La lettre juridique n°342 du 19 mars 2009 : Rel. collectives de travail

[Evénement] Représentativité syndicale ... petit rappel pratique des nouvelles règles du jeu

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par Fany Lalanne - Rédactrice en chef Lexbase Hebdo - édition sociale

le 07 Octobre 2010

La faible légitimité des représentants des salariés est, souvent, citée comme l'une des causes de la fragilité du dialogue social. Attribuée à la faiblesse du taux de syndicalisation, ainsi qu'à des critères légaux de représentativité largement obsolètes (1), la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ) (2), refonde en profondeur, dans cette optique, les bases du système des relations sociales dans les entreprises, afin de conférer davantage de légitimité aux acteurs sociaux et à leurs accords, aux différents niveaux interprofessionnel, de branche et d'entreprise (3). Ces dispositions entreront/sont entrées en vigueur lors des premières élections professionnelles organisées à la suite de la publication de la loi dans les entreprises pour lesquelles la première réunion de la négociation du protocole d'accord préélectoral (PAP) est postérieure à la publication de la loi. Par ailleurs, l'année 2009 marque le début de l'entrée en vigueur des règles de validité des accords dans l'ensemble des entreprises, même si les nouvelles règles de représentativité n'ont pu trouver encore à s'appliquer, en l'absence de renouvellement des institutions représentatives du personnel et la présomption de représentativité des cinq centrales (CGT ; CFDT ; FO ; CFTC et CFE/CGC) est maintenue jusqu'en 2013 au niveau national (4). C'est dans ce contexte que le cabinet Eversheds organisait, le 12 mars dernier, une matinée-débat autour de "La représentativité syndicale : une révolution en marche". L'occasion, pour les intervenants, Thierry Heurteaux, directeur associé, Pactes Conseil, Maître Stéphanie Stein, Avocate associée, Eversheds LLP et Jean-Marie Toulisse, président du groupe CFDT au Conseil économique et sociale et ancien secrétaire national CFDT, de revenir, d'un point de vue purement pragmatique, sur les nouveaux aspects de la représentativité syndicale et leur implication pour les entreprises.

I - La représentativité (5)

  • Appréciation de la représentativité

Le nouveau texte emporte disparition, faut-il encore le rappeler, de la présomption irréfragable... avec une période transitoire de 5 ans et présomption de représentativité au niveau de l'entreprise pour les organisations syndicales affiliées, sauf pour la désignation des délégués syndicaux. L'appréciation de la représentativité est périodique : au niveau de l'entreprise, elle se fait à chaque nouvelle élection ; au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel, tous les 4 ans à compter de la première prise en compte de l'audience. Désormais, donc, sont représentatives les organisations syndicales qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires du comité d'entreprise (CE), de la délégation unique du personnel (DUP) ou, à défaut, des délégués du personnel (DP), et ce, quel que soit le nombre des votants (C. trav., art. L. 2122-1 N° Lexbase : L3823IB9).

  • Critères de la représentativité

Conformément à l'article L. 2121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3727IBN), la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après 7 critères cumulatifs, qui sont, respectivement : le respect des valeurs républicaines ; l'indépendance ; la transparence financière ; une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation ; l'audience ; l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; et les effectifs d'adhérents et les cotisations.

Ces critères sont définis dans la Position commune du 9 avril 2008. L'activité doit, ainsi, s'apprécier au regard de la réalité des actions menées par le syndicat et témoigner de l'effectivité de la présence syndicale. L'audience s'évalue, quant à elle, à partir du résultat des élections au comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel. La transparence financière est assurée par des comptes certifiés annuels. Et le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté politique, philosophique ou religieuse, ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance.

La représentativité en questions...

1° En attendant l'entrée en vigueur des dispositions issues de la loi du 10 août 2008, qui est représentatif dans l'entreprise ?

- Sont représentatifs les syndicats affiliés à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel ; les syndicats qui sont représentatifs dans l'entreprise à la date de publication de la loi ; et tout syndicat constitué à partir du regroupement de deux syndicats dont un est affilié à un syndicat représentatif aux niveaux national et interprofessionnel.

2° Qui détermine les syndicats représentatifs ?

