La lettre juridique n°412 du 14 octobre 2010 : Procédure prud'homale

[Jurisprudence] L'action en réparation d'un accident du travail ne peut être exercée devant la juridiction prud'homale

Réf. : Cass. soc., 30 septembre 2010, n° 09-41.451, FP-P+B (N° Lexbase : A7627GAQ)

Lecture: 15 min

N2822BQL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] L'action en réparation d'un accident du travail ne peut être exercée devant la juridiction prud'homale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3351737-jurisprudencelactionenreparationdunaccidentdutravailnepeutetreexerceedevantlajuridicti
Copier

par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

le 04 Janvier 2011

Le compromis de 1898 (1) résiste, et la Cour de cassation s'attache à en assurer la pérennité. En effet, par son arrêt rendu le 30 septembre 2010 (2), la Cour a rappelé la portée juridictionnelle du "compromis de 1898" : aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit. Aussi, la Cour de cassation décide que la juridiction prud'homale était incompétente pour connaître l'action en réparation du préjudice résultant d'un accident du travail. Les termes du compromis de 1898, certes connus, doivent être rappelés. Il repose sur plusieurs piliers : la présomption d'imputabilité (au terme de laquelle, en application de l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5211ADD, tout accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, quelle qu'en soit la cause, est un accident de travail) ; la réparation forfaitaire (le bénéfice de la présomption d'imputabilité donne au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le droit à une réparation forfaitaire, automatique (3)) ; enfin, l'immunité civile de l'employeur (l'employeur bénéficie d'une immunité sur le plan de sa responsabilité civile en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un de ses salariés, parce que, sauf faute inexcusable, la victime ne peut intenter un recours de droit commun contre le chef d'entreprise au seul motif que celle-ci a subi un accident du travail ou une maladie professionnelle, en application de l'article L. 451-1 N° Lexbase : L4467ADS). La décision intervient dans un contexte délicat, alors que la législation professionnelle fait débat (4) et que, par décision QPC, le Conseil Constitutionnel a admis le 18 juin 2010 (Cons. Const., 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC N° Lexbase : A9572EZK), par une réserve d'interprétation, qu'il appartient au tribunal des affaires de Sécurité sociale d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis par la victime d'une faute inexcusable, au nom du droit des victimes d'actes fautifs de demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la Sécurité sociale. Or, la doctrine (5) s'est justement interrogée sur le sens de la réserve d'interprétation, qui a pour conséquence d'admettre dans le champ de la réparation d'un accident du travail le principe d'une réparation intégrale, dès lors que l'accident résulte d'une faute inexcusable, ce que les textes écartaient, précisément au nom du compromis de 1898. L'arrêt rapporté conforte l'assise du compromis de 1898, en écartant la compétence d'une juridiction autre que la juridiction de droit commun pour connaître des accidents du travail, le TASS (II). Sur le fond, le principe reste inchangé, s'agissant des règles propres au droit de la réparation des accidents du travail, qui restent exclusives (I).
Résumé

Aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée, conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.

Sous couvert d'une action en responsabilité à l'encontre de l'employeur pour mauvaise exécution du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont elle avait été victime, ce dont il découlait qu'une telle action ne pouvait être portée que devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale et que la juridiction prud'homale était incompétente pour en connaître.

I - Contentieux des accidents du travail : règles de fond

L'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale pose le principe selon lequel aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun. Cette interdiction recouvre les actions fondées sur les articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ), 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) et 1384, alinéa 1er, (N° Lexbase : L1490ABS) du Code civil.

A - Régime de la responsabilité du fait des choses

Dans la mesure où la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles trouve à s'appliquer, la Cour de cassation en déduit que l'action de la victime contre son employeur sur le fondement de la responsabilité du fait des choses n'est pas recevable.

En effet, la reconnaissance de la qualité d'employeur prime sur toutes les autres, notamment sur celle de gardien : le régime de la réparation des accidents du travail s'applique de plein droit et à titre exclusif. De nombreux accidents du travail trouvent leur origine dans l'intervention d'une chose et pourraient, ainsi, conduire à l'application de la responsabilité du fait des choses, issue de l'article 1384, alinéa 1er, au détriment de l'interdiction posée par l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale.

B - Régime de la responsabilité civile de droit commun (C. civ., art. 1382)

1 - Un régime inapplicable par principe

La Chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé et renforcé le principe selon lequel aucune action en réparation des accidents du travail ou maladies professionnelles ne peut être exercée, conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit, en application des dispositions de l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale.

