La lettre juridique n°412 du 14 octobre 2010 : Avocats

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... Myriam Picot, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Lyon

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[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... Myriam Picot, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Lyon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3351733-questions-a-le-point-de-vue-dun-batonnier-aujourdhui-b-myriam-picot-batonnier-de-lordre-des-avocats-
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par Anne-Lise Lonné, Journaliste juridique

le 04 Janvier 2011

Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la parole au Bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il ou elle évoque, avec nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui sur la profession qui l'anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il ou elle a la charge. Aujourd'hui, rencontre avec... Myriam Picot, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Lyon. Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le barreau de Lyon ? Quelles sont les spécificités du barreau que vous dirigez ?

Myriam Picot : Le barreau de Lyon représente le premier barreau de Province et comporte à l'heure actuelle 2 350 avocats, à parité hommes-femmes (51 % de femmes). Il se situe sur la moyenne nationale en termes de revenus, la dernière étude ayant mis en évidence que les écarts s'étaient creusés entre les bas et les hauts revenus. Le barreau compte des avocats exerçant dans toutes les spécialités existantes et toutes les tailles de cabinet y sont représentées.

Notre barreau cultive une tradition de l'action collective. Ainsi de nombreux avocats participent aux commissions de l'ordre (il en existe une trentaine).

Notre barreau est ouvert sur l'international. Il existe des jumelages depuis longtemps, mais nous menons depuis peu une vraie réflexion sur le contenu de ces jumelages, et sur la manière de les cultiver afin qu'ils constituent un véritable levier de développement et de rayonnement.

Lyon est une grande ville, située dans une région attractive sur le plan économique, et active d'un point de vue de la citoyenneté (par exemple, la ville de Lyon est signataire de la Charte européenne des droits de l'Homme dans la ville). Notre réflexion est de s'inscrire dans cette démarche, aux côtés de la ville et de la région, et de profiter ainsi de l'ensemble du réseau dont elles bénéficient. Il s'agit également de pouvoir proposer, chaque année, à plusieurs de nos jeunes confrères, d'effectuer un stage dans un cabinet d'avocats étranger. Grâce aux accords de jumelage, des barreaux comme ceux de Philadelphie, Montréal, Manchester, Turin ou Barcelone accueillent régulièrement de jeunes avocats lyonnais qui trouvent ainsi une occasion unique de découvrir des systèmes juridiques et judiciaires différents. A leur retour, ils peuvent rapporter leur savoir-faire.

A titre d'exemple de ce lien barreau-région, une délégation est partie représenter le barreau à Shanghai du 15 au 20 septembre 2010 où nous avons pu profiter du pavillon Rhône-Alpes (1) de l'Exposition universelle 2010, qui nous a été prêté pour une journée. Nous avons ainsi pu recevoir nos homologues chinois (nous sommes jumelés depuis deux ans avec le barreau de Shanghai) et les inviter à une séance de travail commune. L'après-midi a ensuite été consacrée aux entreprises rhônalpines implantées ou souhaitant s'implanter à Shanghai. Nous avons organisé pour elles des consultations et une table-ronde auxquelles a participé l'ensemble des cabinets lyonnais ayant une activité en Chine.

Nous faisons en sorte d'avoir tous les ans une occasion de rencontrer nos homologues étrangers. La rentrée du barreau se tient ainsi les années impaires, tandis que nous organisons une journée internationale les années paires.

Lexbase : Le barreau de Lyon a signé une convention avec Pôle Emploi. En quoi cela consiste-t-il ?

Myriam Picot : A l'occasion du salon des entrepreneurs 2009, nous avions réalisé différentes plaquettes informatives et le succès rencontré a mis en évidence que beaucoup de personnes souhaitaient s'orienter vers le statut d'auto-entrepreneur. Il est ainsi apparu que ces entrepreneurs avaient besoin de conseils ab initio afin qu'ils puissent choisir la bonne forme juridique, en vue de donner à leurs projets une sécurité et une pérennité. L'avocat apporte une valeur ajoutée incontestable par rapport aux services en ligne que ces entrepreneurs, à faibles moyens économiques, pouvaient être tentés d'utiliser.

C'est dans cet esprit que nous avons décidé de proposer nos services à Pôle Emploi, l'idée étant d'offrir aux intéressés un encadrement juridique pour le lancement de leur entreprise, tout en misant sur le fait que celle-ci, une fois lancée, retournera consulter le même avocat pour assurer son suivi.

