Réf. : CJUE, 25 juillet 2018, aff. C-216/18 (N° Lexbase : A2964XYG)
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N5234BX7
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par June Perot
le 04 Septembre 2018
► Une autorité judiciaire appelée à exécuter un mandat d’arrêt européen doit s’abstenir d’y donner suite si elle estime que la personne concernée risquerait de subir une violation de son droit fondamental à un tribunal indépendant et, partant, du contenu essentiel de son droit fondamental à un procès équitable, en raison de défaillances susceptibles d’affecter l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’Etat membre d’émission. Telle est la solution dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 25 juillet 2018 (CJUE, 25 juillet 2018, aff. C-216/18 N° Lexbase : A2964XYG).
Une personne de nationalité polonaise avait fait l’objet de trois mandats d’arrêt européens émis par des juridictions polonaises aux fins de poursuite pour trafic illicite de stupéfiants. Arrêtée en Irlande le 5 mai 2017, elle n’avait pas consenti à sa remise aux autorités polonaises au motif que, du fait des réformes du système judiciaire polonais, elle courait un risque réel de ne pas bénéficier, en Pologne, d’un procès équitable.
La Cour rappelle que dans un arrêt du 5 avril 2016 (CJUE, 5 avril 2016, aff. C-404/15 N° Lexbase : A2442RB3) elle a jugé que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution constate qu’il existe, à l’égard de la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, un risque réel de traitement inhumain ou dégradant au sens de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’exécution de ce mandat doit être reportée. Ce report exige toutefois deux étapes :
1) l’autorité judiciaire d’exécution doit constater qu’il existe un risque réel de traitements inhumains ou dégradants dans l’Etat membre d’émission en raison, notamment, de défaillances systémiques ;
2) elle doit s’assurer qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée par le mandat d’arrêt européen sera exposée à un tel risque.
La question des autorités irlandaises portait donc sur le fait de savoir s’il suffisait qu’elle constate l’existence de défaillances du système judiciaire polonais, sans devoir apprécier si la personne concernée y est concrètement exposée.
La Cour y répond de façon très pédagogique comme suit :
- dans un premier temps, l’autorité judiciaire d’exécution doit évaluer, sur le fondement d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés, l’existence d’un risque réel de violation d’un tel droit dans l’Etat membre d’émission, lié à un manque d’indépendance des juridictions de cet Etat membre en raison de telles défaillances ;
- dans un second temps, l’autorité doit apprécier, de manière concrète et précise, si, dans les circonstances de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, à la suite de sa remise, la personne recherchée courra ce risque.
Afin d’apprécier le risque réel couru par la personne recherchée, l’autorité judiciaire d’exécution doit examiner dans quelle mesure les défaillances systémiques ou généralisées sont susceptibles d’avoir une incidence au niveau des juridictions compétentes pour connaître du cas de la personne recherchée. S’il résulte de cet examen que ces défaillances sont susceptibles d’affecter les juridictions concernées, l’autorité judiciaire d’exécution doit alors évaluer s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, eu égard à sa situation personnelle ainsi qu’à la nature de l’infraction pour laquelle elle est poursuivie et au contexte factuel qui sont à la base du mandat d’arrêt européen, courra un risque réel de violation de son droit fondamental à un tribunal indépendant et, partant, du contenu essentiel de son droit fondamental à un procès équitable.
La Cour précise par ailleurs que l’autorité judiciaire d’exécution doit solliciter auprès de l’autorité judiciaire d’émission toute information complémentaire qu’elle juge nécessaire pour l’évaluation de l’existence d’un tel risque (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E0778E9P).
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