La lettre juridique n°750 du 19 juillet 2018 : Procédure pénale

[Panorama] Panorama de droit de la garde à vue (juin 2017- juin 2018)

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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

le 18 Juillet 2018

Ce mois-ci, la revue Lexbase Pénal vous propose de retrouver un panorama retraçant un an de jurisprudence relative à la garde à vue, réalisé par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR à l'Université de Strasbourg.

 

 

 

 

 

Les dispositions légales régissant la garde à vue dans notre pays font, régulièrement, l’objet de modifications. De plus, cet encadrement juridique donne fréquemment lieu à de la jurisprudence notable de la part de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce panorama propose alors de faire un point annuel sur les évolutions juridiques de cette «mesure phare» de la phase préparatoire du procès pénal qu’est la garde à vue. Trois questions y sont ainsi tour à tour abordées : les conditions du placement en garde à vue (I), la durée de la garde à vue (II) et enfin les droits du gardé à vue (III).

 

I - Conditions du placement en garde à vue

 

A - Les conditions de fond

 

1) Nécessité d’une peine d’emprisonnement encourue

Cass. civ. 1, 7 février 2018, n° 17-10.338, FS-P+B (N° Lexbase : A6749XCX)

 

2) Nécessité de respecter un objectif légal

Cass. crim., 7 juin 2017, n° 16-87.588, FS-P+B (N° Lexbase : A4346WHG)

Cass. crim., 28 mars 2017, n° 16-85.018, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6075UMX)

Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 16-81.680, FS-D (N° Lexbase : A0658W9A)

 

B - Les conditions de forme

 

1) Information de l’autorité judiciaire

Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.700, F-D (N° Lexbase : A6721XCW)

Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 17-84.017, F-P+B (N° Lexbase : A0735W94)

Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.205, F-D (N° Lexbase : A8662XBG)

Cass. crim., 26 juin 2018, n° 18-80.596, F-D (N° Lexbase : A5650XUS)

 

2) Information du gardé à vue

Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-81.842, FS-P+B (N° Lexbase : A8114WXS)

Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.700, F-D (N° Lexbase : A6721XCW)

Cass. crim., 21 juin 2017, n° 16-84.158, FS-P+B (N° Lexbase : A7159WLQ)

 

II - Durée de la garde à vue

 

A - Procédure de droit commun

Cass. crim., 17 octobre 2017, n° 17-80.880, F-D (N° Lexbase : A4533WWS)

Cass. crim., 11 avril 2018, n° 17-86.237, F-P+B (N° Lexbase : A1542XLP)

Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-85.940, FS-P+B (N° Lexbase : A3308XRX)

 

B - Procédures spéciales

[…]

 

III - Droits du gardé à vue

 

A - Avertissement d’un proche

Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-80.872, F-P+B (N° Lexbase : A8110WXN)

 

B - Examen par un médecin

[…]

 

C - Assistance d’un avocat

Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.380, FS-P+B (N° Lexbase : A6728XC8)

Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 17-84.017, F-P+B (N° Lexbase : A0735W94)

 

D - Assistance d’un interprète

[…]

 

E - Enregistrement audiovisuel

Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 17-84.085, F-P+B (N° Lexbase : A0714W9C)

 

F - Droit au silence et à ne pas s’auto-incriminer

[…]

 


 

I - Conditions du placement en garde à vue

 

A - Conditions de fond

 

1) Nécessité d’une peine d’emprisonnement encourue

1. Selon l’article 62-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9627IPA), la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle «une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs». Ainsi, la garde à vue est exclue en matière de contraventions et pour les délits pour lesquels la peine d’emprisonnement n’est pas encourue. Cette règle a vocation à jouer quelle que soit l’enquête dans laquelle la mesure intervient.

2. Cette solution de bon sens a parfois des incidences juridiques, comme en témoigne un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 7 février 2018 (Cass. civ. 1, 7 février 2018, n° 17-10.338, FS-P+B N° Lexbase : A6749XCX ; cf. l’Ouvrage «Droit des étrangers» N° Lexbase : E4047EYK ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4293EUK) [1].

En l’espèce, un individu de nationalité colombienne avait été interpellé à bord d’un autobus en provenance d’Espagne à direction de Paris. Après qu’il ait présenté un passeport colombien dont le visa avait expiré, les policiers, qui avaient une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner au sens de l’article 62-2 du Code de procédure pénale, qu’il avait commis le délit d’entrée irrégulière sur le territoire français, l’avaient placé en garde à vue.

