La lettre juridique n°415 du 4 novembre 2010 : Avocats/Gestion de cabinet

[Le point sur...] Prévention et traitement des difficultés des avocats

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par Marc Bollet, ancien Bâtonnier, vice-président de la Conférence des Bâtonniers, et Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

le 04 Janvier 2011

Lors de l'assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers en date du 17 septembre 2010, un atelier a été organisé, en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase, sur le thème de la prévention et du traitement des difficultés des avocats. L'occasion était ainsi donnée de revenir sur les outils issus de la loi de sauvegarde et d'apprécier les difficultés pratiques de la matière. Lexbase Hebdo - édition professions vous propose de revenir sur les temps forts de cet atelier. Les dispositifs de la loi de sauvegarde

Depuis 2005, la loi de sauvegarde (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT) a étendu le champ d'application des procédures collectives aux professionnels libéraux.

Des données économiques, sociales et juridiques ont conduit le législateur à étendre le champ d'application aux professions libérales. Néanmoins, s'agissant des professions règlementées et notamment de la profession d'avocat, il fallait trouver des solutions pour rendre compatibles les textes avec les règles spécifiques de la profession d'avocat. C'est la raison pour laquelle et sur un certain nombre de sujets (fonctionnement de la procédure, régime des sanctions...) des règles spécifiques ont été réclamées et obtenues afin d'assurer la cohérence et l'efficacité du système. Désormais tous les avocats et non plus ceux qui exerçaient sous couvert d'une personne morale peuvent prétendre utiliser des outils de la loi de sauvegarde. A ce sujet, il a été jugé par la Cour de cassation, le 9 février 2010, que le professionnel libéral associé n'exerce pas une activité professionnelle indépendante et que dès lors, le tribunal ne peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire que tout autant que le passif provienne de l'activité professionnelle antérieure (Cass. com., 9 février 2010, 3 arrêts, n° 08-15.191, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7436ERT, n° 08-17.144, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7437ERU et n° 08-17.670, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7438ERW).

Prévoir ou subir !

Toutes les procédures de la loi de 2005, modifiée en 2008 (ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT), sont applicables aux professionnels libéraux.

  • Les procédures choisies

L'avocat peut demander à bénéficier du procédé du mandat ad hoc. L'énorme avantage du mandat ad hoc repose sur sa souplesse et sa confidentialité -même le Bâtonnier n'est pas informé de l'ouverture d'un mandat ad hoc !-. C'est un procédé sûr, fiable et efficace dans la vie des affaires et que les professionnels libéraux auraient tout intérêt à utiliser car la pratique démontre un fort taux de succès.

L'étape suivante est celle de la procédure de conciliation. C'est une procédure plus organisée -il s'agit de l'ancien "règlement amiable"-. Concrètement pour l'avocat, il s'agit de rechercher un accord avec ses principaux créanciers pour mettre fin à ses difficultés.

Dans le cadre de la conciliation, l'Ordre est informé de l'ouverture de la procédure, tout comme il sera consulté dans le cadre de l'homologation de l'accord.

Selon Maître Bollet, cette procédure est malheureusement assez peu utilisée, ce qui est dommage car très probablement elle correspond à l'outil le plus adapté aux professions libérales.

Vient ensuite la procédure de sauvegarde, clé de voûte de la réforme de 2005.

Procédure destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, elle ne peut être ouverte qu'à la demande d'un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter.

Cette procédure donne lieu à un plan qui détermine les perspectives de redressement et définit les modalités de règlement du passif. Cette procédure n'est guère utilisée en pratique, sans doute en raison du fait que les difficultés doivent être prises très tôt, mais aussi parce qu'elle n'est pas assez connue.

  • Les procédures subies

Il s'agit tout d'abord de la procédure de redressement judiciaire dont les règles générales de fonctionnement sont issues de la réforme de 1985 (loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L7852AGW). Cette procédure s'applique au débiteur en état de cessation des paiements. Elle a pour objet de permettre la poursuite de l'activité et l'apurement du passif et donne lieu à un plan arrêté par le tribunal. Ce plan peut être soit une continuation, soit une cession totale ou partielle de l'activité. A ce titre, l'ordonnance de 2008 a fait en sorte que la cession puisse désormais porter non plus seulement sur les éléments corporels mais aussi sur les éléments incorporels. Cette innovation est importante et opportune pour les avocats puisque en pratique le droit de présentation de la clientèle représente une part significative de l'actif du professionnel.

Enfin la liquidation judiciaire, dernière procédure, celle naturellement que tout le monde souhaite éviter, car elle est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur. Cette procédure a donc des conséquences dramatiques ; les statistiques démontrent que de très nombreuses procédures collectives de professionnels libéraux se terminent par des liquidations judiciaires (redressement converti en liquidation pendant la période d'observation, plan inexécuté...) ce qui engendre d'innombrables difficultés.

Le rôle de l'Ordre dans la procédure

A l'exception du mandat ad hoc, toutes les autres procédures réservent une part importante à l'Ordre professionnel. Ce dernier va tantôt être acteur, tantôt auxiliaire.

