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N7008BPA
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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III
le 07 Octobre 2010
L'administration tient du législateur le droit d'exercer son droit de communication. Celui-ci est mis en oeuvre sans formalité particulière, mais l'administration recommande à ses agents d'adresser, ou de remettre un avis de passage au contribuable (DB 13-K-114) qui peut se faire assister d'un conseil (DB 13 L-1312), sans pour autant que ce droit s'inscrive dans une procédure contradictoire. Le droit de communication peut être exercé par l'administration dans la même entreprise autant de fois qu'elle le souhaite. Il n'existe aucune limite en ce domaine.
Le droit de communication n'est pas fonction de la compétence territoriale de celui qui l'exerce et ne fait pas obstacle à ce que des informations ainsi recueillies soient transmises à d'autres agents (CE 3° et 8° s-s-r., 10 janvier 2001, n° 211967 N° Lexbase : A6474APH ; Droit fiscal, 2001, comm. 735, concl. Austry).
En l'espèce, l'administration a exercé ce droit, sur le fondement de l'article L. 86 du LPF (N° Lexbase : L3965ALG), auprès de la société FDC Electroniques en lui adressant au préalable un avis de passage. Elle souhaitait obtenir copies du grand livre "fournisseurs" et de factures en vertu des dispositions de l'article L. 81 de même livre (N° Lexbase : L3950ALU).
En pratique, les agents de l'administration prennent connaissance des documents sur place ou, plus rarement, par correspondance. Ils peuvent en prendre copie (LPF, art. R. 81-4 N° Lexbase : L7824AEI) et les dépenses correspondantes sont à la charge de l'administration.
L'ensemble des pièces et documents sur lesquels peut s'exercer le droit de communication doit être conservé pendant six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres, ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établies.
Rappelons que l'administration peut régulièrement demander des renseignements à des personnes non soumises au droit de communication à la double condition qu'elles ne soient pas tenues de répondre aux questions posées, et que la demande de renseignements qui leur est adressée ne soit pas susceptible de les induire en erreur sur l'étendue de leur obligation à cet égard (CAA Lyon, 2ème ch., 24 juillet 2003, n° 98LY00342 N° Lexbase : A9382EIC, Droit fiscal, 2004, 8, comm. 271).
Dans l'affaire qui nous occupe, le gérant, et représentant légal de la société, n'a pas donné suite à la demande de l'administration.
Les infractions au droit de communication sont constatées par procès-verbal que le contrevenant, ou son représentant, s'il s'agit d'une personne morale, est invité à signer. En cas de refus de ce dernier, mention en est faite au procès-verbal. Un délai de trente jours lui est ouvert pour présenter des observations.
L'absence de tenue, la destruction avant le délai ou le refus de communiquer les documents, soumis au droit de communication, sont sanctionnés par une amende de 1 500 euros (CGI, art. 1734 N° Lexbase : L1723HN7). Avant la refonte des dispositions du CGI relatives aux pénalités fiscales (ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 N° Lexbase : L4620HDH), ces dispositions figuraient à l'article 1740-1 de ce code (N° Lexbase : L4235HMS), visé dans l'arrêt. En outre l'amende était portée à 3 000 euros à défaut de régularisation dans un délai de trente jours suite à une mise en demeure. Cette majoration a été supprimée lors de la refonte. Cette amende est écartée lorsque ces agissements constituent une opposition au contrôle fiscal entraînant la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office.
Un contribuable ne peut pas se prévaloir que la demande porterait sur une période prescrite et c'est à bon droit que l'administration a infligé une amende à un contribuable qui n'avait pas présenté au vérificateur ni le livre-journal, ni le grand livre alors que l'administration voulait apprécier la réalité d'un crédit de taxes sur le chiffre d'affaires déductibles constitué au cours de la période prescrite (CE, 18 mai 1966, n° 50925 N° Lexbase : A2299B8N). Le contribuable ne peut pas s'exonérer de cette obligation au motif qu'il ne serait pas en possession des documents réclamés (CE, 22 février 1937, n° 52759).
Il est incontestable que cette amende est à la charge de la société au sein de laquelle l'administration a souhaité exercer son droit de communication. A la question de savoir si celle-ci devait être supportée par le gérant et représentant légal de la société, la cour administrative d'appel de Paris a répondu de façon négative au motif que "l'administration ne tenait d'aucune disposition législative explicite le pouvoir de mettre cette amende à la charge de M. Y., gérant et représentant légal de la société".
Les dispositions de l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L0638IH4) obligent l'administration fiscale à motiver ses propositions de rectification, naguère intitulées notifications de redressements, de telle sorte que le contribuable soit en mesure de formuler des observations et, éventuellement, de faire connaître son acceptation. Il importe que la proposition comporte l'indication des motifs de droit et de fait sur lesquels se fondent les redressements pour permettre à l'intéressé de formuler utilement des observations. Cette obligation ne souffre d'aucune exception.