3. Cependant, la Cour de cassation censure la procédure diligentée contre l’intéressé. En effet, elle observe «qu’en cas de flagrant délit, le placement en garde à vue n’est possible, en vertu des articles 63 et 67 du Code de procédure pénale, qu’à l’occasion d’enquêtes sur les délits punis d’emprisonnement». Or, le ressortissant d’un pays tiers entré en France irrégulièrement, par une frontière intérieure à l’espace Schengen, n’encourt pas l’emprisonnement prévu par l’article L. 621-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1717I3Y) dès lors que la procédure de retour organisée par la Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (N° Lexbase : L3289ICS), n’a pas encore été menée à son terme. En conséquence, l’intéressé ne pouvait pas «être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de flagrant délit diligentée du seul chef d’entrée irrégulière».

2) Nécessité de respecter un objectif légal

4. Un placement en garde à vue ne peut pas être décidé dans n’importe quelle circonstance. En effet, depuis la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 (N° Lexbase : L9584IPN), l’article 62-2 du Code de procédure pénale prévoit que cette mesure doit constituer «l'unique moyen» de parvenir à l'un au moins des objectifs qu’il mentionne, à savoir :

«1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; 

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ; 

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; 

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; 

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ; 

6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit».

5. La chambre de l’instruction dispose alors logiquement d’un pouvoir de contrôle en la matière. Une décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 juin 2017 le rappelle (Cass. crim., 7 juin 2017, n° 16-87.588, FS-P+B N° Lexbase : A4346WHG ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4293EUK) [2] .

Les faits concernaient un notaire qui se voyait reprocher plusieurs faits constitutifs d’infractions. Sur réquisitions du procureur de la République, les OPJ l’avaient fait comparaitre et l’avaient placé en garde à vue. Cette mesure était présentée comme l’unique moyen de garantir sa présentation devant le magistrat du Parquet afin que ce dernier puisse apprécier la suite à donner à l’enquête. Or, la garde à vue avait pris fin sans que l’intéressé n’ait été présenté au procureur. Il avait finalement été mis en examen.

6. Sans trop de surprise, ce notaire avait déposé une requête en nullité des pièces de la procédure, et notamment celles relatives à sa garde à vue ainsi que les actes subséquents. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes avait accueilli cette demande et déclaré nul les actes établis lors de la garde à vue. Elle avait ainsi considéré que la mesure en question n’était pas l’unique moyen de garantir la présentation de l’intéressé devant le procureur de la République et en avait déduit que cette irrégularité avait nécessairement causé un grief à l’intéressé qui avait été retenu sous la contrainte alors qu’une audition libre aurait été suffisante. La chambre de l’instruction justifiait ce choix en soulignant le fait que le notaire avait déféré à une première réquisition aux fins de remise de pièces et s’était ensuite rendue une seconde fois à la gendarmerie de sa propre initiative pour les mêmes raisons. En outre, il était noté que l’intéressé, qui disposait d’une famille et d’une situation connue, s’était présenté à la gendarmerie afin d’être entendu. En conséquence, la chambre de l’instruction considérait qu’il n’existait pas de raisons objectives de penser qu’il ne se présenterait pas devant un magistrat, quelle que soit la décision du procureur à propos de la suite de la procédure.

7. Cette solution n’est pas remise en cause par la Cour de cassation. Selon cette dernière, la chambre de l’instruction, en appréciant souverainement les faits et circonstances de la cause, a justifié sa décision au regard des dispositions de l’article 62-2 du Code de procédure pénale.

8. Ainsi, la chambre de l’instruction se doit de rechercher si la mesure de garde à vue retenue constituait réellement «l’unique moyen» de parvenir à l’objectif mentionné par l’article 62-2 choisi en l’espèce. L’arrêt étudié nous donne alors une indication importante sur la méthode à suivre pour opérer un tel contrôle : il faut prendre en considération les «éléments dont disposaient alors les officiers de police judiciaire» au moment où ils ont décidé de recourir au placement en garde en vue. L’appréciation en question se fait in concreto.

9. Rappelons par ailleurs, même si la décision étudiée ne dit mot sur ce point, que la chambre de l’instruction a la faculté, dans l’exercice de ce contrôle, de relever un autre critère que celui ou ceux mentionnés par l’OPJ (Cass. crim., 28 mars 2017, n° 16-85.018, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6075UMX ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4293EUK) [3].

