Réf. : Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 18-10.062, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7974XXM)
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N5021BXA
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par Marie Le Guerroué
le 19 Juillet 2018
►Sont valides les audiences tenues dans l’annexe du tribunal de grande instance de Bobigny, ouverte depuis le 26 octobre 2017 au bord des pistes de l’aéroport de Roissy et accolée à la zone d’attente. Ainsi statue la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt 11 juillet 2018 (Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 18-10.062, FS-P+B+I N° Lexbase : A7974XXM).
Le juge des libertés et de la détention, statuant dans la salle d’audience concernée attribuée au ministère de la Justice, avait ordonné le maintien d'un ressortissant vénézuélien en zone d’attente pour une durée de huit jours. Le premier président de la cour d’appel de Paris, dans une ordonnance du 30 octobre 2017, avait confirmé ce maintien en zone d’attente (CA Paris, 30 octobre 2017, n° 17/04793 N° Lexbase : A3961WXY). Il avait, notamment, considéré que l’annexe n’était pas située dans l’enceinte de la zone d’attente mais à proximité.
L’intéressé et plusieurs associations (le Syndicat des avocats de France, l’association Groupe d’information et de soutien des immigrés, l’association la Cimade, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, le Syndicat de la magistrature et l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers) avaient saisi la première chambre civile d'un pourvoi en cassation. Ils contestaient la validité des audiences, donc celle de l’intéressé, tenues dans ladite annexe.
La Cour de cassation rejette, toutefois, leur pourvoi en se fondant sur plusieurs éléments.
La Cour affirme, d’abord, que l’ordonnance constate que l’accès au bâtiment judiciaire ne peut se faire, pour le public, que par la porte principale au-dessus de laquelle figure en lettres majuscules la mention «TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY ANNEXE», et, pour les personnes maintenues en zone d’attente, par un passage extérieur situé en territoire français, conduisant à une porte signalée par l’inscription «TRIBUNAL» dans les six langues officielles de l’Organisation des Nations-Unies. Le premier président en a donc, selon elle, exactement déduit que la proximité immédiate entre les locaux de la zone d’attente et la salle d’audience était exclusive d’une installation de celle-ci dans l’enceinte de la zone d’attente.
Pour la Cour, en ayant relevé que cette salle était placée sous l’autorité fonctionnelle du ministère de la Justice et, localement, des chefs de juridiction, seuls à décider des modalités du contrôle des entrées confié à des agents des compagnies républicaines de sécurité, le premier président a aussi légalement justifié sa décision sur ce point.
L’ordonnance énonce que la localisation de la salle d’audience dans la zone aéroportuaire est prévue par la loi qui a été validée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 (Cons. const., décision n° 2003-484 DC, du 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité N° Lexbase : A1952DAK) sous la réserve d’aménagement de la salle devant garantir la clarté, la sécurité, la sincérité et la publicité des débats. Pour la Cour, elle a donc exactement retenu que, dans ces conditions, l’installation de cette salle à proximité de la zone d’attente de l’aéroport de Roissy répondait aux exigences légales de l’article L. 222-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5037IQM).
La Cour considère, également, qu’après avoir précisé que les avocats et les parties ont accès au dossier pour préparer la défense des personnes en zone d’attente dès l’ouverture de la salle, disposent de locaux garantissant la confidentialité des entretiens, ainsi que d’une salle de travail équipée qui leur est réservée, l’ordonnance a retenu à bon droit que les droits de la défense pouvaient s’exercer effectivement.
La Cour estime qu’ayant apprécié les conditions d’exercice de la justice au regard de la nature du contentieux soumis à de brefs délais imposés par la loi, et estimé que rien n’établissait que ces conditions étaient meilleures au siège du tribunal, le premier président, constatant l’existence d’un juste équilibre entre les objectifs poursuivis par l’Etat et les moyens utilisés par ce dernier pour les atteindre, a exactement retenu que le juge, qui avait tenu l’audience dans la salle située à proximité de la zone d’attente, avait statué publiquement et dans le respect des prescriptions légales et conventionnelles.
Enfin, en l’absence de doute raisonnable sur l’interprétation des dispositions relatives à l’exercice d’une justice indépendante et impartiale, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Le pourvoi est donc rejeté, les audiences délocalisées à Roissy maintenues.
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