Le Quotidien du 21 octobre 2002 :

[Jurisprudence] L'erreur de la caution sur la solvabilité du débiteur principal peut, à certaines conditions, entraîner la nullité de son engagement

Réf. : Cass. com., 1er octobre 2002, n° 00-13.189 (N° Lexbase : A8975AZG)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 28 Août 2014

Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 1er octobre 2002 mérite d'être signalé. Intéressant les conditions de fond de formation du contrat de cautionnement et, plus précisément, celles tenant au consentement, il permet d'évoquer les cas dans lesquels l'erreur peut être invoquée par la caution pour se libérer de son engagement. Tel est, du reste, ce qu'elle faisait dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt commenté. En l'espèce en effet, un individu s'était engagé solidairement envers une banque à garantir le remboursement de toutes sommes dues ou à devoir par le débiteur à cette banque, à concurrence d'un certain montant et a affecté un portefeuille de titres en garantie de son engagement. Quatre mois plus tard, le débiteur fut mis en redressement judiciaire et la banque a assigné la caution en paiement. Celle-ci, en défense, invoqua l'erreur sur la solvabilité du débiteur principal. Le créancier reproche aux juges du fond d'avoir annulé l'engagement de la caution alors, selon le moyen, "qu'il appartient à la caution qui désire faire de la solvabilité du débiteur la condition déterminante de son engagement d'introduire cette condition dans le champ contractuel en l'indiquant expressément dans l'acte de cautionnement", ce qui, ici, n'était pas le cas. Le pourvoi est cependant rejeté par la Cour de cassation. Elle approuve en effet nettement les juges du fond d'avoir estimé que "le caractère viable de l'entreprise était une condition déterminante de l'engagement de la caution ", celle-ci ayant entendu prendre le risque d'aider une société présentée comme en difficulté mais non de s 'engager pour une société en situation irrémédiablement compromise, que le créancier, en relation d'affaires depuis plusieurs années avec cette société, ne pouvait ignorer. Aussi bien est-il en l'espèce considéré que " la caution avait fait de la solvabilité du débiteur principal la condition tacite de sa garantie".

Si la nullité aurait sans doute pu être recherchée sur le terrain du dol, la jurisprudence admettant que le banquier se rend coupable d'un dol par réticence s'il omet de révéler à la caution des informations relatives à la solvabilité compromise du débiteur (voir not. Cass. civ. 1ère, 10 mai 1989 N° Lexbase : A2850AHZ, JCP 1987, II, 21363, note D. Legeais, Rép. Defrénois 1989, art. 34633, p. 1409, obs. L. Aynès), c'est pour erreur sur la substance que la caution est ici libérée.

Il n'est pas inutile de revenir sur les hypothèses dans lesquelles peuvent être invoquées une telle erreur. La première est celle de la caution sur la nature même de son engagement, même si, à vrai dire, il s'agit plus alors d'une erreur obstacle que d'une erreur vice du consentement à proprement parlé. La seconde est celle qui a porté sur l'étendue de la garantie, notamment sur l'importance de la dette principale. La dernière, qui suscite davantage de difficultés, est celle portant sur le risque assumé par la caution. Il faut en effet ici distinguer deux hypothèses.

A l'évidence, la caution ne saurait invoquer la survenance de l'insolvabilité du débiteur postérieurement à son engagement, la couverture de ce risque constituant, précisément, l'objet même du cautionnement (Cass. civ. 1ère, 13 nov. 1990 [LXB=A4164AGC ], D. 1991, Somm. p. 385, obs. L. Aynès). Cette solution est, au demeurant, parfaitement logique puisque, en pareil cas, il n'y pas de vice de consentement, qui ne peut s 'apprécier qu'au moment de l'engagement (en ce sens, Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Précis Dalloz, 3ème éd., 2000, n ° 56).

Toute différente est l'hypothèse de l'insolvabilité du débiteur dès l'époque du cautionnement, supposée ignorée de la caution, la solvabilité supposée du débiteur à l'époque du cautionnement constituant un motif déterminant pour la caution. Pourtant, si la Cour de cassation a prononcé, dans un premier temps, la nullité d'un cautionnement sur un tel fondement (Cass. civ. 1ère, 1er mars 1972 N° Lexbase : A6670AXC, D. 1973, J., p. 733, note Ph. Malaurie), elle a ensuite systématiquement exclu toute possibilité d'annulation pour ce motif, affirmant que l'erreur sur la solvabilité du débiteur est indifférente et qu'il ne peut en aller autrement que si la caution a fait de cette solvabilité une condition expresse de son engagement (Cass. civ. 1ère, 25 oct. 1977 N° Lexbase : A3271AGA ; com., 2 mars 1982 N° Lexbase : A2807A3D; civ. 1ère, 16 mai 1995, JCP 1996, II, 22736, note F.-X. Lucas). L'erreur sur la solvabilité présente du débiteur serait donc devenue une erreur sur les motifs, indifférente, sauf l'incorporation du motif erroné au contrat (comp., sur cette question, Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2001 N° Lexbase : A8846AQP).

Cette solution était pourtant critiquable, ne serait-ce que parce que, comme on l'a justement fait observer, la condition expresse de la solvabilité du débiteur est difficilement concevable puisque, en pareille hypothèse, la caution éveillerait la suspicion sur cette solvabilité dans l'esprit du créancier (Ph. Simler et Ph. Delebecque, ibid., et les références citées en note). L'arrêt commenté rompt avec ces solutions en admettant que la solvabilité du débiteur au jour de l'engagement de la caution puisse constituer une condition - tacite - déterminante de son consentement. Cette solution doit être approuvée, l'erreur sur le degré de solvabilité ou sur l'insolvabilité du débiteur au moment du cautionnement devant, en bonne logique, être retenue au titre d'une erreur sur la substance, sauf le tempérament de l'erreur inexcusable.

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