10. Une autre précision utile nous est enfin donnée, en la matière, par un arrêt de la Chambre criminelle du 20 décembre 2017 (Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 16-81.680, FS-D N° Lexbase : A0658W9A). Selon ce dernier, la cour d’appel avait écarté, à bon droit, le moyen du demandeur selon lequel le motif de placement en garde à vue, à savoir permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne, était fallacieuse dès lors qu’il n’avait été procédé à aucun acte d’investigation à l’exception des auditions de l’intéressé placé en garde à vue. En effet, pour la Haute juridiction, «une audition est une investigation» et le fait qu’il n’ait été procédé à aucun autre acte d’enquête au cours de la garde à vue ne saurait constituer une cause d’irrégularité de celle-ci.

 

B - Les conditions de forme

 

1) Information de l’autorité judiciaire

11. Selon l’article 63, I, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3154I39) : «Dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue. Il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l’article 62-2, ce placement et l'avise de la qualification des faits qu'il a notifiée à la personne en application du 2° de l’article 63-1».

12. Cette formalité est importante, dans la mesure où le procureur de la République incarne l’autorité et doit veiller à la garantie de la liberté individuelle. Il est alors connu que, pour une jurisprudence bien acquise, cette information ne doit pas être trop tardive : tout retard dans la mise en œuvre de l’obligation d’information du parquet non justifié par des circonstances insurmontables fait nécessairement grief à la personne concernée. Les juges ont parfois été très stricts en la matière (pour un avis opéré 45 minutes après le placement en garde à vue jugé trop tardif, Cass. crim., 24 mai 2016, n° 16-80.564, FS-P+B N° Lexbase : A0262RR7).

13. Aujourd’hui, la jurisprudence tend à admettre une information qui aurait été réalisée vingt-cinq (Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.700, F-D N° Lexbase : A6721XCW) ou trente minutes après le début de la garde à vue (Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 17-84.017, F-P+B N° Lexbase : A0735W94 ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4290EUG) [4].

14. Quid lorsque le mis en cause est en état d’ébriété ? Cette circonstance n’a aucune incidence sur l’obligation précitée ; une décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 janvier 2018 le rappelle (Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.205, F-D N° Lexbase : A8662XBG ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4290EUG).

En l’espèce, le prévenu avait été interpellé au volant de son véhicule après avoir heurté un autre véhicule à la suite d’une circulation à contre sens. L’intéressé, en état d’ébriété, avait été placé en garde à vue à 1h30. La notification des droits afférents à la garde à vue était intervenue à 8h40 et le prévenu avait été entendu à 8h41. Or, le procureur de la République n’avait été avisé de ce placement qu’à 10h49 ! Un tel report, à défaut de circonstances insurmontables, était bien évidemment inadmissible. Pourtant, la cour d’appel de Nîmes avait refusé d’annuler d’autres actes que l’audition du mis en cause au cours de cette garde à vue.

15. Cette décision encourt, logiquement, la cassation dès lors que le placement en garde étant intervenu à 1h30 et l’information du procureur de la République à 10h49, il «appartenait aux juges de rechercher quels étaient les actes affectés par l’information tardive du ministère public dans cet intervalle et les actes subséquents dont ils étaient le support nécessaire». En outre, et surtout, la Haute juridiction précise ici qu’il n’importe, pour déterminer l’étendue de l’annulation, «que la notification des droits à l’intéressé ait été différée en raison de son état d’ébriété».

16. Notons enfin qu’un mis en examen ne saurait faire grief, en toutes circonstances, du fait que le procès-verbal rendant compte de l’information du procureur de la République en application de l’article 63, I, du Code de procédure pénale ne comporte pas toutes les mentions exigées par ce texte (Cass. crim., 26 juin 2018, n° 18-80.596, F-D N° Lexbase : A5650XUS).

En l’occurrence, en effet, le procureur de la République, qui dirigeait l’enquête ouverte pour trafic de stupéfiants, avait ordonné, la veille, la comparution de l’intéressé, au besoin par la force publique, pour éviter la disparition des indices matériels, et avait sollicité du juge des libertés et de la détention une autorisation de perquisition sans l’assentiment en vue de rechercher des produits stupéfiants tous éléments de preuve et d’identifier les auteurs. En conséquence, pour la Cour de cassation, ce magistrat était nécessairement informé de la qualification des faits et de la nécessité d’une garde à vue pour éviter la disparition des indices matériels.

