Les juridictions lituaniennes qui, ayant fait droit à l'exception du Gouvernement polonais tirée de l'immunité de juridiction, se sont déclarées incompétentes pour statuer sur un litige de droit privé, relatif au caractère abusif du licenciement d'une salariée de l'ambassade de Pologne dont les fonctions n'étaient pas objectivement liées aux intérêts supérieurs de l'Etat polonais, ont porté atteinte à la substance même du droit de la salariée à accéder à un tribunal. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme le 23 mars 2010 (CEDH, 23 mars 2010, Req. 15869/02, Cudak
N° Lexbase : A8390ETW).
Dans cette affaire, la requérante, engagée comme standardiste à l'ambassade de Pologne à Vilnius, avait été victime de harcèlement sexuel, puis licenciée pour absence injustifiée alors que l'accès à l'ambassade lui avait été refusé. Elle avait alors saisi les juridictions lituaniennes aux fins d'obtenir des dommages-intérêts pour licenciement abusif. Ces dernières ayant fait droit à l'exception du gouvernement polonais tirée de l'immunité de juridiction, elle avait alors saisi la Cour pour violation de son droit d'accès à un tribunal, au sens de l'article 6 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR). La Cour rappelle que si ce droit est inhérent à la garantie d'un procès équitable, il peut faire l'objet de restrictions, parmi lesquelles figurent les limitations généralement admises par la communauté des Nations comme relevant de la doctrine de l'immunité des Etats. Toutefois, elle considère que les entraves à l'exercice de ce droit dues à l'application du principe de l'immunité juridictionnelle de l'Etat doivent être justifiées par les circonstances de la cause. Ainsi, la Cour suprême de Lituanie ayant considéré que si l'article 479 du Code de procédure civile établissait une norme en vertu de laquelle "
les Etats étrangers [et]
les représentants diplomatiques et consulaires et les diplomates des Etats étrangers bénéficient d'une immunité de juridiction devant les tribunaux lituaniens", cette règle ne consacrait l'immunité des Etats étrangers que pour les "
relations juridiques régies par le droit public", la Cour considère que la règle de l'immunité ne s'applique pas aux relations régies par le droit privé. Or, la Cour relève que la requérante ne remplissait pas de fonctions particulières ressortissant à l'exercice de la puissance publique, qu'elle n'était ni un agent diplomatique ou consulaire ni une ressortissante de l'Etat employeur, et que l'objet du litige était lié à son licenciement (sur le principe du droit à la sécurité juridique et à un procès équitable, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3794ETP).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable