Dans un important arrêt rendu le 9 mars 2010, la Cour de cassation a énoncé plusieurs principes en matière de responsabilité des dirigeants sociaux d'une société procédant à une offre au public de titres à l'égard d'actionnaires qui ont été incités à acquérir et à conserver leurs actions en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants et d'une présentation de comptes inexacts (Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21.547, FS-P+B
N° Lexbase : A1721ETW ; cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E1662CTQ). Tout d'abord, la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir retenu que le préjudice ainsi invoqué par les actionnaires revêtait un caractère personnel. Par ailleurs, elle estime que l'action n'est pas prescrite puisque le dommage invoqué a pour origine la dissimulation par les dirigeants de la société, au moyen de la diffusion d'une information trompeuse, de la situation financière de cette dernière et que le caractère trompeur de cette information leur a été révélé moins de trois ans avant l'introduction de l'instance. La Cour régulatrice retient, ensuite, que l'absence de sincérité des comptes, liée à l'adoption d'une méthode inadaptée dès le départ à la nature de l'activité de la société et étendue aux nombreuses entreprises rachetées chaque année, ne pouvait échapper au principal dirigeant, ni aux administrateurs avertis, dont l'attention avait été attirée par les commissaires aux comptes sur le problème essentiel de la valorisation des encours. Ainsi, les administrateurs, qui doivent débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves des commissaires aux comptes, ne sauraient arguer de ce qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère trompeur tant des comptes que de ces communiqués, de sorte que la responsabilité des administrateurs peut être engagée. En outre, la Chambre commerciale rappelle que la mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales. Toutefois, énonçant, au visa de l'article L. 225-252 du Code de commerce (N° Lexbase : E1662CTQ), que celui qui acquiert ou conserve des titres émis par voie d'offre au public au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d'investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé, elle casse l'arrêt d'appel en ce qu'il a retenu que le préjudice des actionnaires de la société ne s'analyse pas en la perte d'une chance d'investir ailleurs leurs économies dès lors qu'il est, en réalité, au minimum de l'investissement réalisé à la suite des informations tronquées portées à leur connaissance.
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