- Acteur, l'Ordre l'est en matière de conciliation, il l'est surtout dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation.

L'Ordre va être associé à toutes les étapes de la procédure. Il sera informé et entendu. Il sera contrôleur de droit de la procédure collective. Il disposera à cet égard de certaines prérogatives et devra naturellement satisfaire à sa mission avec rigueur et précision. Cela justifie d'un point de vue organisationnel que les ordres soient préparés à assumer ces missions. La problématique est toujours de distinguer l'intérêt personnel du confrère en difficultés et l'intérêt collectif.

- Auxiliaire, en matière de sanctions. Sur ce point, la profession avait revendiqué la possibilité d'appliquer son régime de sanctions spécifique pour faire échec au régime général.

La discipline de la loi de sauvegarde est donc restée dans le giron ordinal, à charge donc pour la profession de la mettre en oeuvre avec pertinence et efficacité.

Quelles sont les difficultés en pratique ?

La matière est compliquée puisqu'elle touche à la personne, au patrimoine, à l'organisation professionnelle..

Aucune situation n'est comparable et dès lors un traitement spécifique doit être effectué à l'analyse de chacun des dossiers même si des procédures d'organisation peuvent être mises en place afin d'assurer la cohérence dans le suivi des missions ordinales.

Il faut d'abord et surtout veiller à ne pas confondre les rôles de chacun.

Certes le Bâtonnier doit donner de l'information, mais il n'a pas à conseiller l'avocat en difficulté. Informer, oui, conseiller, non. Dans le même ordre d'idée il est prudent que ce ne soit pas le Bâtonnier qui représente l'Ordre contrôleur de la procédure, de façon à laisser une certaine distance entre lui et ladite procédure, et ce d'autant plus que le Bâtonnier sera l'organe de poursuite en matière de sanctions. Le rôle de l'Ordre étant très marqué dans la procédure, il est recommandé que les missions à accomplir le soient par des professionnels spécialistes rendant systématiquement des comptes sur l'exécution de leurs missions.

Par ailleurs, un débat s'est instauré avec la salle concernant les conditions de la réinscription du professionnel libéral liquidé. En l'état actuel de la réglementation, l'avocat liquidé peut poursuivre son activité sous la seule forme salariée, mais rien ne lui interdirait de reprendre son activité libérale postérieurement à la clôture de la procédure. En effet, après omission l'avocat pourrait demander sa réinscription par application de l'article 108 du décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197 N° Lexbase : L0285A9G). Peut-on considérer que faute de n'avoir pas été sanctionné l'avocat pourrait se voir opposer un refus motif pris que sa liquidation judiciaire contreviendrait aux principes essentiels sur lequel repose l'exercice professionnel des avocats ?

La seule jurisprudence dont nous disposons est un arrêt de la cour d'appel de Lyon qui, pour s'opposer à une inscription, parmi d'autres motifs, énonce que l'avocate liquidée n'offrait pas les garanties morales et ne présentait pas les garanties de dignité, d'honorabilité et de probité nécessaires pour exercer la profession d'avocat (CA Lyon, 19 novembre 2009, n° 09/03070 N° Lexbase : A4217E8P).

Il est vrai que rien n'interdit à un entrepreneur, commerçant, artisan, agriculteur, postérieurement à sa liquidation de se réinstaller et que, dès lors, rien ne justifie juridiquement une règle différente pour l'avocat. Néanmoins, l'hypothèse d'une réinstallation heurte à l'évidence nos valeurs, créé une distorsion de concurrence et renvoie aussi une image pas forcément positive de l'avocat, professionnel de devoir et de confiance....

Préconisations

- Faire mieux pour nos confrères en difficultés, c'est une mission fondamentale de nos Ordres.

- Mieux gérer les situations individuelles, mieux apprécier les difficultés éprouvées par certains confrères, savoir les anticiper notamment dans le cadre des contrôles obligatoires de comptabilité.

- Faire la promotion des procédures préventives en essayant de transmettre la culture de l'anticipation.

- Former des confrères à la gestion des dossiers ordinaux, notamment dans le cadre de la mission de contrôleur.

- Examiner avec une extrême attention les dossiers de redressement et de liquidation et savoir en tant que de besoin mettre en oeuvre les procédures disciplinaires.  A ce sujet, ne rien faire c'est laisser en partie échapper le pouvoir de nos Ordres au profit du ministère public...

- Enfin, il a été mis l'accent sur la place prépondérante que devraient occuper nos Ordres pour assurer la promotion de la loi de sauvegarde à l'égard des autres Ordres ou autorités professionnelles, lesquels sont confrontés de plein fouet à ces procédures et missions compliquées auxquelles ils ne savent pas toujours répondre dans des conditions satisfaisantes.

Savoir faire et faire savoir...

***

A l'issu de cet atelier, le Bâtonnier Bollet a proposé à tous les intervenants de venir au sein des Ordres, par l'intermédiaire des conférences régionales, pour animer des séminaires de formation.

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