Réf. : Cass. crim., 13 juin 2019, n° 18-80.678, F-P+B+I (N° Lexbase : A5788ZE4)
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par Vincent Téchené
le 19 Juin 2019
► D’une part, en l’absence d’opposition expressément formulée, dès la notification de la décision d’inspection ordonnée par la Commission européenne en application de l’article 20 du Règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002 (N° Lexbase : L9655A84), l’ordonnance d’autorisation rendue par le juge des libertés et de la détention à titre préventif n’a pas à être notifiée par les enquêteurs de l’Autorité de la concurrence dont la simple présence, en application de l’article 20 § 5 du Règlement est insuffisante pour justifier de la mise en oeuvre des pouvoirs tirés de l’article L. 450-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L5008K8Y) et du recours qu’il prévoit ;
► D’autre part, la procédure d’inspection ordonnée par la Commission est entourée de garanties assurant le respect des droit de la défense et les modalités des recours ouverts aux sociétés soumises à cette procédure, en ce qu’elles permettent de contester, soit directement, soit dans le cadre du contentieux relatif à la décision finale de la Commission, le déroulement de ces opérations, même en l’absence d’opposition, satisfont aux exigences du droit à un recours effectif, le juge communautaire effectuant un contrôle en droit et en fait et étant en mesure d’apprécier si l’ingérence dans les droits des intéressées protégés par l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) est proportionnée au but poursuivi ;
► Enfin, le mécanisme de sanctions prévu par l’article 23 du Règlement n° 1/2003 ne peut être mis en oeuvre qu’en cas d’obstruction évidente ou d’utilisation abusive du droit d’opposition, et non pour réprimer le simple exercice de ce droit.
Tels sont les enseignements d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 13 juin 2019 (Cass. crim., 13 juin 2019, n° 18-80.678, F-P+B+I N° Lexbase : A5788ZE4).
En l’espèce, la Commission européenne, suspectant des échanges d’informations anticoncurrentiels entre une entreprise et d’autres entreprises, a informé l’Autorité de la concurrence de son intention d’inspecter cette entreprise. La Commission a ordonné à cette dernière ainsi qu’à toutes les sociétés directement ou indirectement contrôlées par elle de se soumettre à une inspection conformément à l’article 20 § 1 et 4 du Règlement n° 1/2003. Le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence a saisi par requête, à titre préventif et conservatoire, pour le cas où l’entreprise visée refuserait de se soumettre à l’inspection, le JLD de demandes d’autorisation de visites et saisies dans les locaux de la société et des sociétés du même groupe en application de l’article L. 450-4 du Code de commerce. Ces autorisations ont été délivrées, les ordonnances précisant que l’assistance des autorités nationales peut être demandée à titre préventif. Après notification de la décision d’inspection de la Commission du 9 février 2017 à l’entreprise visitée et en l’absence d’opposition de sa part, les opérations d’inspection se sont déroulées sous l’égide des agents de la Commission, avec l’assistance des enquêteurs de l’ADLC, sans que soient mises en oeuvre les dispositions de l’article L. 450-4 du Code de commerce. L’entreprise a alors remis un courrier à la Commission critiquant le déroulement de l’inspection dont elle avait fait l’objet, avant de former un recours sur le fondement de l’article L. 450-4 du Code de commerce afin de contester ces opérations, et de saisir le Tribunal de l’Union européenne d’un recours en annulation de la décision d’inspection.
Le président de la cour d’appel s’est déclaré incompétent pour connaître du recours exercé contre les opérations de visite et a déclaré le requérant irrecevable. Pour ce faire, l’ordonnance énonce que le procès-verbal de notification d’une décision de la Commission a été émargé dès le début de l’inspection par le secrétaire général de l’entreprise et de l’association d’entreprises qui n’a émis aucune réserve ou opposition, de sorte que l’ordonnance du JLD obtenue à titre préventif n’avait pas à être notifiée à l’occupant des lieux. Par ailleurs, la décision d’inspection de la Commission a été prise sur le fondement de l’article 20 § 1 du Règlement CE n° 1/2003 et, en l’absence d’opposition, les agents de la Commission ont estimé qu’il n’était pas nécessaire de s’assurer du concours des autorités nationales pour les assister dans les opérations d’inspection qui se sont déroulées, non sur le fondement de l’article L. 450-4 du Code de commerce, mais sur la base de l’article 20 précité et sont donc régies par le droit communautaire. En outre, ce n’est qu’à l’issue de ces opérations que la société requérante a adressé un courrier à la Commission pour lui faire part des difficultés de fonctionnement dont elle aurait souffert depuis le début des inspections en raison des nombreux manquements aux droits fondamentaux commis par les agents, notamment lors des auditions des salariés.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, le rejette.
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