D'un point de vue pratique, la convention signée avec Pôle Emploi consiste à assurer dans leurs locaux, périodiquement, une permanence d'avocats. Un entretien est d'abord réalisé avec une personne de Pôle Emploi, qui dirige ensuite les demandeurs sur cette permanence d'avocats.

Lexbase : Dans le même esprit, votre présence au salon des entrepreneurs en juin dernier a été particulièrement remarquée. Quel était l'objectif de cette participation ?

Myriam Picot : En effet, il nous semblait important d'être présent au salon des entrepreneurs, et de manière bien visible, car l'on sait que les petites et même moyennes entreprises ont souvent recours à leur expert-comptable, y compris pour des prestations juridiques. Nous ne sommes pas encore assez reconnus auprès des TPE et PME, alors qu'elles sont confrontées à de vrais problèmes, non seulement en termes de statuts, de décisions économiques, mais aussi sur le terrain du droit social. Et ces entreprises craignent souvent le coût d'une consultation avec un avocat, alors qu'elle pourrait leur permettre d'éviter un litige ayant de lourdes conséquences financières.

Lexbase : Vous avez mené l'action, très médiatisée, "opération garde à vue" au mois de mars, laquelle a, en partie, porté ses fruits avec la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010. Quel est votre sentiment quant au projet de réforme de la garde à vue dans son état actuel ?

Myriam Picot : Je me réjouis du principe posé de la présence de l'avocat aux côtés du gardé à vue pendant ses auditions, mais me désespère de voir tant d'exceptions ruinant le principe ! Ce projet manifeste trop de méfiance envers l'avocat.

La décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, déclarant non conformes à la Constitution des dispositions de droit commun relatives à la garde de vue (Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 N° Lexbase : A4551E7P), a permis d'imposer un délai pour la mise en conformité, et ainsi d'accélérer la réforme. Mais le projet actuel reste très insuffisant et il doit évoluer.

Dans ce projet, deux éléments doivent être approuvés. En premier lieu, il s'agit de la notification du droit au silence, qui avait disparu depuis 2003. En second lieu, il s'agit de la prise en compte de la dignité dans laquelle doit se dérouler la garde à vue. La majeure partie des gardes à vue en France se passe dans des conditions matériellement indignes, ce qui est inadmissible en France au XXIème siècle.

En dehors de ces éléments, les conditions d'intervention en garde à vue sont encore largement insuffisantes. Je regrette, tout d'abord, le maintien des régimes d'exception : la gravité de l'infraction ne doit pas être un obstacle aux droits de la défense, bien au contraire ! Je regrette ensuite que l'avocat ne dispose toujours pas d'un accès véritable au dossier, l'avocat ne pouvant consulter que les auditions de son client, c'est-à-dire lire ce que son client aurait pu lui dire. Par ailleurs, l'avocat n'intervient que sur demande du gardé à vue, et cette intervention reste limitée à un rôle de spectateur, que le Procureur peut même lui refuser ou différer sur simple demande de l'OPJ. Comment celui qui est chargé de l'accusation pourrait-il être celui qui décide de l'exercice de la défense ?

Il est nécessaire que l'avocat intervienne dès le début de la garde à vue, sachant que c'est la qualification de l'infraction poursuivie qui va définir le régime juridique applicable par la suite.

Ce projet est également inquiétant en ce qu'il crée une "audition libre" qui n'a de libre que le nom puisqu'une personne interpellée peut être conduite menottée au commissariat pour cette audition. Celui qui est ainsi entendu n'a aucun droit et son audition libre peut déboucher sur une mesure de garde à vue !

Il reste encore beaucoup d'améliorations à apporter, et je pense que nous devrions nous inspirer des droits existants dans les autres pays de l'Europe, comme le prônait Gisèle Halimi en ce qui concerne les droits des femmes, dans son ouvrage La clause de l'européenne la plus favorisée. Nous sommes en Europe, et ce qui fonctionne bien chez nos voisins peut être intégré dans notre législation. Autre source d'inquiétude : les moyens nécessaires à l'exercice des droits de la défense en garde à vue. En effet, le budget global de l'aide juridictionnelle n'est pas augmenté.

Lexbase : Etes-vous favorable à l'exercice de l'avocat en entreprise ?