 

2) Information du gardé à vue

17. En vertu de l’article 63-1 du Code de procédure pénale, la personne placée en garde à vue est «immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa» : de son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l'objet ; de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ; et enfin du fait qu’elle bénéficie de différents droits (faire prévenir un proche et son employeur ; être examinée par un médecin ; être assistée par un avocat ; etc.).

18. Cette notification fait logiquement l’objet d’une protection par la jurisprudence de la Cour de cassation. C’est ainsi que lorsqu’une personne a été placée en garde à vue du chef d’une infraction, l’omission, dans cette même notification, d’autres infractions qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre, emporte l’annulation des auditions effectuées pendant la garde à vue lorsqu’il en est résulté pour elle une atteinte effective à ses intérêts, et des actes dont elles sont le support nécessaire (Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-81.842, FS-P+B N° Lexbase : A8114WXS) [5]

19. Cette notification doit être réalisée, dans tous les cas, rapidement. Une notification effectuée dans un intervalle de temps de 20 minutes après un placement en garde à vue demeure néanmoins admise (Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.700, F-D N° Lexbase : A6721XCW).

20. Rappelons que l’état d’ébriété de la personne gardée peut justifier un report de cette notification. Une décision du 21 juin 2017 attire, sur ce point, l’attention (Cass. crim., 21 juin 2017, n° 16-84.158, FS-P+B N° Lexbase : A7159WLQ ; cf. les Ouvrages «Procédure pénale» N° Lexbase : E4307EU3 et «Droit pénal général» N° Lexbase : E1553GAR) [6].

En l’espèce, un employé d’hôtel avait déclaré à son directeur avoir été victime d’une agression sexuelle commise par un client dans la chambre qu’il occupait. Rapidement, les services de police avaient arrêté l’agresseur qui se trouvait en état d’ivresse et l’avaient placé en garde à vue. Cette dernière avait alors débuté à l’heure de l’interpellation, soit le soir à 22h22. Or, l’OPJ avait décidé de différer la notification des droits à 2h45 du matin, l’intéressé ayant été placé dans l’intervalle en cellule de dégrisement (il s’était d’ailleurs livré, à cette occasion, à une exhibition sexuelle). Il avait finalement été reconnu coupable des deux infractions précitées.

21. Le prévenu avait alors formé un pourvoi en cassation. L’un de ses moyens nous intéressait plus particulièrement ici. Il reprochait en effet aux juges du fond de ne pas avoir statué sur l’exception de nullité qu’il soulevait. Selon lui, en effet, ses droits de gardé à vue lui avaient été notifiés alors qu’il était encore en état d’ébriété. Il se considérait ainsi, à 2h45 du matin, comme encore sous l’emprise de l’alcool et qu’en conséquence la notification de ses droits était intervenue trop tôt. Or, cette exception de nullité avait été rejetée par la cour d’appel de Bordeaux au motif que les mentions du procès-verbal de notification permettaient, semble-t-il, de s’assurer qu’il avait retrouvé sa lucidité à ce moment-là et qu’il était en état de comprendre ses droits. La Cour de cassation rejette alors le moyen en question. Elle confirme le fait qu’en se déterminant de la sorte, la cour d’appel a justifié sa décision.

22. Rappelons que l’état d’ébriété est une circonstance de nature à légitimer le retard dans la notification des droits (Ch. Mauro, Garde à vue : Rép. Pénal Dalloz, 2014, n° 102). Pour les juges, en effet, il s’agit d’une «circonstance insurmontable» empêchant l’intéressé de comprendre la portée de ses droits et de pouvoir en conséquence les exercer utilement (Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.466, F-D N° Lexbase : A7996NDI. - Cass. crim., 6 décembre 2016, n° 15-86.619, F-P+B N° Lexbase : A3690SPD ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4376EUM). Or, dans notre hypothèse, la notification avait pu avoir lieu à 2h45 du matin, car l’officier de police judiciaire avait bien constaté «de visu et par un questionnement simple» que l’intéressé avait retrouvé sa lucidité et pouvait, par conséquent, se voir notifier la mesure le concernant.

 

II - Durée de la garde à vue

 

A - Procédure de droit commun

 

23. Le délai d’une garde à vue est de 24 heures, que nous soyons en présence d’une enquête de flagrance (C. proc. pén., art. 63, II, al. 1° N° Lexbase : L3154I39) ou une enquête préliminaire (C. proc. pén., art. 77 N° Lexbase : L5572I3R). La nature de l’infraction importe peu.