Une des choses les plus importantes est l'obligation ainsi faite à l'administration d'indiquer au contribuable, lorsqu'elle formule la proposition de rectification, la nature de la procédure d'imposition suivie (CE, 8 juillet 1998, n° 159135, Eglise de scientologie de Paris N° Lexbase : A5510AYQ, RJF, 1998, 8-9, comm. 941). Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié distinctement par chef de redressement (CE 9° et 10° s-s-r., 29 décembre 2000, n° 183659 N° Lexbase : A2097AII, RJF, 2001, 3, comm. 365). En conséquence, une proposition de rectification peut être régulière car suffisamment motivée pour certains chefs de redressements et irrégulière pour d'autres (CE, 28 janvier 1981, n° 16600 N° Lexbase : A3456AK9, Droit fiscal, 1981, comm. 981, concl. Schricke).
Dans le cadre d'une vérification de comptabilité, l'administration a entendu rehausser les bases imposables au titre de deux années 1997 et 1998. Elle se fondait pour ce faire sur le montant de l'écart entre les prix de revient reconstitués de la production de l'année et les prix de vente de cette production, tout en majorant cet écart d'un taux de 10 %. La notification ne contenait pas de motivation relative à la détermination de ce pourcentage, mais elle mentionnait avec une précision suffisante les motifs du redressement correspondant à l'écart entre les prix de revient et les prix de vente. Autrement dit, l'application du pourcentage de 10 % et la prise en compte de la différence entre le prix de revient et le prix de vente constituaient deux éléments distincts justifiant le redressement.
L'application de taux de marge au prix d'achat pour la reconstitution du chiffre d'affaires n'a rien d'original. Le Conseil d'Etat a validé, par exemple, une notification de redressements qui indique les modalités essentielles du calcul du taux de marge ayant permis de reconstituer le chiffre d'affaires d'une entreprise exploitant des magasins de maroquinerie, l'administration n'étant pas tenue de mentionner, en outre, le détail de la pondération ayant affecté ce taux de marge et les raisons de son extrapolation à l'ensemble des années vérifiées (CE 3° et 8° s-s-r., 24 novembre 2003, n° 241664 N° Lexbase : A3909DAZ, RJF, 2004, 2, comm. 157).
En cours d'instance devant la cour administrative d'appel, l'administration, considérant la fragilité de son absence d'arguments pertinents, avait dégrevé la majoration forfaitaire de 10 %. La jurisprudence l'a très certainement éclairée. En effet, il a été jugé, comme insuffisamment motivée, la notification d'un vérificateur qui avait retenu le taux de 70 % pour l'occupation d'un hôtel en le justifiant de la manière suivante : "taux d'occupation rencontré dans les établissements semblables", la notification ne comportant ni indications chiffrées relatives aux établissements ayant servi de référence, ni désignation de ces établissements (CAA Bordeaux, 3ème ch., 2 novembre 2005, n° 02BX01781 N° Lexbase : A6193DLX, RJF, 2006, 4, comm. 429). La circonstance que les motifs avancés par l'administration ont été abandonnés par celle-ci, en raison de leur inexactitude, lors de la procédure contentieuse, n'entache pas d'insuffisance de motivation la notification de redressements (CAA Bordeaux, 3ème ch., 18 avril 2000, n° 97BX01900 N° Lexbase : A4417BEC, RJF, 2000, 7-8, comm. 965).
L'administration n'est pas tenue de procéder à une énumération exhaustive de tous les motifs susceptibles de fonder un chef de redressement, mais elle doit mettre le contribuable en mesure d'engager une discussion contradictoire concernant ceux retenus.
En effet, il peut arriver, comme dans la présente affaire, qu'un chef de redressement soit fondé sur plusieurs éléments qui ont fait l'objet d'une justification, d'une évaluation et d'une prise en compte distinctes dans la notification adressée au contribuable. Il a été jugé que l'appréciation du caractère suffisamment motivé d'une notification, ou proposition de rectification, relève des pouvoirs souverains du juge du fond (CE, 2 novembre 1994, n° 126814 N° Lexbase : A3566ASU, RJF, 1994, 12, comm. 1356).
La Haute juridiction a accepté l'idée que l'administration puisse se borner à un seul motif suffisamment précisé pour notifier régulièrement un chef de redressement, la circonstance qu'elle retienne d'autres motifs contestés à bon droit, qu'elle n'était pas tenue d'énoncer, est sans incidence sur la régularité de la notification de redressement (CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2001, n° 221006 N° Lexbase : A9405AXM, RJF, 2002, 4, comm. 427).
Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt qu'il a rendu, a considéré que le caractère suffisant de la motivation du chef de redressement peut s'apprécier séparément pour chacun des éléments et que, en conséquence, l'insuffisance de motivation de l'un des éléments du redressement n'est pas de nature à affecter la régularité de la notification du chef de redressement dans son ensemble.