Ainsi, par un arrêt rendu en 2007, la Cour de cassation a relevé que, sous couvert d'une action en responsabilité délictuelle à l'encontre de son employeur, auquel il reprochait des fautes l'ayant privé d'une chance de faire valoir ses droits à la suite de l'accident dont il avait été victime, le salarié demandait, en réalité, la réparation du préjudice résultant de cet accident, lequel avait été pris en charge et indemnisé au titre de la législation professionnelle (6).

Par son arrêt rendu le 22 février 2007, la Cour de cassation a renouvelé la solution (7). En l'espèce, la salariée d'une association a été victime d'un accident du travail causé par l'un des pensionnaires de celle-ci. Elle a sollicité devant un tribunal d'instance l'indemnisation de son préjudice moral. Pour accueillir cette demande, les juges du fond ont retenu que l'accident a été causé par un tiers et que l'association n'était pas assignée en qualité d'employeur, mais en qualité de civilement responsable du pensionnaire qu'elle avait sous sa surveillance. La censure de la Cour de cassation a été prononcée très logiquement, conformément au principe d'incompatibilité entre une réparation prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et une demande en réparation fondée sur le droit commun de la responsabilité civile.

En l'espèce (arrêt rapporté), la Cour de cassation procède exactement de même que par l'arrêt rendu le 24 janvier 2007 (prec.). Pour déclarer la juridiction compétente et condamner l'employeur (la CPAM) à verser à Mme X une somme à titre de dommages-intérêts en réparation de la diminution du montant de sa retraite, l'arrêt rendu le 6 février 2009 par la cour d'appel de Lyon retenait que la salariée n'agissait nullement en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation complémentaire des conséquences d'un accident du travail, qu'elle ne demandait pas la réparation des préjudices définis à l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5302ADQ). Mais la salariée faisait valoir que l'employeur (la CPAM) n'avait pas respecté ses obligations en n'assurant pas sa sécurité pour prévenir les nombreuses agressions dont elle prétendait avoir été victime. Cette défaillance l'avait conduite à prendre une retraite anticipée. Ainsi, elle agissait en responsabilité de l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité. Cette obligation étant issue du contrat de travail, le litige trouvait son fondement dans la mauvaise exécution du contrat.

L'arrêt est cassé par la Cour de cassation au visa des articles L. 451-1 et L. 142-1 (N° Lexbase : L6375IC4) du Code de la Sécurité sociale et L. 1411-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1878H9G). Pour la Cour de cassation (arrêt rapporté), sous couvert d'une action en responsabilité à l'encontre de l'employeur pour mauvaise exécution du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont elle avait été victime, ce dont il découlait qu'une telle action ne pouvait être portée que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et que la juridiction prud'homale était incompétente pour en connaître.

2 - Un régime applicable par exception

L'action en réparation peut être fondée sur le droit commun lorsque l'accident est la conséquence :

- d'une faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés (CSS, art. L. 452-5 N° Lexbase : L6647IGB) ;

- de la faute d'un tiers (CSS, art. L. 454-1 N° Lexbase : L9367HEN) (8) ;

- d'un accident de trajet causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime (CSS, art. L. 455-1 N° Lexbase : L5305ADT) ;

- ou d'un accident de la circulation causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime sur une voie ouverte à la circulation publique (CSS., art. L. 455-1-1 N° Lexbase : L5306ADU) (9) ;

- enfin, lorsque le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie n'est pas reconnu, le salarié retrouve la possibilité d'engager la responsabilité civile contractuelle de son employeur sur le fondement de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) (10).

La situation de l'assuré social, ne pouvant se prévaloir du droit commun de la réparation, présente d'ailleurs, pour la Cour de cassation (11), un caractère sérieux et justifie une demande de question prioritaire de constitutionnalité, dans la mesure où (hors l'hypothèse d'une faute intentionnelle de l'employeur et les exceptions prévues par la loi), la victime d'un accident du travail dû à une faute pénale de ce dernier, qualifiée de faute inexcusable par une juridiction de Sécurité sociale, connaît un sort différent de celui de la victime d'un accident de droit commun, dès lors qu'elle ne peut obtenir d'aucune juridiction l'indemnisation de certains chefs de son préjudice en raison de la limitation apportée par les articles L. 451-1 (selon lequel aucune action en réparation des accidents et maladies du travail ne peut être exercée conformément au droit commun), L. 452-1 (relatif au droit à une indemnisation complémentaire N° Lexbase : L5300ADN), L. 452-2 (majoration des indemnités N° Lexbase : L6257IGT), L. 452-3 (limitant la réparation au préjudice causé par les souffrances physiques et morales, aux préjudices esthétiques et d'agrément, au préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle N° Lexbase : L5302ADQ), L. 452-4 (compétence de la juridiction de la sécurité sociale N° Lexbase : L6346IG7) et L. 452-5 du Code de la Sécurité sociale (faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés).