- Le syndicat doit satisfaire aux sept nouveaux critères de représentativité définis par l'article L. 2121-1 du Code du travail.

II - Les élections professionnelles (6)

  • Ce qui ne change pas

Les élections restent organisées sur deux tours ; le premier tour est réservé aux organisations syndicales ; et la négociation du protocole électoral se fait avec les organisations syndicales.

  • Les enjeux

L'accès aux "nouveaux syndicats" est facilité ; 10 % des "suffrages valablement exprimés" doivent être atteints pour pouvoir désigner un délégué syndical (lui-même candidat) ; une perte de mandat pour les délégués syndicaux non représentatifs et une perte de mandat pour les représentants des sections syndicales. Pour Thierry Heurteaux, directeur associé de Pactes Conseil, il est essentiel, pour les entreprises, de bien appréhender cette nouvelle mécanique électorale.

  • Le protocole d'accord préélectoral (PAP)

Maître Stéphanie Stein rappelle que différentes étapes doivent être respectées. Tout d'abord, celle de la convocation, par voie d'affichage, des organisations syndicales remplissant les trois critères de respect des valeurs républicaines, de l'indépendance et de l'ancienneté et, par courrier, des organisations syndicales représentatives. Ensuite, viennent les étapes de la négociation et de la signature avec la majorité des organisations syndicales ou l'arbitrage de l'administration du travail.


Les élections professionnelles en questions...

1° Trois syndicats représentatifs ont négocié le PAP, un seulement l'a signé, le PAP est-il valable ?

- Non, le PAP n'est pas valable. La validité du protocole d'accord préélectoral est subordonnée à la signature de la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation et, parmi elles, il doit y avoir les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections ou, lorsque les résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise (C. trav., art. L. 2314-3-1 N° Lexbase : L3783IBQ).

2° Seules la CGT et la CFDT sont présents dans l'entreprise. A qui adresser l'invitation à négocier le PAP ?

- Aux organisations syndicales, par voie d'affichage.

3° Quatre syndicats ont négocié le PAP, deux le signent, mais ils n'ont obtenu que 40 % des suffrages exprimés lors des dernières élections, le PAP est-il valable ?

- Non.

4° Le PAP modifie le nombre et la composition des collèges électoraux, un syndicat refuse de la signer, le PAP est-il valable ?

- Non, il faut l'unanimité.

  • L'audience

Au niveau de l'entreprise, l'audience se mesure sur la base des résultats obtenus au premier tour des élections des membres titulaires du CE ou des DP en cas de carence de candidatures ou de suppression du CE. A noter qu'il n'y a pas de quorum pour le dépouillement. Les votes blancs et nuls ne comptent pas. En cas de listes communes, la répartition des suffrages valablement exprimés se fait selon les indications des syndicats concernés lors du dépôt de la liste et au prorata. A défaut, elle se fait à part égale entre les organisations concernées.

Il y a trois possibilités pour décompter, le problème étant, comme le souligne Maître Stein, qu'on raisonne en scrutin de listes, sachant que les deux paramètres à prendre en compte sont les ratures et les listes incomplètes : soit on fait le total des suffrages par liste, auquel cas on ne tient compte ni des listes incomplètes, ni des listes raturées ; soit on prend en compte les ratures, mais non les listes incomplètes et on fait la moyenne des suffrages de chaque liste ; soit, enfin, on prend en compte les listes incomplètes et les ratures et on additionne par liste les voix de chaque candidat, le problème étant que, selon la méthode, on n'obtient pas les mêmes résultats. Rappelons que la mention du décompte doit être faite dans le protocole préélectoral.


Les critères de la représentativité... en questions

1° Au premier tour des élections, 25 salariés sur 200 ont valablement voté. La CGT a recueilli 5 voix. Peut-elle désigner un délégué syndical ?

- Il ne faut pas tenir compte des 25 salariés sur 200 car il n'y a pas de quorum au premier tour des élections. La CGT peut donc, dans ce cas, désigner un délégué syndical, si elle est représentative, car elle a obtenu 5 voix sur les 25, donc plus de 10 %.

