Le Quotidien du 8 avril 2019 : Affaires

[Brèves] Recours contre une décision disciplinaire du CVV : l’assistance du ministère public et du commissaire du Gouvernement à l’audience ne viole pas l’article 6 § 1 de la CESDH

Réf. : Cass. civ. 1, 27 mars 2019, n° 17-24.242, FS-P+B (N° Lexbase : A7193Y7K)

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[Brèves] Recours contre une décision disciplinaire du CVV : l’assistance du ministère public et du commissaire du Gouvernement à l’audience ne viole pas l’article 6 § 1 de la CESDH. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/50775778-0
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par Vincent Téchené

le 05 Avril 2019

► Dans le cadre d’un recours contre une décision disciplinaire prononcée par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV), dès lors que l'avis du ministère public ne rejoint pas nécessairement les prétentions du commissaire du Gouvernement tendant à voir prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre de la personne poursuivie, l'assistance de l'un et l'autre à l'audience, au cours de laquelle ils sont entendus, ne place pas celle-ci dans une situation de net désavantage par rapport à eux et ne viole donc pas le principe de l'égalité des armes tel qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR).

Tel est le principal enseignement d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 mars 2019 (Cass. civ. 1, 27 mars 2019, n° 17-24.242, FS-P+B N° Lexbase : A7193Y7K).

 

En l’espèce, par décision du 13 janvier 2017, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (le CVV) a prononcé contre un opérateur de ventes volontaires (l'OVV), une interdiction définitive d'exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, et contre un commissaire-priseur une interdiction d'exercer cette activité pour une durée de douze mois, et ordonné la publication de la décision sur le site du CVV ainsi que dans deux organes de presse régionale.

 

L'OVV et le commissaire-priseur ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 28 juin 2017, n° 17/02509 N° Lexbase : A4249WLX) ayant confirmé la décision du CVV.

 

Ces derniers soutenaient, en premier lieu, que l'exigence d'un procès équitable s'oppose à ce que le commissaire du Gouvernement du CVV soit entendu, en plus du ministère public, devant la cour d'appel statuant sur le recours formé contre une décision disciplinaire du CVV. La Cour de cassation rejette ce moyen.

Elle énonce, d’abord, que selon la jurisprudence de la CEDH (CEDH, 24 avril 2003, Req. 44962/98 N° Lexbase : A9698BLR), le principe de l'égalité des armes est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la CESDH ; il exige un juste équilibre entre les parties, chacune d'elles devant se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires.

Ensuite, il résulte des articles L. 321-21 (N° Lexbase : L7972IQC), R. 321-40 (N° Lexbase : L0579HZH) et R. 321-45 (N° Lexbase : L9841IRW) du Code de commerce que le commissaire du Gouvernement auprès du CVV est un magistrat du parquet, nommé par le Garde des Sceaux, qui a compétence pour saisir ce conseil statuant en matière disciplinaire et ainsi engager des poursuites à l'encontre de l'opérateur de ventes volontaires aux enchères publiques et de la personne habilitée à diriger les ventes. Selon l'article R. 321-48 du même code (N° Lexbase : L0587HZR), le commissaire du Gouvernement, comme la personne poursuivie et son avocat, est entendu par le CVV, avant que celui-ci ne statue en matière disciplinaire, et n'assiste pas au délibéré. En outre, en application des articles R. 321-40, alinéa 4, et R. 321-49 (N° Lexbase : L0588HZS), il peut former, à l'encontre des décisions du CVV, qui lui sont notifiées, le recours prévu à l'article L. 321-23 (N° Lexbase : L6547AIC). Ainsi, pour la Haute juridiction, il résulte de ce qui précède que le commissaire du Gouvernement auprès du CVV a la qualité de partie à l'instance devant celui-ci statuant en matière disciplinaire ainsi que devant la cour d'appel de Paris statuant sur ledit recours.

La Cour relève ensuite que, aux termes de l'article R. 321-53 du Code de commerce (N° Lexbase : L0410ITD), le recours est instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure sans représentation obligatoire, le ministère public entendu ; il en résulte que le ministère public est partie jointe devant la cour d'appel de Paris statuant sur le recours prévu à l'article L. 321-23 du même code.

Ainsi, lors de l'examen du recours formé contre les décisions du CVV statuant en matière disciplinaire, le commissaire du Gouvernement et le ministère public n'exercent pas les mêmes fonctions : le premier engage les poursuites disciplinaires et expose les faits propres à les fonder, tandis que le second fait connaître son avis sur l'application à la personne poursuivie des lois, règlements ou obligations professionnelles applicables aux OVV et aux personnes habilitées à diriger les ventes en vertu.

Par conséquent, énonce la Cour, dès lors que l'avis du ministère public ne rejoint pas nécessairement les prétentions du commissaire du Gouvernement tendant à voir prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre de la personne poursuivie, l'assistance de l'un et l'autre à l'audience, au cours de laquelle ils sont entendus, ne place pas celle-ci dans une situation de net désavantage par rapport à eux et ne viole donc pas le principe de l'égalité des armes tel qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la CESDH.

 

L’OVV et le commissaire-priseur contestaient, en second lieu, le fondement même des sanctions prononcées à leur encontre.

La Cour de cassation rejette également ce moyen.

Elle relève qu’il résulte l'article 1.1.2., alinéa 3, du recueil des obligations déontologiques des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, tel qu'approuvé par arrêté du 21 février 2012 (N° Lexbase : L2637ISH) que, sous peine de sanction disciplinaire, l'OVV est tenu d'informer le vendeur du lieu où doit se tenir la vente de ses biens aux fins de lui permettre d'apprécier le montant des frais de transport de ceux-ci.

En l’espèce, c’est en considération de l'activité de vente aux enchères faussement localisée qu’un vendeur a pris contact avec le commissaire-priseur, et que ce dernier a reconnu ne pas avoir précisé à son client que la vente se déroulerait à Issoudun et non à Nevers, où celui-ci n'exerçait pas son activité, la circonstance que le commissaire-priseur ait délivré, lors de son passage au domicile de la mère du client et de l'enlèvement d'un premier lot, un reçu mentionnant son adresse de commissaire-priseur à Issoudun ne constitue pas l'information requise quant au lieu de la vente, de sorte que l'OVV avait manqué à son devoir d'information.

En outre, elle ajoute que la réitération par l'OVV du manquement à son obligation de loyauté, qui avait déjà été sanctionné par un blâme pour des faits similaires tenant à l'inscription d'activités locales fictives, constitue une manoeuvre déloyale à l'encontre des autres opérateurs, ainsi que la multiplicité, la répétition et la durée des autres manquements aux obligations déontologiques qui doivent garantir la confiance des vendeurs envers l'opérateur, notamment l'absence de mandat écrit du vendeur et de description précise des objets confiés en vue de la vente, ainsi que le maintien des adresses fictives en cours de procédure. Ces manquements constituent un obstacle dirimant à l'exercice de l'activité d'opérateur de ventes volontaires. Dès lors, la cour d'appel, qui a procédé au contrôle de proportionnalité de la sanction, sans être tenue de constater le caractère insuffisant de toute autre sanction disciplinaire que celle qu'elle estimait devoir appliquer, a légalement justifié sa décision de prononcer l'interdiction définitive d'exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à l'encontre de l'OVV.

 

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi.

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