Myriam Picot : Le barreau de Lyon s'est prononcé contre et je partage cette opinion. L'arrêt rendu par la CJUE le 14 septembre 2010 (CJUE, 14 septembre 2010, aff. C-550/07 N° Lexbase : A1978E97) vient conforter notre point de vue : le lien de dépendance de l'avocat salarié à l'égard de son entreprise est incompatible avec la confidentialité des échanges. Pour être avocat et bénéficier du secret professionnel, il faut être indépendant. C'est là son identité.

A l'heure où il y a urgence à réformer la gouvernance de notre profession, nous avons besoin de cette identité commune.

Il existe certainement d'autres modalités de mise en oeuvre du rapprochement entre les avocats et les entreprises. En tout état de cause, une telle réforme ne saurait être envisagée sans une étude d'impact économique qui n'a pas à ce jour été réalisée.

Lexbase : Concernant la vie du barreau, quels objectifs vous reste-t-il à réaliser jusqu'à la fin de votre mandat ?

Myriam Picot : Mon premier objectif est de réussir le déploiement du RPVA. Depuis plus de deux ans, l'ensemble des avocats du barreau est équipé de l'adresse électronique xxx@avocat-conseil.fr permettant de recevoir le RPVA. Pour le RPVA lui-même, nous avons différé la campagne d'adhésion pour deux raisons. D'une part, les juridictions lyonnaises n'offraient pas la contrepartie RPVJ. Ensuite, la polémique née à Marseille nous a incités à être prudents, même si politiquement nous adhérions au principe que la solution retenue par le CNB soit appliquée par tous.

Notre conseil de l'Ordre a adopté un plan de développement le 6 janvier 2010. Pour donner un signal fort à l'ensemble du barreau, j'ai créé une commission RPVA qui est très active. Ce plan de développement comprenait deux phases. Les sept premiers mois de l'année ont été dédiés à la tenue de réunions d'information destinées à faire connaître l'outil aux avocats, leur expliquer en quoi il leur était indispensable et centraliser les commandes à l'Ordre. Le reste de l'année est consacré à un plan de formation, tant pratique que théorique (procédure d'appel).

Les demandes d'abonnement ont tardé à démarrer, mais elles arrivent maintenant en flux constant depuis le mois de juin, cette progression étant également liée à l'offre électronique du tribunal de grande instance et de la cour d'appel, ce qui permet de motiver sérieusement les avocats. Dès le 1er novembre 2010, toutes les chambres civiles du tribunal de grande instance de Lyon permettront l'utilisation du RPVA. Le tribunal de commerce et le tribunal d'instance se sont portés candidats à la procédure électronique. La procédure sans représentation obligatoire est à l'essai devant la cour d'appel.

Un autre objectif à réaliser sera celui d'adapter l'organisation de la défense aux nouvelles contraintes de la réforme de la garde à vue.

Les permanences d'avocats volontaires, rémunérées à l'acte, telles qu'elles existent actuellement ne permettront pas de répondre aux exigences d'une défense spécialisée.

J'ai commencé à ouvrir ce chantier qui fait l'objet actuellement d'une étude de coût et de fonctionnement.

Lexbase : Quelle est votre politique de communication ? Quels sont les supports utilisés par le barreau de Lyon ?

Myriam Picot : S'agissant de la communication externe, notre objectif est de montrer que les avocats sont des acteurs incontournables de la Cité. C'est pourquoi nous nous associons à de nombreuses manifestations locales (Biennale d'art contemporain, Quai du polar, etc.). Nous sommes également à l'initiative de nombreux événements tournés vers le grand public : les Rendez-vous Droit et Société, les Rencontres Droit, Justice et Cinéma, etc..

La communication passe aussi par la mise en place de nombreux partenariats avec les acteurs majeurs de la vie économique et sociale. Nous avons déjà évoqué Pôle Emploi, mais nous avons également été le premier barreau français à signer une convention avec le ministère de la Culture afin de promouvoir le mécénat. Régulièrement, nous enrichissons ce réseau à travers de nouveaux partenariats. Non seulement cela crée des rapports privilégiés avec nos interlocuteurs, mais cela donne aussi de la visibilité à notre profession.

En outre, ma présence ou celle de mes représentants dans tous les événements de la vie locale, participe à l'oeuvre de communication de notre Barreau.

Enfin, nous utilisons largement les outils de communication traditionnels :

- internet, grâce au site web du barreau de Lyon (www.barreaulyon.com), qui propose au grand public des informations pratiques sur les avocats du barreau de Lyon, sur les services proposés par l'Ordre des avocats et sur les actualités juridiques et judiciaires de Lyon.