2° La liste commune FO-CFTC-CGC a recueilli 25 % des voix au premier tour. Lequel de ces syndicats peut être représentatif ?

- Tout dépend de l'accord passé au départ sur la répartition des voix.

3° Au niveau du groupe, la CFDT a obtenu 100 voix sur 1 000 (10 dans l'établissement A, 10 dans l'établissement B, 80 dans l'entreprise C (au siège), et 0 dans les entreprises D, E, F, G, H, I et J. Peut-elle désigner un DS groupe ?

- Oui.

Et un DS dans l'entreprise F ?

- Non.

Et si elle n'avait obtenu au total que 99 voix sur 1 000 ?

- Non.

III - Le DS, la section syndicale et le RSS (7)

  • Les délégués syndicaux

Tout syndicat représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, qui constitue une section syndicale, peut désigner un délégué syndical. Il est, ici, important de souligner, avec Maître Stein, que l'organisation syndicale doit être représentative dans l'entreprise sur la base des sept critères cumulatifs posés par la loi. Le délégué syndical est désigné parmi les candidats aux élections qui ont recueilli plus de 10 % des voix au premier tour. Les conditions d'âge (18 ans) et d'ancienneté (un an au moins dans l'entreprise) restent inchangées (C. trav., art. L. 2143-3 N° Lexbase : L3719IBD).

  • La section syndicale

Tous les intervenants s'accordent à reconnaître, avec Maître Stein, que la section syndicale a pour vocation de faciliter l'implantation syndicale dans l'entreprise. Rappelons, simplement que, quatre critères permettent, aujourd'hui, à une organisation syndicale de constituer une section syndicale (C. trav., art. L. 2142-1 N° Lexbase : L3761IBW) : elle doit être constituée depuis deux ans, au moins, dans le champ professionnel et géographique qui couvre l'entreprise ; elle doit respecter les valeurs républicaines; elle doit être indépendante ; elle doit, également, avoir "plusieurs adhérents", la question étant de savoir combien, la réponse n'étant précisée ni dans la loi, ni dans la Position commune.

  • Le représentant de la section syndicale

Chaque syndicat qui constitue une section syndicale au sein de l'entreprise ou de l'établissement de 50 salariés ou plus, peut, s'il n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter. Le représentant de la section syndicale a les mêmes prérogatives que le DS, mais il ne peut pas négocier (sauf dérogation) (C. trav., art. L. 2142-1-1 N° Lexbase : L3765IB3).

Pour tout syndicat non encore représentatif et qui a constitué une section syndicale dans une entreprise de plus de 50 salariés, il est donc possible de désigner un RSS ; dans une entreprise de moins de 50 salariés, il est possible de désigner un délégué du personnel comme représentant de la section syndicale (C. trav., art. L. 2142-1-4 N° Lexbase : L3806IBL).


Section syndicale et RSS en questions...

1° La CFDT a désigné un DS en 1997. Au 1er tour des élections en 2009, il obtient 9,88 % des suffrages. Que devient le mandat du DS ?

- Il disparaît, il n'y a pas de formalisme de prévu.

2° Un RSS est désigné alors qu'aucune section syndicale n'a été constituée. La désignation peut-elle être contestée ?

- Le RSS est là pour implanter le syndicat. Donc, oui, la désignation syndicale peut être contestée.

3° Le RSS a obtenu 15 % des voix lors des élections du CE. Peut-il être reconduit dans son mandat de RSS ?

- Dans la mesure où il a obtenu 15 % des voix, il peut être DS, mais ce n'est pas obligatoire. En revanche, il ne peut être reconduit dans son mandat.

4° La CFDT est majoritaire au 1er tour des élections en 2009. Elle désigne un DS. Quelle est la durée de son mandat ?

- Entre deux et quatre ans, le temps du mandat électoral, jusqu'aux prochaines élections.

5° Dans l'un des établissements de l'entreprise, SUD a obtenu 5 % des suffrages aux dernières élections. Peut-il constituer une section syndicale ? Et si SUD avait obtenu 20 % ?

- Oui, on peut toujours, en réalité, créer une section syndicale, peu importe le nombre de suffrages obtenus, il suffit de répondre aux quatre critères posés par la loi.