24. Cette durée peut cependant être prolongée. C’est ainsi que, selon l’article 63, II, alinéa 2 du code, en droit commun, si le gardé à vue est un majeur une seule prolongation de 24 heures de plus est possible. Il en va ainsi «sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2». Notons que l'autorisation ne peut être accordée qu'après présentation de la personne au procureur de la République. Cette présentation peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle. Elle peut cependant, «à titre exceptionnel, être accordée par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable». 

25. Une décision récente attire l’attention en la matière (Cass. crim., 17 octobre 2017, n° 17-80.880, F-D N° Lexbase : A4533WWS). Pour rejeter le moyen de la nullité de la prolongation de garde à vue, tiré du caractère alternatif de la motivation de l’absence de présentation préalable au procureur de la République, les juges de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles avaient retenu qu’il résultait de la procédure que le magistrat du parquet ayant autorisé la prolongation de la garde à vue relevait dans le corps de l’autorisation de prolongation que de nombreuses investigations demeuraient à effectuer compte tenu de l’ampleur du dossier et qu’un défèrement était envisagé. La chambre de l’instruction en avait alors déduit qu’en prévoyant ainsi l’absence de présentation à titre exceptionnel pour la «charge de la permanence du parquet et/ou des services d’enquête», le magistrat avait suffisamment justifié pour l’un ou l’autre, voire pour ces deux motifs, l’absence de présentation préalable de la personne en garde en vue, sans qu’il ait été nécessaire de justifier plus avant son manque de disponibilité en raison de la permanence qu’il devait assurer, ainsi que le manque de disponibilité des services d’enquête à raison des investigations à mener dans un dossier d’ampleur. Dès lors, pour la Cour de cassation, cette décision, reposant sur son «appréciation souveraine du caractère exceptionnel des circonstances permettant de prolonger la garde à vue sans présentation préalable de la personne concernée», était parfaitement justifiée.

26. Signalons également un arrêt récent ayant précisé qu’une telle prolongation ne peut être décidée par une magistrate intérimaire, non membre du corps judiciaire, désignée sur le fondement de l’article 56 du décret du 22 août 1928 modifié (permettant la désignation, pour pourvoir des emplois vacants de magistrats dans les juridictions d’outre-mer, d’intérimaires n’appartenant pas au corps judiciaire), qui a été abrogé par le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 (N° Lexbase : L7828BGZ) (Cass. crim., 11 avril 2018, n° 17-86.237, F-P+B N° Lexbase : A1542XLP).

En l’occurrence, la chambre de l’instruction en avait déduit qu’en raison de cette abrogation, la désignation, pour exercer les fonctions de procureur de la République à Mata-Uta (île de Wallis), à compter du 1er janvier 2016, d’une telle magistrate intérimaire était dénuée de base légale, et qu’il en résultait que les actes qu’elle avait accomplis étaient inexistants, ce qui devait conduite à l’annulation, notamment, de la prolongation de la garde à vue de l’intéressé et de son audition réalisée par les enquêteurs pendant cette prolongation.

27. Sans surprise, la Cour de cassation ne remet pas en cause cette solution de bon sens. En effet, «l’abrogation d’un texte ou d’une disposition ayant procédé à l’abrogation ou à la modification d’un texte ou d’une disposition antérieur n’est pas, par elle-même, de nature à faire revivre le premier texte dans sa version initiale ; une telle remise en vigueur ne peut intervenir que si l’autorité compétente le prévoit expressément». Ainsi, il ne peut en aller autrement que, par exception, dans le cas où une disposition a pour seul objet d’abroger une disposition qui n’avait elle-même pas eu d’autre objet que d’abroger ou de modifier un texte et que la volonté de l’autorité compétente est de remettre en vigueur le texte ou la disposition concerné dans sa version initiale. Or, tel n’était pas le cas ici.

28. Par ailleurs, rappelons que pour l’article 803-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9884I3H) : «Toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue ou de sa retenue à la demande du procureur de la République ou du juge de l'application des peines comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d'instruction à l'issue d'une garde à vue au cours d'une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt». Ce principe n’est cependant pas absolu. En effet, l’article 803-3 prend soin de préciser qu’«en cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de l’article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue ou la retenue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé est immédiatement remis en liberté». Il incombe par conséquent à la juridiction, saisie d’une requête en nullité de la rétention, de s’assurer de l’existence des circonstances ayant justifié la mise en œuvre de cette mesure dérogatoire. C’est ce que rappelle une décision de la Chambre criminelle du 13 juin 2018 (Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-85.940, FS-P+B N° Lexbase : A3308XRX ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E2009EUX) [7].

