Constituent des motifs impropres à caractériser l'existence de frais professionnels l'achat d'une seconde paire de lunettes indiqué dans une ordonnance du médecin du travail adressée à un confrère au motif qu'elle répondait aux besoins de l'activité professionnelle du salarié, dans l'intérêt de son employeur. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 juillet 2017 (Cass. soc., 5 juilet 2017, n° 15-29.424, FS-P+B
N° Lexbase : A8265WLP).
Un salarié a été engagé par une société pour occuper, au dernier état de la relation contractuelle, un poste de technicien de maintenance et travaux. A la suite de la visite annuelle en 2013, le médecin du travail a prescrit au salarié un examen ophtalmologique, l'employeur prenant en charge les honoraires du praticien appelé à le réaliser. Le salarié a fait alors l'achat d'une paire de lunettes de vue supplémentaire et en a sollicité le remboursement par son employeur, qui l'a refusé.
Pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de remboursement de frais engagés pour l'achat d'une paire de lunettes supplémentaire et de dommages et intérêts, le conseil de prud'hommes retient notamment que le salarié intervient régulièrement sur le tracé des autoroutes, que dans le cadre d'une visite médicale annuelle, le médecin du travail a établi une ordonnance pour lui faire pratiquer un examen ophtalmologique dans le cadre de reconnaissance d'aptitude, et qu'en plus des examens cités, le médecin du travail a indiqué "
pour les personnes appareillées, exiger une paire de lunettes supplémentaire". Il ressort à l'analyse d'un document de la société, intitulé "
facteurs humains et sécurité sur autoroute", versé aux débats par le salarié, que cet examen est demandé par la société à l'occasion de la visite médicale annuelle avec une périodicité de cinq ans, ramenée à trois ans au-delà de 50 ans, que l'opération est diligentée par le médecin du travail et couverte par le secret médical et que la société se contente d'assurer le financement des frais complémentaires. Dès lors, il y a lieu de considérer que l'indication du médecin du travail portée sur l'ordonnance constitue une mesure de santé et de sécurité au travail et que l'achat par le salarié d'une seconde paire de lunettes à la suite de l'examen ophtalmologique prescrit rentre dans le cadre de santé et de la sécurité de travail du salarié. A la suite de ce jugement, l'employeur s'est pourvu en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse le jugement au visa de la règle selon laquelle les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur doivent être supportés par ce dernier. Elle précise qu'en se déterminant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe susvisé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0785ETA).
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