La Conseil constitutionnel s'est prononcé quelques semaines plus tard le 18 juin 2010 (12), en déclarant conforme le régime de la réparation des accidents du travail, sous réserve que les victimes de fautes inexcusables soient intégralement indemnisées de leurs préjudices par le TASS. En effet, selon le Conseil constitutionnel, pour concilier le droit des victimes d'actes fautifs d'obtenir la réparation de leur préjudice avec la mise en oeuvre des exigences résultant du onzième alinéa du Préambule de 1946 (N° Lexbase : L1356A94), il était loisible au législateur d'instaurer par les articles L. 431-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3062ICE) un régime spécifique de réparation se substituant partiellement à la responsabilité de l'employeur (cons. 14). Aussi, "l'exclusion de certains préjudices et l'impossibilité, pour la victime ou ses ayants droit, d'agir contre l'employeur, n'instituent pas des restrictions disproportionnées par rapport aux objectifs d'intérêt général poursuivis, le plafonnement de cette indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité n'institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle" (cons. 17) et sont compensées par les avantages du régime pour les salariés, "qui garantissent l'automaticité, la rapidité et la sécurité de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles" (cons. 16).

Mais, comme il a été justement souligné (13), la décision du Conseil constitutionnel, si elle écarte le grief d'atteinte au principe d'égalité soulevé à propos du régime de la réparation des accidents du travail, doit être analysée avec attention en raison de sa réserve d'interprétation : selon le Conseil constitutionnel, il appartient au tribunal des affaires de Sécurité sociale d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis par la victime d'une faute inexcusable, au nom du droit des victimes d'actes fautifs de demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la Sécurité sociale (cons. 18).

Or, ce principe de réparation intégrale n'est pas prévu par les textes, en matière de faute inexcusable, car le législateur a simplement prévu, dans cette hypothèse, le droit pour la victime d'obtenir un complément d'indemnisation (CSS, art. L. 452-1, droit à une indemnisation complémentaire) qui reste limité quant aux possibilités d'indemnisation (CSS, art. L. 452-3 : réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales, des préjudices esthétiques et d'agrément, du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle).

C - Régime d'indemnisation des victimes d'infractions

La Cour de cassation a admis que les victimes d'accidents du travail peuvent bénéficier de la réparation de leur préjudice par les Civi, au motif que l'article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5612DYI) ne leur interdit pas de présenter une demande d'indemnisation du préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction (Cass. civ. 2, 18 juin 1997, n° 95-11.223 N° Lexbase : A0301AC7). Puis elle est revenue sur cette jurisprudence, en 2003 (Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-00.815 N° Lexbase : A8229BSL). En 2006, la Cour de cassation a confirmé cette jurisprudence (14).

En effet, les dispositions légales d'ordre public sur la réparation des accidents du travail excluent les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions. Dans un arrêt en date du 7 février 2008, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a interdit à la victime d'un accident du travail, résultant de coups et blessures volontaires, causés par un collègue de travail, d'invoquer le bénéfice du régime d'indemnisation des victimes d'infractions (15).

II - Contentieux des accidents du travail : règles de procédure

A - Le principe : la compétence des juridictions spéciales (TASS)

La procédure devant ce tribunal est régie par les articles R. 142-17 à R. 142-27 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5945IAG). Le tribunal des affaires de sécurité sociale statue sur les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux (CSS, art. L. 142-1).

De même, l'employeur est en droit de contester dans ses rapports avec la Sécurité sociale, le caractère professionnel de l'accident devant la juridiction du contentieux général. Celle-ci est seule compétente pour se prononcer sur le recours de l'employeur tendant à ce que l'accident ne soit pas porté à son compte (Cass. soc., 11 juin 1992, n° 90-13.032 N° Lexbase : A1877AB7).

Dans l'hypothèse d'une faute inexcusable, les textes prévoient que la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de la Sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par elle, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (CSS, art. L. 452-3).

B - Ses applications : incompétence des autres juridictions

1 - Incompétence du juge prud'homal

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation relève que, sous couvert d'une action en responsabilité à l'encontre de l'employeur pour mauvaise exécution du contrat de travail, la salariée demandait en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont elle avait été victime. Une telle action ne peut être portée que devant le TASS et la juridiction prud'homale est incompétente pour en connaître.

