Le Quotidien du 21 août 2018 : Pénal

[Brèves] Traite des êtres humains : condamnation de la Croatie en raison de carences dans une enquête portant sur de la prostitution forcée

Réf. : CEDH, 19 juillet 2018, Req. 60561/14 (disponible en anglais)

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par June Perot

le 05 Septembre 2018

► En concluant que la victime a procuré des services sexuels de son plein gré et non sous la contrainte pour acquitter la personne pénalement poursuivie, les juridictions internes ont méconnu le droit international applicable dans le domaine de la traite des êtres humains, et notamment la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui disposent que le consentement de la victime est indifférent. Telle est la position de la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt rendu le 19 juillet 2018 (CEDH, 19 juillet 2018, Req. 60561/14 [disponible en anglais]) 

 

Dans cette affaire, une ressortissante croate se plaignait d’avoir été contrainte à se prostituer par un ancien agent de police qui l’avait conduite auprès de clients, forcée à lui remettre la moitié de l’argent qu’elle gagnait en procurent des services sexuels et menacée de la punir si elle ne se pliait pas à ses exigences. L’homme fut inculpé et la jeune femme reconnue victime de la traite des êtres humains. A l’issue d’une enquête, l’homme fut jugé pour avoir forcé la requérante à se prostituer, mais il fut acquitté. Les tribunaux avaient estimé que le témoignage de la requérante était incohérent et manquait de fiabilité. Ils en avaient alors conclut que l’accusation n’avait pas produit de preuves suffisantes pour étayer une condamnation et que la requérante avait procuré des services sexuels de son plein gré.

 

Saisie de la question, la CEDH avait alors à se prononcer sur plusieurs questions : d’abord sur la question de l’application de l’article 4 de la CESDH (N° Lexbase : L4775AQW) puis sur celle de savoir si la Croatie avait honoré les obligations imposées par la Convention en se dotant, d’une part, d’un cadre législatif et administratif interdisant et réprimant la traite des êtres humains et en protégeant les victimes et, d’autre part, d’enquêter sur les allégations de traite.

 

Dans sa décision, la Cour rappelle qu’elle a déjà été amenée à se pencher sur la question de la traite des êtres humains dans plusieurs arrêts (v. par exemple : CEDH, 7 janvier 2010, Req. 25965/04 N° Lexbase : A0856W7T, CEDH, 26 juillet 2005, Req. 73316/01 N° Lexbase : A1599DKG). Cette affaire lui offre toutefois, pour la première fois, l’occasion de rechercher si l’article 4 trouve à s’appliquer à l’exploitation de femmes aux fins de prostitution. Elle y répond par l’affirmative puisqu’elle énonce que l’article 4 englobe non seulement la traite mais également l’exploitation. Elle cite en particulier la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains, qui a été ratifiée par la Croatie et qui comprend «toutes formes de traite des êtres humains, qu’elles soient nationales ou transnationales».

 

S’agissant des obligations incombant à la Croatie dans ce domaine. La Cour relève que la Croatie est bien dotée d’un cadre légal adéquat régissant l’infraction. Ce point est confirmé par le fait que les autorités ont bien reconnu la requérante en sa qualité de victime.


Cependant, plusieurs carences sont relevées par la juridiction Strasbourgeoise. En effet, les autorités n’ont pas interrogé certains témoins clés (des clients notamment) et n’ont pas sérieusement cherché à enquêter sur les allégations de la requérante concernant des menaces ou une dépendance financière. Enfin, la Cour reproche aux juridictions croates de ne pas avoir évalué l’impact du traumatisme psychologique de la requérante sur sa capacité à relater de manière claire et cohérente les circonstances dans lesquelles elle avait été exploitée, et de s’être contentées d’écarter son témoignage pour manque de fiabilité.

 

Pour toutes ces raisons, la Cour conclut à la violation de l’article 4 de la Convention et condamne la Croatie.

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