- le journal du barreau de Lyon : créé en 2009, à raison de cinq numéros par an, il a vocation à faire connaître la profession d'avocat auprès du grand public.

Quant à la communication interne, elle représente un sacré challenge dans un barreau qui compte plus de 2 300 avocats ! Le premier outil de communication est notre site internet, dont la partie réservée aux avocats est particulièrement fournie. Il offre à chacun les informations et les moyens nécessaires à l'exercice de la profession. Il fournit également de nombreux services pratiques et propose même une documentation juridique en ligne très complète.

Le deuxième outil s'appelle le "Télébâton". Il s'agit d'une lettre d'information électronique, une newsletter, que nous adressons chaque jeudi à l'ensemble des avocats. Il permet d'entretenir un lien continu entre l'Ordre et les avocats en leur communiquant toutes les informations importantes. Les avocats ont ainsi un aperçu complet de l'actualité de leur barreau et peuvent retrouver l'intégralité des articles et des éléments complémentaires sur le portail.

Enfin, j'adresse occasionnellement, toujours de manière électronique, une "Lettre du Bâtonnier". Plus officielle, celle-ci est réservée aux événements importants de la vie du Barreau.

Lexbase : Quels sont les prochains grands rendez-vous du Barreau ?

Myriam Picot : L'un vient de se tenir : l'université interprofessionnelle qui a eu lieu le 27 septembre 2010 et qui constitue l'une des grandes spécificités lyonnaises en regroupant experts-comptables, notaires et avocats. La rencontre s'est déroulée au siège de la Région, ce qui revêt une valeur symbolique. Il est important de signaler que ces trois professions gèrent ensemble un site de transmission d'entreprises (site MEO : www.meo-ordres.net), lequel vient d'ailleurs d'être rénové, et qui publie des annonces en ligne de ventes d'entreprises, certifiées par l'une des professions. Ce site de transmission d'entreprises représente un bel exemple de collaboration interprofessionnelle dans un domaine qui apparaissait privilégié pour un investissement commun.

Le prochain rendez-vous important se tiendra dans le cadre des Entretiens Jacques Cartier (19-25 novembre). Ces entretiens réunissent chaque année la France et le Québec autour de sujets de société, de sciences ou de technologies. Le barreau de Lyon est partenaire de cette manifestation depuis longtemps et organise chaque année des entretiens juridiques. Celui de cette année porte sur les modes alternatifs de règlement des conflits (les MARC) et l'accès au droit. Ce colloque se tiendra le 19 novembre 2010.

Deux à trois fois par an, nous organisons également des Rendez-vous Droit et Société. Il s'agit de colloques majeurs destinés à traiter des sujets de société en profondeur. L'objectif est de montrer que les avocats sont au coeur des enjeux de société et capables de mobiliser une diversité d'acteurs de la vie civile ou économique et mieux faire comprendre pourquoi le droit est un outil indispensable pour maîtriser l'avenir. Après le développement durable et les crises du secteur associatif abordés en 2010, le prochain colloque Droit et Société, qui se tiendra en avril 2011, traitera des produits de santé.

En ce qui concerne la vie de la profession, le prochain événement aura lieu les 16 et 17 décembre prochains avec les élections, du dauphin, de huit membres du conseil de l'ordre et des représentants du jeune barreau (RJB). La prestation de serment aura lieu cette année non pas mi-décembre comme habituellement mais seulement le 5 janvier 2011 en raison des contingences imposées par les travaux de rénovation de la cour d'appel de Lyon.

Enfin, comme chaque année nous organisons avant l'été les Journées sportives du barreau. Ce rendez-vous convivial réunit plus de 200 avocats et élèves-avocats autour d'une formation et de nombreuses activités sportives (pétanque, football, rugby, tennis, etc.). Ce moment de détente permet de renforcer la cohésion du barreau et de proposer un cadre agréable de rencontre pour les avocats de la région ainsi que pour les autres professionnels du droit.


(1) L'Exposition universelle 2010 se déroule à Shanghai autour du thème "Une ville meilleure pour une vie meilleure" ("Better City, Better Life"), du 1er mai au 31 octobre 2010. Le Pavillon Rhône-Alpes y a pris place au sein de "l'Espace Meilleures pratiques urbaines".

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