Réf. : CEDH, 17 juillet 2018, Req. 38004/12 (disponible en anglais)
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N5109BXI
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par June Perot
le 25 Juillet 2018
► Le transport des membres d’un groupe de musique punk détenus dans un véhicule bondé vers et depuis le tribunal où se tiennent les audiences dans leur affaire, leur faisant ainsi subir une humiliation du fait de leur exposition permanente à la vue de tous dans un box vitré, cernés par des policiers armés et placés sous la garde d’un chien, malgré l’absence de risque manifeste pour la sécurité, constitue un traitement inhumain et dégradant ;
► Constitue par ailleurs une violation du droit à la liberté et à la sûreté, le maintien en détention provisoire, pendant cinq mois, fondé sur des motifs stéréotypés ;
► Le dispositif de sécurité dans le prétoire, à savoir le box vitré et le lourd déploiement de moyens, ayant empêché les membres d’un groupe de communiquer en toute discrétion avec leurs avocats pendant leur procès qui a duré un mois, emporte violation de l’article 6 § 1 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR) ;
► Enfin, la condamnation à des peines d’emprisonnement, sans même analyser le texte des chansons interprétées dans une cathédrale par les membres d’un groupe punk, ni tenir compte du contexte, pour la simple raison que celles-ci ont porté des vêtements de couleurs vives, fait des mouvements de bras, lancé leurs jambes en l’air et utilisé un langage ordurier, constitue une sanction d’une sévérité exceptionnelle qui emporte violation de la liberté d’expression. Telles sont les solutions d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme rendu le 17 juillet 2018 (CEDH, 17 juillet 2017, Req. 38004/12).
Les faits de l’espèce concernaient la condamnation et l’emprisonnement de trois membres du groupe punk Pussy Riot. Elles avaient tenté d’interpréter l’un de leurs morceaux intitulé «Punk Prayer - Virgin Mary, Drive Putin Away», depuis l’autel d’une cathédrale à Moscou, entendant ainsi faire valoir qu’elles désapprouvaient la situation politique en Russie à l’époque, ainsi que le chef de l’église orthodoxe russe. Rapidement expulsées au cours de leur performance, elles furent arrêtées peu de temps après pour hooliganisme motivé par la haine religieuse et placées en détention provisoire essentiellement à raison de la gravité des accusations qui étaient retenues contre elles. Leur détention avait duré plus de cinq mois avant d’être reconnues coupables. Les tribunaux jugèrent en particulier que leur performance avait été offensante et interdirent l’accès aux enregistrements vidéo que les jeunes femmes avaient ultérieurement postés sur Internet au motif qu’ils étaient «extrémistes». Tous les recours que les requérantes formèrent ensuite contre cette décision furent rejetés. Elles avaient alors été condamnées à une peine de deux ans d’emprisonnement, peine ensuite réduite d’un mois. Deux d’entre elles purgèrent environ un an et neuf mois de leur peine avant d’être amnistiées tandis que la troisième passa environ sept mois en détention avant qu’une suspension de sa peine ne lui fût accordée.
Saisie de cette affaire, la CEDH avait alors à se prononcer sur d’hypothétiques violations des articles 3 (N° Lexbase : L4764AQI), 6 § 1, 5 § 3 (N° Lexbase : L4786AQC) et 10 (N° Lexbase : L4743AQQ) de la Convention.
La Cour, énonçant les solutions susvisées, condamne la Russie par cinq fois. A noter, pour nos lecteurs les plus curieux, que les paroles des chansons des Pussy Riot ont été annexées à l’arrêt…
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