29. En l’espèce, pour rejeter le moyen de nullité tiré de la violation des dispositions des textes précités, mais aussi de l’article 593 du code, la cour d’appel de Paris avait énoncé qu’il avait été mis fin à la garde à vue d’un individu le 9 mars 2017 à 15 heures 45, au terme du délai de 24 heures, et que par nécessité en raison de contingences matérielles, celui-ci n’avait été présenté que le lendemain, 10 mars, à 11h15, soit avant expiration du délai de 24 heures, au magistrat du Parquet qui lui avait notifié les faits reprochés ainsi que la date d’audience de jugement avant de le laisser libre. Les magistrats ajoutaient que de la sorte l’intéressé n’était plus sous une mesure de contrainte après la 20ème heure. Or, cette solution n’est pas partagée par la Cour de cassation qui estime qu’en se prononçant ainsi, sans déterminer le circonstances ou contraintes matérielles rendant nécessaire la mise en œuvre de la mesure de rétention, la cour d’appel n’avait pas justifié sa décision.

30. Pour finir, observons que l’état du droit régissant la prolongation de garde à vue pourrait connaître des évolutions dans les prochains mois. En effet, un projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été présenté au Conseil des ministres du 20 avril 2018 par Mme Belloubet, Garde des sceaux. Or, ce texte, qui a notamment pour ambition la simplification et le renforcement de l’efficacité de la procédure pénale, prévoit, par son article 31, deux nouveautés intéressant la prolongation de la garde à vue (pour une autre évolution, V. infra, n° 44).

31. D’une part, l’article consacre les décisions de justice autorisant la prolongation de la mesure de garde à vue aux seules fins de permettre un défèrement pendant les heures ouvrables. Cette jurisprudence serait alors légalisée. L'idée serait de préciser que la garde à vue peut être prolongée aux seules fins de garantir la présentation de la personne devant l'autorité judiciaire dans les tribunaux ne disposant pas de «petits dépôts» (autrement dit dans toutes les juridictions à l'exception de Paris, Bobigny et Créteil).

32. D’autre part, afin d'alléger le formalisme de la prolongation de la garde à vue, le même article 31 du projet de loi cherche à rendre facultative la présentation de la personne devant le procureur de la République ou le juge d’instruction pour la première prolongation de 24 heures de la garde à vue. La nature de l’infraction importerait ici peu.

 

B - Procédures spéciales

[…]

 

III - Droits du gardé à vue

 

A - Avertissement d’un proche

 

33. Aux termes de l’article 63-2 du Code de procédure pénale : «I. - Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son curateur ou son tuteur de la mesure dont elle est l'objet. Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays». Ce droit doit être rapidement exercé. En effet, «Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs en application du premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande».

34. Ce principe n’est cependant pas sans limite. En effet, selon le même article : «Le procureur de la République peut, à la demande de l'officier de police judiciaire, décider que l'avis prévu au premier alinéa du présent I sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne». Ce report donne parfois lieu à de la jurisprudence notable.

35. Citons, à titre d’exemple, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 31 octobre 2017 (Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-80.872, F-P+B N° Lexbase : A8110WXN ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E4308EU4). En l’espèce, l’avocat d’un mis en examen avait déposé une requête en nullité prise de l’irrégularité de la mesure de garde à vue. Il invoquait ainsi la tardiveté de la requête de l’officier de police judiciaire au procureur de la République tendant à ce qu’il ne soit pas fait droit à la demande de l’intéressé que son frère soit informé de son placement en garde à vue en application de l’article précité.

36. Or, pour la Haute juridiction, l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant écarté ce moyen échappe à la censure (même s’il s’était prononcé à tort sur le fondement de l’article 63-2 dans sa version issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 N° Lexbase : L4202K87). La Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en effet en mesure de s’assurer que l’OPJ s’était en l’occurrence référé au procureur de la République moins d’une heure quinze après le placement en garde à vue de l’intéressé, et que ce magistrat, ayant pris sa décision à la suite, c’est-à-dire avant l’expiration du délai de trois heures prévu au 3ème alinéa de l’article 63-2, il avait été satisfait aux dispositions de ce texte dans sa version alors applicable.

