Réf. : Cass. crim., 27 juin 2018, n° 18-80.069, FS-P+B (N° Lexbase : A5563XUL)
Lecture: 3 min
N4825BXY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par June Perot
le 04 Juillet 2018
► Un parlementaire, en ce qu’il accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, est chargé d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 du Code pénal (N° Lexbase : L9488IY3). Tel est l’apport d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 27 juin 2018 (Cass. crim., 27 juin 2018, n° 18-80.069, FS-P+B N° Lexbase : A5563XUL).
En 2002, à la suite de la création du parti Union pour une majorité présidentielle (UMP) ainsi que de la constitution d’un groupe du même nom au Sénat, fusionnant trois anciens groupes politiques distincts, le Rassemblement Pour la République (RPR), le groupe centriste et le groupe de l’Union des Républicains et Indépendants (UDI), il aurait été décidé, afin de permettre aux anciens présidents des groupes fusionnés de compenser la perte de certaines fonctions et de fidéliser les élus qui auraient des velléités de soutenir l’action d’un autre parti, de créer deux associations, l’URS, intéressant plus précisément les anciens du groupe UDI, et le CRESPI, intéressant pour sa part les anciens centristes, puis devenue la branche “diplomatie” de l’URS, l’existence de ces deux associations étant restée ignorée des services de la questure du Sénat. Les mouvements des deux comptes dont le groupe UMP est titulaire (l’existence de l’un des comptes étant restée confidentielle) ont montré qu’ils auraient été utilisés également, entre avril 2008 et avril 2015, pour effectuer divers versements à des sénateurs. Certains ont indiqué que les sommes dont ils ont bénéficié correspondaient à la restitution des crédits destinés à la rémunération d’assistants qu’ils n’avaient pas consommés et qu’ils avaient délégués au groupe UMP, sans pouvoir toutefois expliquer la raison pour laquelle certains d’entre eux ou encore un simple collaborateur du groupe UMP au Sénat, non élu, avaient bénéficié de versements alors même qu’ils n’avaient procédé à aucune délégation de fonds en faveur de ce groupe.
Un sénateur du Calvados, en fonction entre 1998 et 2014, président de la commission des lois de 2001 à 2004, puis questeur jusqu’en 2011 et vice-président du Sénat à partir de septembre 2011 et bénéficiant d’une délégation de signature du trésorier du groupe UMP, a été mis en examen des chefs de détournements de fonds publics et recel de ce délit.
Pour conclure à l’applicabilité de l’article 432-15 du Code pénal aux parlementaires, la Haute juridiction procède au raisonnement suivant :
La Cour approuve la chambre de l’instruction en ce qu’elle a relevé qu’il ne résultait pas de la lettre de la loi que le législateur ait entendu dispenser les parlementaires, parmi lesquels les sénateurs, du devoir de probité en lien direct avec les missions qui leur sont confiées.
La différence de rédaction des incriminations visées à la section du Code pénal intitulée «des manquements au devoir de probité», qui ne constitue pas une cause exonératoire, doit être corrélée avec la description des faits incriminés, éléments matériels de l’infraction.
Il résulte au contraire des travaux parlementaires à l’occasion de l’adoption du nouveau Code pénal la volonté de retenir une conception large de la notion de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, cette définition présentant l’avantage de substituer un critère fonctionnel évitant des énumérations fastidieuses (sur ce point, v. N. Catelan, Détournement public de fonds, négligence et recel : entre droit commun et droit spécial, in Lexbase éd. priv., 2017, n° 692 N° Lexbase : N7229BWN et le Rapport n° 274 de P. Masson).
Enfin, la chambre de l’instruction se fonde sur les prérogatives des députés et sénateurs contenues dans l’article 719 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9296K43) et qui permettent aux élus de la Nation de vérifier que les conditions de détention répondent à l’exigence de respect de la personne humaine : visite des locaux de garde à vue, des établissements pénitentiaires et centres éducatifs fermés ainsi que les lieux de rétention administrative et les zones d’attente.
La Cour approuve donc la cour d’appel qui a retenu que le texte susvisé suffisait à caractériser, pour le sénateur, la qualité de personne chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 qui est reconnue à toute personne chargée, directement ou indirectement d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, peu important qu’elle ne disposât d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique, la mission dévolue aux parlementaires étant par essence une mission d’intérêt général, cette qualité étant par ailleurs retenue par les juridictions correctionnelles lorsque des élus sont victimes de violences, d’outrages ou de menaces (cf. l’Ouvrage «Droit pénal spécial» N° Lexbase : E9980EWK ; comm. à paraître in Lexbase Pén., 2018, n° 8).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:464825