (Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 N° Lexbase : L8089AU7), qui permettent à un utilisateur de se dispenser de l’autorisation du titulaire de ce droit.

 

La Cour précise, notamment, que la liberté d’information et la liberté de la presse, consacrées par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne sont pas susceptibles de justifier, en dehors des exceptions et des limitations prévues à cet égard par la Directive, une dérogation aux droits exclusifs de reproduction et de communication au public de l’auteur.

 

En ce qui concerne la mise en balance que le juge national doit effectuer entre les droits exclusifs de l’auteur et le droit à la liberté d’expression, la Cour souligne que la protection du droit de propriété intellectuelle n’est pas absolue et qu’il faut, le cas échéant, tenir compte de la circonstance que le type de «discours» ou d’information en cause revêt une importance particulière, notamment dans le cadre du débat politique ou d’un débat touchant à l’intérêt général.

En ce qui concerne, plus précisément, la possibilité pour les Etats membres de permettre l’utilisation d’œuvres protégées afin de rendre compte d’événements d’actualité, la Cour juge que les Etats membres, dans le cadre de la mise en œuvre d’une telle exception ou limitation, ne peuvent pas subordonner celle-ci à l’exigence qu’il ait été préalablement demandé à l’auteur de donner son consentement. La Cour relève, à cet égard, qu’il appartient au juge allemand de vérifier si la publication des versions originales du manuscrit et de l’article de 1988, dans leur intégralité et sans les mentions de distanciation de M. B. par rapport au contenu de ces documents, était nécessaire pour atteindre l’objectif d’information poursuivi.

 

En ce qui concerne l’exception de citation prévue par la Directive, la Cour constate qu’il n’est pas nécessaire que l’œuvre citée soit incluse de manière indissociable, par exemple, par des retraits typographiques ou des reproductions en notes en bas de page, dans l’objet qui la cite. Au contraire, une telle citation peut aussi résulter de l’inclusion d’un lien hypertexte vers cette œuvre. Toutefois, il faut que l’utilisation en cause soit effectuée conformément aux bons usages et justifiée par le but poursuivi. Enfin, la Cour rappelle que l’exception de citation ne s’applique qu’à la condition que la citation en cause porte sur une œuvre qui a été licitement mise à la disposition du public. Tel est le cas lorsque l’œuvre, telle qu’elle se présente de manière concrète, a été préalablement rendue accessible au public avec l’autorisation du titulaire du droit ou en vertu d’une licence non volontaire ou encore en vertu d’une autorisation légale. Il incombe au juge allemand de vérifier si, à l’occasion de la publication initiale du manuscrit en tant qu’article dans un recueil, l’éditeur disposait, par voie contractuelle ou autre, du droit de procéder aux modifications éditoriales en cause. Dans la négative, il y aurait lieu de considérer que, en l’absence d’accord du titulaire du droit, l’œuvre, telle qu’elle a été publiée dans ledit recueil, n’a pas été mise à la disposition du public de manière licite. En revanche, à l’occasion de la publication du manuscrit et de l’article de M. B. sur son propre site internet, ces documents n’ont été licitement mis à la disposition du public que dans la mesure où ils étaient accompagnés des mentions de distanciation de l’auteur.

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