2 - Compétence d'exception du juge prud'homal

En matière de harcèlement moral, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère depuis 2005 (Cass. soc., 16 mars 2005, n° 03-40.251 N° Lexbase : A1877AB7), de manière dérogatoire, que le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître de l'entier dommage consécutif à un harcèlement. Il résulte de la combinaison des articles L. 511-1 (N° Lexbase : L1723GZT), L. 122-49 (N° Lexbase : L0579AZH) et L. 122-52 (N° Lexbase : L0584AZN) du Code du travail alors en vigueur, que le juge prud'homal connaît de l'entier dommage consécutif à un harcèlement. En l'espèce, les juges du fond ont considéré qu'il appartient au salarié de saisir un tribunal des affaires de Sécurité sociale pour voir statuer sur l'existence et le quantum d'un préjudice corporel invoqué du fait d'un harcèlement moral. La Cour de cassation a prononcé la censure.

A fortiori, la Cour de cassation a reconnu, en 2006 (Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 05-41.489 N° Lexbase : A3457DST), que le conseil de prud'hommes est compétent pour octroyer des dommages et intérêts pour la période antérieure à la reconnaissance de son affection. Un salarié, victime d'une maladie professionnelle, peut réclamer à son employeur devant le conseil de prud'hommes, et sur le fondement des dispositions du Code du travail, la réparation du harcèlement moral dont il avait fait l'objet sur la période antérieure à la prise en charge de son affection par la sécurité sociale.

Mais, la Cour de cassation a décidé en 2007 (Cass. civ. 2, 10 mai 2007, n° 06-10.230 N° Lexbase : A1135DWX) que si un suicide consécutif à un harcèlement moral peut être qualifié d'accident du travail, seules les dispositions d'ordre public du droit de la Sécurité sociale sont susceptibles de fonder une action en réparation des ayants droit de la victime, cette recherche s'imposant au juge du fond.

3 - Actions en réparation exercées devant les juridictions répressives

La Chambre criminelle a mis en place une jurisprudence conforme à la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Une cour d'appel, saisie par un salarié d'une action en réparation du préjudice causé par un accident du travail, ne peut statuer sur le principe de la responsabilité civile de l'employeur (Cass. crim., 13 septembre 2005, n° 04-85.736, F-P+F N° Lexbase : A5280DKR). En effet, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur ou ses préposés.

En l'espèce, les juges, après avoir constaté que la réparation des préjudices de la partie civile relevait du régime des accidents du travail et de la connaissance exclusive de la juridiction de Sécurité sociale, ont déclaré l'appelant entièrement responsable des préjudices subis par la victime. Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, sur le principe même de la responsabilité civile de l'employeur, les juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale. Encourt, dès lors, la censure, l'arrêt qui, après avoir dit que les faits qui étaient établis et jugé à bon droit la constitution de partie civile recevable, déclare, néanmoins, l'employeur responsable des préjudices subis par la victime d'un accident du travail.

La Chambre criminelle en tire la conclusion qu'une caisse de Sécurité sociale, qui a servi les prestations prévues par le livre IV du Code de la Sécurité sociale, n'ayant pas de recours subrogatoire, ne peut intervenir à l'instance pour en demander le remboursement, y compris dans le cas où la victime accomplissait un travail clandestin (Cass. crim., 11 février 2003, n° 02-81.729, F-P+F+I N° Lexbase : A2945A79).