Cette décision s'inscrit à la suite de la décision du 21 décembre 2001, par laquelle le Conseil d'Etat avait jugé que lorsque la proposition de rectification comporte plusieurs motifs à l'appui d'un même chef de redressement, si l'un des motifs ne comporte pas une motivation suffisante, il suffit de rechercher si les autres motifs sont suffisamment motivés pour éviter l'irrégularité de la procédure (CE 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2001, n° 221006, précité, RJF, 2002, 4, comm. 427).
Aux termes de l'article L. 188 A du LPF (N° Lexbase : L5372G74), lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, demandé certains renseignements à une autorité étrangère dans le cadre de l'assistance administrative internationale, les omissions ou erreurs d'impositions correspondantes peuvent être réparées, même si le délai initial est expiré, jusqu'à la fin de l'année qui suit celles de la réponse et, au plus tard, jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
La demande de renseignements adressée à l'autorité étrangère peut porter, soit sur les relations du contribuable avec une entreprise ou une entité juridique exploitant une activité ou établie dans l'Etat ou le territoire étranger, lorsque ces relations entrent dans le champ d'application des articles 57 (N° Lexbase : L3365IGQ) ou 209 B (N° Lexbase : L3313IGS) du CGI, soit sur les biens, avoirs ou revenus dont le contribuable a pu disposer hors de France ou les activités qu'il a pu y exercer. Le tribunal administratif de Paris, dans une solution inédite, a jugé que la prorogation du délai de reprise (LPF, art. L. 188 A N° Lexbase : L5372G74) n'est pas applicable dès lors que les insuffisances des impositions ne se rapportent pas à des relations d'un contribuable avec une société établie ou exerçant son activité dans l'Etat auquel l'administration fiscale avait adressé la demande de renseignements, mais avec une société établie ou exerçant son activité dans un Etat tiers (TA Paris, 29 avril 2008, n° 01-17558, Société Technipex, RJF, 2009, 6, comm. 583).
Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt qui nous est soumis, entend préciser que, pour interrompre le délai de reprise, l'administration doit effectuer la demande d'information avant l'expiration de celui-ci, sachant qu'il est interrompu à la date d'envoi de la demande de renseignements, et non à la date à laquelle l'administration reçoit la réponse de l'autorité étrangère. A suivre les juges du Palais-Royal, l'administration est tenue, à peine de nullité, d'informer, dans un délai raisonnable, le contribuable qu'elle a effectué une telle demande, mais il ne résulte pas de ces dispositions que cette information doit être faite simultanément à la demande, ou même avant l'expiration du délai de reprise.
Dans l'affaire qui nous est donnée de commenter, l'administration avait adressé aux autorités belges une demande d'assistance administrative le 18 décembre 1997 ; le contribuable n'en avait été informé que le 8 janvier 1998. Moins d'un mois sépare les deux actes. Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a considéré que le délai raisonnable n'était pas transgressé et, par conséquent, les dispositions de l'article L. 188 A du LPF n'avaient pas été méconnues.
Il n'est pas certain que la solution aurait été identique si le délai séparant les deux actes avait été de quelques semaines supplémentaires. La doctrine administrative précise qu'étant donné les délais incompressibles liés au fonctionnement de l'assistance administrative internationale, et à titre de règle pratique, l'information du contribuable doit être faite, sauf circonstances exceptionnelles, dans un délai de trente jours à compter de la date d'envoi de la demande ou de la date de réception de la réponse (instruction du 6 novembre 1997, BOI 13 L-4-97).
Du point de vue de la forme, le contribuable est informé par lettres recommandées avec accusé de réception, de l'envoi de la demande et de la réception de la réponse. L'administration lui précise le pays concerné, les années visées, la date d'envoi de la demande ou celle de la réponse. La mise en oeuvre de cette procédure ne nécessite pas que le contribuable soit informé de l'objet, la nature, la teneur ou la copie de la demande ainsi que de la réponse.
L'administration n'est en droit de fonder des redressements sur des renseignements obtenus sous cette forme, c'est-à-dire de tiers, qu'à condition que le contribuable soit mis en mesure de les contester et de demander communication des pièces avant la mise en recouvrement des impositions.
Rappelons que les articles L. 114 (N° Lexbase : L5807GUM) et L. 114 A (N° Lexbase : L5376G7A) du LPF prévoient que l'administration peut échanger des renseignements avec les Etats ayant conclu avec la France une Convention fiscale internationale prévoyant l'assistance mutuelle, les administrations financières des territoires d'outre-mer et autres collectivités territoriales de la République française relevant d'un régime fiscal spécifique, les Etats membres en ce qui concerne l'application des Directives et Règlements de l'Union européenne en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, de TVA ainsi que des taxes assises sur les primes d'assurances.
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