 

B - Examen par un médecin

[…]

 

C - Assistance d’un avocat

 

37. Selon l’article 63-4-2, alinéa 1er (N° Lexbase : L4968K8I), du code : «La personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité, ne peut débuter sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office avant l'expiration d'un délai de deux heures suivant l'avis adressé dans les conditions prévues à l’article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d'être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes». 

38. Encore faut-il cependant, pour que cet article s’applique, être en présence d’une véritable audition. Une décision récente le rappelle (Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.380, FS-P+B N° Lexbase : A6728XC8) [8].

En l’espèce, lors d’une perquisition effectuée au domicile du demandeur, placé en garde à vue, celui-ci, qui avait déclaré l’assistance d’un avocat, s’était vu présenter des téléphones portables qu’il avait dit ne plus utiliser, ainsi qu’une clé de contact de véhicule qu’il avait identifiée comme étant celle d’une voiture ne lui appartenant, qu’il avait reconnu utiliser et avoir stationnée dans un box de sa résidence. Pour écarter le moyen de nullité, les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d'appel de Paris énonçaient notamment qu’il n’avait pas été porté atteinte aux droits de l’intéressé des lors qu’il avait été informé du droit de se taire, que les objets saisis ne lui avaient été présentés qu’en vue d’une reconnaissance et que les réponses qu’il avait faites ne pouvaient être considérées comme auto-incriminatoires. Or, pour la Cour de cassation, cette décision est justifiée dès lors que la chambre de l’instruction s’est expliquée comme elle le devait sur la teneur des déclarations du requérant et en a déduit qu’elles n’avaient pas le caractère d’une audition au sens de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale, mais répondaient aux prescriptions de l’article 54 dernier alinéa du même code.

39. Par ailleurs, rappelons que des particularités légales existent concernant le mineur placé en garde à vue. En effet, selon l’article 4, IV, de l’ordonnance du 2 février 1945, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21ème siècle (N° Lexbase : L1605LB3) : «dès le début de garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure pénale. Il doit être immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur n’a pas sollicité l’assistance d’un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui sont alors avisés de ce droit lorsqu’ils sont informés de la garde à vue […]». L’assistance du mineur en garde à vue par un avocat est donc devenue obligatoire. Une décision de la Chambre criminelle du 20 décembre 2017 le rappelle (Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 17-84.017, F-P+B N° Lexbase : A0735W94 ; cf. l’Ouvrage «Procédure pénale» N° Lexbase : E1771EU7) [9].

40. En l’occurrence, un mineur avait révélé avoir été victime d’une agression sexuelle, d’une tentative de viol et d’un viol commis par un autre garçon, mineur au moment des faits. Ce dernier avait donc été placé en garde à vue le 21 mars 2017 à 8h05. A 8h15, l’avocat de permanence était avisé de ce placement par un message vocal laissé sur son répondeur téléphonique. A 8h35, le Parquet était à son tour informé. Le gardé à vue était finalement auditionné une première fois, de 10h15 à 11h20, en l’absence de son avocat. Ce dernier avait toutefois pu prévenir les enquêteurs qu’«il passerait voir son client» dans l’après-midi. Un entretien avait ainsi eu lieu entre les deux protagonistes de 15h40 à 16h. Or, après cela, de 16h à 17h05, le mineur avait été une nouvelle fois entendu sur les faits sans l’assistance de son avocat avant d’être mis en examen le lendemain.

41. L’intéressé avait, par l’intermédiaire de son avocat, déposé une requête en annulation des actes accomplis au cours de la garde à vue. Cependant, la chambre de l’instruction avait écarté le moyen de nullité invoqué, au motif que l’avocat, avisé de la mesure dont le mineur faisait l’objet dix minutes après le début de celle-ci, avait pu faire connaître aux enquêteurs le moment auquel il se présenterait à leur service et avait pu effectivement s’entretenir, lors de sa venue, avec son client. Un pourvoi en cassation avait alors été formé.

42. La décision de la Cour de cassation est à l’origine de plusieurs précisions utiles. D’une part, elle constate qu’en raison du renvoi opéré par l’article 4, IV, de l’ordonnance du 2 février 1945 précité à l’article 63-4-2, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, les enquêteurs pouvaient procéder deux heures après le début de la garde à vue, à une première audition du mineur sans l’assistance de son avocat qui avait été avisé. D’autre part, et surtout, elle estime que la chambre de l’instruction aurait dû constater que la seconde audition était irrégulière au motif qu’il n’apparaissait pas au procès-verbal de la garde à vue que «l’avocat qui s’était présenté et avait eu un entretien avec le mineur avait été informé de l’horaire de la seconde audition». Dès lors, la Haute juridiction annule cette seconde audition et étend les effets de cette annulation aux actes dont elle était le support nécessaire.

