Dans un arrêt du 19 mai 2011, la cour d'appel de Versailles, statuant dans le cadre d'un contentieux fortement médiatisé mettant en cause l'ancien dirigeant d'une importante société cotée, a déclaré celui-ci coupable d'avoir, courant 2004, 2005 et 2006, en sa qualité de président directeur général et de directeur général, puis président du conseil d'administration fait, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'il possédait en cette qualité, un usage qu'il savait contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles (CA Versailles, 9ème ch., 19 mai 2011, n° 10/01523
N° Lexbase : A3802HTY). En l'espèce, un actionnaire a déposé plainte dénonçant les conditions d'octroi des rémunérations, primes et retraites du dirigeant, en estimant que leur montant excessif et disproportionné constituait le délit d'abus de biens sociaux en ce qu'il portait préjudice inévitablement à la société et en ce que leur calcul n'avait pas fait l'objet d'une autorisation préalable du conseil d'administration. La cour d'appel après avoir rappelé qu'il lui appartenait d'analyser les faits au regard de la qualification sollicitée par le ministère public, à savoir l'abus des pouvoirs et des voix (C. com., art. L. 242-6, 4°
N° Lexbase : L6420AIM), retient qu'en l'espèce le délit est constitué. Pour les juges versaillais, le dirigeant indélicat a fait, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'il possédait en cette qualité, un usage qu'il savait contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles en :
- évinçant les membres du comité des rémunérations ayant refusé le déplafonnement de sa rémunération ;
- constituant un comité des rémunérations, composé de personnes dont il s'était au préalable assuré de la complaisance, qui a proposé au conseil d'administration la modification de la formule de calcul de sa rémunération, lui permettant, en outre, d'obtenir la rétroactivité des décisions du conseil d'administration et à raison de son entière variabilité et de son déplafonnement une augmentation significative de sa rémunération qui s'est élevée, au titre de l'année 2004, à 3 307 837 d'euros et, au titre de l'année 2005, à 4 290 265 d'euros ;
- en optimisant ses conditions de départ de la société, grâce à la variabilité et au déplafonnement de sa rémunération annuelle, la rémunération perçue en 2005, constituant l'assiette de calcul de son indemnité de départ en 2006, soit la somme de 12 870 795 d'euros et le montant annuel de sa retraite, soit la somme de 2 145 132 d'euros ;
- en se faisant attribuer, au titre de l'exercice 2004, 290 000
stock-options, représentant 18,28 % de l'ensemble du plan, au titre de l'exercice 2005, 894 000
stock-options, représentant 35,18 % de l'ensemble du plan et au titre de l'exercice 2006, 700 000
stock-options, représentant 53,25 % de l'ensemble du plan, alors même qu'il avait obtenu l'entière variabilité et le déplafonnement de sa rémunération annuelle (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E5194BBY).
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