(1) V. les obs. de Ch. Radé, Les victimes d'accidents du travail injustement privées du régime d'indemnisation des victimes d'infraction en présence d'une faute intentionnelle, Lexbase Hebdo n° 293 du 21 février 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1900BE4) ; Ch. Radé, Droit du travail et responsabilité civile, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, n° 282, 1997, préface J. Hauser, sp. n° 63 et s..
(2) Mme X, engagée à compter du 22 mars 1966 par la CPAM de Saint-Etienne, avait été victime, le 14 novembre 2005, d'insultes au travail de la part d'un assuré social et placée en arrêt pour accident du travail jusqu'au 25 avril 2006. Elle avait alors demandé à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2006, alors qu'elle était âgée de 58 ans. Soutenant que l'employeur n'avait pas pris toutes les mesures pour la protéger des agressions dont elle avait été victime au travail, elle avait saisi la juridiction prud'homale pour demander, outre des rappels de salaire, le paiement d'une somme en réparation de son préjudice résultant de son départ anticipé à la retraite.
(3) Il n'y aura donc pas lieu d'intenter un recours en responsabilité de droit commun contre l'employeur : Cass. civ. 2, 16 novembre 2004, n° 02-21.013, FS-P+B (N° Lexbase : A9420DDA).
(4) V. not. M. Yahiel, Vers la réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles, Rapport au Ministre de l'Emploi, du Travail et de la Solidarité nationale, 2002 ; M. Laroque, La rénovation de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, Rapport au Ministre de l'Emploi, du Travail et de la Solidarité nationale, 2004.
(5) V. les obs. de Ch. Radé, Le Conseil constitutionnel et les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, Lexbase Hebdo n° 401 du 2 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4393BPE).
(6) Cass. soc., 24 janvier 2007, n° 05-44.233, F-D (N° Lexbase : A6905DTW).
(7) Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-11.811 (N° Lexbase : A2841DUR) et nos obs., Le régime des accidents du travail - maladies professionnelles exclut l'action en réparation de droit commun, Lexbase Hebdo n° 251 du 8 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2991BAZ).
(8) Cass. civ. 2, 11 juin 2009, 5 arrêts, FS-P+B+R+I, n° 08-17.581 (N° Lexbase : A0518EIZ), n° 07-21.768 (N° Lexbase : A0512EIS), n° 07-21.816 (N° Lexbase : A0513EIT), n° 08-11.853 (N° Lexbase : A0515EIW), n° 08-16.089 (N° Lexbase : A0516EIX) et nos obs., Rente accident du travail : la Cour de cassation élargit l'objet de l'indemnisation, Lexbase Hebdo n° 356 du 25 juin 2009 - édition sociale N° Lexbase : N6780BKC).
(9) J.-J. Dupeyroux, M. Borgetto et R. Lafore, Droit de la Sécurité sociale, Précis Dalloz, 16ème éd., 2008, n° 827 s..
(10) Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 95-40.272 (N° Lexbase : A3113ABW), Bull. civ. V, n° 339.
(11) Cass. QPC, 7 mai 2010, n° 09-87.288, (N° Lexbase : A1976EXH) et nos obs., Le régime de la réparation de la faute inexcusable renvoyé par la Cour de cassation devant le Conseil constitutionnel, Lexbase Hebdo, 10 juin 2010 n° 398 - édition sociale (N° Lexbase : N3082BPT).
(12) V. les obs. de Ch. Radé, Le Conseil constitutionnel et les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, Lexbase Hebdo n° 401 du 2 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4393BPE) ; Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier, n° 29 ; G. Vachet, Qu'en est-il de la conformité de la loi du 9 avril 1898 à la Constitution?, JCP éd. S 2010, n° 37, p. 42-44 ; F.-J. Pansier, Le régime d'indemnisation des accidents du travail conforme à la Constitution, Cahiers sociaux du Barreau de Paris, n° 223, septembre 2010, p, 259 ; R.-F. Rastoul, Bikini ou la bombe du Conseil constitutionnel, Gaz. Pal., 2010, n° 244-245, p. 14-16 ; J.-C. Ketels, Le Conseil constitutionnel améliore l'indemnisation des AT/MP, Les Cahiers Lamy du CE, n° 97 du 1er octobre 2010 ; Le vieil édifice de la loi de 1898 est considérablement ébranlé, Entretien avec M. Ledoux, Avocat au Barreau de Paris, SSL, n° 1454 du 12 juillet 2010.
(13) V obs. Ch. Radé, prec.
(14) Cass. civ. 2, 3 mai 2006, n° 04-19.080, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2497DP8) ; v. nos obs., Indemnisation des victimes d'infractions et réparation des accidents du travail, Lexbase Hebdo n° 216 du 25 mai 2006 - édition sociale ([LXB=N8733AKN)] ; dans le même sens, Cass. civ. 2, 29 mars 2006, n° 04-30.444, F-D (N° Lexbase : A8604DNY) ; Cass. civ. 2, 8 février 2006, n° 04-30.445, F-D (N° Lexbase : A8494DMK).
(15) Cass. civ. 2, 7 février 2008, n° 07-10.838, FS-P+B (N° Lexbase : A7323D4Y) et les obs. de Ch. Radé, Les victimes d'accidents du travail injustement privées du régime d'indemnisation des victimes d'infraction en présence d'une faute intentionnelle, Lexbase Hebdo n° 293 du 21 février 2008 - édition sociale, préc..

Décision

Cass. soc., 30 septembre 2010, n° 09-41.451, FP-P+B (N° Lexbase : A7627GAQ)

Textes concernés : CSS, art. L. 451-1( N° Lexbase : L4467ADS) et L. 142-1 (N° Lexbase : L6375IC4) et C. trav., art. L. 1411-1 (N° Lexbase : L1878H9G).

Mots-clés : Accident du travail, contentieux, compétence du TASS (oui), compétence du conseil de prud'homme (non).

Liens base : (N° Lexbase : E3729ETB) et (N° Lexbase : E3668AD9)

newsid:402822