43. Enfin, rappelons que depuis la loi du 3 juin 2016 l'article 63-4-3-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4840K8R), modifié à la suite d’un amendement sénatorial, prévoit que l'avocat de la personne gardée à vue doit être informé sans délai si cette dernière est transportée sur un autre lieu. La circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces du 30 juin 2016 a alors logiquement précisé qu'il «résultait des débats parlementaires que cette information ne doit évidemment intervenir qu'en cas de transports effectués pour les nécessités de l'enquête, mais qu'elle ne s'applique pas aux autres transports, comme ceux nécessités par une hospitalisation ou un examen médical, ou ceux nécessités pour les présentations devant un magistrat en vue d'une éventuelle prolongation de la garde à vue». Néanmoins, et en dépit de cette circulaire, force est de constater que cette obligation n’est pas circonscrite par la loi aux seuls actes durant lesquels la personne gardée à vue a le droit à la présence de son avocat. Cela est donc de nature à imposer une contrainte excessive aux enquêteurs.

44. Face à cette difficulté, le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (v. supra, n° 30 et s.) cherche, par son article 31, à préciser la portée de l’obligation pour les enquêteurs d’aviser l’avocat du transport d’une personne gardée à vue, qui ne s’appliquerait que lorsque la personne devrait être entendue ou participer à un tapissage ou une reconstitution. En revanche, cet avis ne se rencontrerait plus en cas de transport à l’hôpital pour un examen médical.

 

D - Assistance d’un interprète

[…]

 

E - Enregistrement audiovisuel

 

45. Aux termes de l’article 64-1 du Code de procédure pénale : «Les auditions des personnes placées en garde à vue pour crime, réalisées dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un enregistrement audiovisuel».

46. Concernant cette obligation, une décision récente a eu l’occasion de préciser qu’un requérant ne saurait faire grief de ce qu’aucun enregistrement n’a été effectué durant sa garde à vue qui s’est déroulée à bord d’une frégate de la Marine nationale, lieu non visé par l’article 64-1 du Code de procédure pénale, texte qui ne concerne que les auditions des personnes placées en garde à vue pour crime, réalisées dans les locaux d’un service ou d’une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire (Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 17-84.085, F-P+B N° Lexbase : A0714W9C).

 

F - Droit au silence et à ne pas s’auto-incriminer

[…]

 


[1] Dalloz.fr, actualité, 20 février 2018, obs. J.-M. Pastor ; JCP éd. G, 2018, 254, obs. Ph. Collet ; Dr. Pénal, 2018, comm. 91, obs. A. Maron et M. Haas.

[2] Dalloz.fr, actualité, 30 juin 2017, obs. D. Goetz ; RSC, 2017, p. 765, obs. F. Cordier ; AJ Pénal, septembre 2017, p. 403, obs. G. Roussel ; Procédures, 2017, comm. 210, obs. A.-S. Chavent-Leclère ; Gaz. Pal., 24 octobre 2017, p. 56, obs. F. Fourment.

[3] D., 2017, p. 1339, note S. Pellé ; AJ Pénal, 2017, p. 353, obs. J. Andréi ; Dr. Pénal, 2017, comm. 80, obs. A. Maron et M. Haas ; D., 2017, Pan. p. 1676, obs. J. Pradel.

[4] Dalloz.fr, actualité, 15 janvier 2018, obs. D. Goetz ; Procédures 2018, comm. 90, obs. A.-S. Chavent-Leclère.

[5] Dalloz.fr, actualité, 5 décembre 2017, obs. S. Fucini.

[6] Dalloz.fr, actualité, 17 juillet 2017, obs. D. Goetz.

[7] D., 2018, AJ, p. 1314.

[8] Procédures, 2018, comm. 124, obs. A.-S. Chavent-Leclère ; Dr. Pénal, 2018, comm. 69, obs. A. Maron et M. Haas ; JCP éd. G, 2018, 469, n° 15, obs. J.-B. Perrier.

[9] Dalloz.fr, actualité, 15 janvier 2018, obs. D. Goetz ; Procédures, 2018, comm. 90, obs. A.-S. Chavent-Leclère.

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