6° Dans l'une des entreprises du groupe, laquelle compte 45 salariés, FO peut-il désigner un RSS ? A-t-il droit à des heures de délégation ?

- Oui, FO peut désigner un RSS, à la seule condition qu'il ait été DS. En revanche, il n'aura pas droit à des heures de délégation.

7° FO désigne un DS après avoir obtenu 18 % des voix aux élections de janvier 2009. Puis-je lui demander de me fournir ses comptes annuels ?

- Non, très clairement.

Pour conclure, nous nous trouvons donc, comme le souligne Jean-Marie Toulisse, président du groupe CFDT au Conseil économique et social et ancien secrétaire nationale CFDT, "au début d'une histoire" qui constitue vraisemblablement une phase transitoire. Il est donc difficile, d'ores et déjà, de tirer des conclusions, d'autant que, selon le même intervenant, la jurisprudence va nécessairement intervenir pour clarifier des points dont les contours n'ont pas été nettement définis par la nouvelle loi. Sans oublier le contexte économique, qui change nécessairement la donne, dans la mesure où la question de la représentativité dans les entreprises s'en trouve logiquement relativisée. Dès lors, des changements de comportements vont nécessairement s'imposer : si, avant le texte d'août 2008, les syndicats avaient le même poids, aujourd'hui, la règle est différente et un rapport de force a été instauré. D'autant plus que le syndicalisme va être amené à être plus participatif, et si le "syndicalisme de chambre", pour reprendre les termes de Jean-Marie Toulisse, est terminé, l'apprentissage risque d'être long et difficile. L'interrogation essentielle est, cependant, autre. Elle reste, en effet, inhérente à l'autorité syndicale même, à savoir si l'entreprise va accepter le renforcement de cette nouvelle autorité syndicale, fondement même de sa légitimité.


(1) A la suite du rapport Hadas-Lebel (mai 2006), le Conseil économique et social, dans un rapport suivi d'un avis adopté le 29 novembre 2006, affirme que, pour consolider le dialogue social, il est nécessaire que les acteurs de la négociation sociale ne puissent voir leur représentativité contestée par ceux au nom desquels ils négocient.
(2) Lire nos obs., Démocratie sociale et temps de travail : une nouvelle dynamique qui risque de s'avérer complexe à mettre en oeuvre dans les entreprises, Lexbase Hebdo n° 325 du 5 novembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6852BHA) et Représentativité syndicale : une réforme inéluctable, Lexbase Hebdo n° 317 du 10 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9835BGD).
(3) La Position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme avait clairement posé la donne, puisqu'elle commençait en ces termes : "pour tenir compte des évolutions intervenues depuis leur institution par la loi du 11 février 1950, d'une part, et pour renforcer la légitimité des accords signés par les organisations syndicales de salariés dans le cadre de l'élargissement du rôle attribué à la négociation collective, d'autre part, les parties signataires de la présente position commune considèrent qu'il est nécessaire d'actualiser les critères de représentativité des organisations syndicales". Voir, également, en ce sens, circ. DGT n° 2008/20 du 13 novembre 2008, relative à la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L8532IBM).
(4) Pour un calendrier de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 20 août 2008, voir circ. DGT n° 2008/20 du 13 novembre 2008, préc.. collectifs avec le renforcement du principe majoritaire. Le ministère du Travail a, par ailleurs, mis en ligne, le 9 janvier 2009, une brochure, qui a pour objectif d'informer les partenaires sociaux, les entreprises et les salariés sur les modalités et le calendrier d'application de ces nouvelles dispositions.
(5) Voir les obs. de G. Auzero, Articles 1 et 2 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : la représentativité syndicale, Lexbase Hebdo n° 317 du 10 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9816BGN).
(6) Voir les obs. de S. Martin-Cuenot, Articles 3 et 4 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : élections professionnelles, Lexbase Hebdo n° 317 du 10 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9823BGW).
(7) Lire les obs. de S. Tournaux, Articles 5, 6 et 7 de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : démocratisation de la désignation du DS, RSS et renforcement du statut protecteur des salariés titulaires d'un mandat syndical, Lexbase Hebdo n° 317 du 10 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9810BGG).

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