Viole l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ) la cour d'appel qui refuse le bénéfice de la bonne foi et condamne pour complicité de diffamation envers des magistrats un avocat alors que les propos litigieux tenus par celui-ci, qui portaient sur un sujet d'intérêt général relatif au traitement judiciaire d'une affaire criminelle ayant eu un retentissement national et qui reposaient sur une base factuelle suffisante, ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression d'un avocat dans la critique et le jugement de valeur portés sur l'action des magistrats et ne pouvaient être réduits à la simple expression d'une animosité personnelle envers ces derniers. Telle est la solution retenue par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 décembre 2016 (Ass. plén., 16 décembre 2016, n° 08-86.295, P+B+R+I
N° Lexbase : A2362SXR). En l'espèce, à la suite de la condamnation de la France par un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 23 avril 2015, req. n° 29369/10
N° Lexbase : A0406NHI), l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a été saisie du réexamen du pourvoi formé par Me X contre un arrêt qui l'avait condamné pour complicité de diffamation publique envers des fonctionnaires publics, en raison de propos rapportés dans un article publié dans le journal Le Monde paru le 7 septembre 2000, mettant en cause le comportement des deux juges d'instruction (CA Rouen, 16 juillet 2008, rendu sur renvoi après cassation : Cass. crim., 12 octobre 2004, n° 03-83.306, F-P+F
N° Lexbase : A6198DDW). Dans son arrêt, la Haute juridiction retient tout d'abord que les propos litigieux portaient sur un sujet d'intérêt général relatif au traitement judiciaire d'une affaire criminelle ayant eu un retentissement national. Elle relève, ensuite, qu'ils reposaient sur une base factuelle suffisante, à savoir le défaut de transmission spontanée d'une pièce de la procédure au juge d'instruction nouvellement désigné et la découverte d'une lettre empreinte de familiarité, à l'égard des juges alors en charge de l'instruction, du procureur qui dénonçait le comportement de la cliente et de ses avocats. Elle en déduit que ces propos ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression d'un avocat dans la critique de l'action des magistrats et ne pouvaient être réduits à la simple expression d'une animosité personnelle envers ces derniers. Par ailleurs, l'occasion est donnée de réaffirmer que l'immunité des débats judiciaires prévue par l'article 41, alinéa 3, devenu alinéa 4, de la loi du 29 juillet 1881 (
N° Lexbase : L7589AIW) ne protège pas les écrits faisant l'objet, en dehors des juridictions, d'une publicité étrangère aux débats (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1682EUT).
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