La lettre juridique n°392 du 22 avril 2010 : Fiscalité du patrimoine

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - avril 2010

Lecture: 8 min

N9402BNK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine - avril 2010. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210787-chroniquechroniquedefiscalitedupatrimoineavril2010
Copier

par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en matière de fiscalité du patrimoine, réalisée par Daniel Faucher, Consultant au Cridon de Paris. Cette chronique nous rappelle que le recel successoral emporte de lourdes conséquences sur le plan civil. Le juge de l'impôt y ajoute une peine complémentaire, même si cette dernière est temporaire, à savoir la possibilité pour l'administration de réclamer au receleur le complément de droits dus sur les biens réintégrés à la succession (Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21.080, FS-P+B). On remarquera, également, s'agissant de la qualification de versement en rente (déductible du revenu du débiteur) ou en capital (non déductible) pour les prestations compensatoires à la suite d'un divorce, que ce sont les modalités selon lesquelles le juge a prescrit au débiteur de s'en acquitter qui permettent de trancher (CAA Paris, 5ème ch., 18 février 2010, n° 08PA04916, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, aux termes d'une décision du 5 février 2009, le tribunal administratif d'Amiens retient que la circonstance qu'une distribution de bénéfices entre les mains des porteurs de parts ne soit pas conforme aux montants fixés par la délibération de l'assemblée générale régulièrement composée, ne fait pas obstacle, à hauteur de ses droits dans la société, à ce que la part allouée, conformément aux termes de cette même délibération, puisse permettre de prétendre au bénéfice de l'avoir fiscal attaché (TA Amiens du 5 février 2009, n° 0700155, mentionné aux tables du recueil Lebon).


I - Solidarité fiscale pour le paiement des droits de succession : Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21.080, FS-P+B (N° Lexbase : A1717ETR)

Au nom de la solidarité édictée par l'article 1709 du CGI (N° Lexbase : L4051ICZ), le juge décide que l'héritier condamné pour recel successoral peut être poursuivi pour le règlement de l'ensemble des droits de succession exigibles par les héritiers, y compris ceux dus sur les biens recélés. En revanche, au-delà de cette obligation au paiement, la Cour de cassation précise que, s'agissant de la contribution au paiement, seul l'héritier non receleur est redevable des droits sur les bien recelés.

A - Obligation au paiement : la double peine provisoire de l'héritier receleur

L'hériter indélicat qui a dissimulé certains biens dépendant de la succession, soit pour se les approprier, soit pour les soustraire aux créanciers du défunt est sévèrement sanctionné lorsque sa fraude est découverte. Il est, d'une part, réputé acceptant la succession purement et simplement, de sorte que les créanciers peuvent éventuellement le poursuivre sur ses biens personnels et, d'autre part, privé de ses droits dans les biens recelés. Cette peine, civile, se cumule avec une peine, fiscale, puisque, au nom de la solidarité, l'administration peut lui réclamer les droits dus sur les biens recelés. Dans l'affaire récemment soumise à la Haute juridiction, un héritier et le conjoint survivant avaient dissimulé à l'enfant d'un précédent mariage des fonds détenus par le défunt en Suisse. Ayant eu connaissance du jugement de première instance retenant à leur encontre un recel successoral, l'administration avait notifié un rappel de droits de succession à l'héritier receleur. A la suite de sa condamnation définitive en appel, ce dernier avait donc contesté ce rappel en soutenant qu'il n'était redevable d'aucun droit sur les biens recelés au motif qu'ils avaient été attribués à l'enfant du premier lit. Sur pourvoi, la Cour de cassation précise que, néanmoins, l'administration reste en droit, sur le fondement de la solidarité fiscale prévue à l'article 1709 du CGI, de lui réclamer l'ensemble des droits dus au titre de la succession. En effet, même si l'auteur du recel est privé de tout droit sur les biens recelés, il n'en demeure pas moins héritier. A ce titre, il est donc solidaire pour le paiement de tous les droits de succession dus, y compris ceux sur les biens intégrés à la suite de la découverte du recel. Il est donc ultérieurement contraint de se retourner contre son cohéritier, auquel ont été attribués les biens recélés, pour lui réclamer la quote-part de droits sur ces biens.

B - Contribution au paiement : l'héritier non receleur est redevable final des droits

Dans toutes les situations, que le recel soit reconnu avant ou après le dépôt de la déclaration de succession, seul l'héritier victime et attributaire des biens recelés est redevable définitif des droits sur ces biens qui viennent augmenter sa part successorale. La difficulté à résoudre concerne, d'une part, le point de départ du délai pour déposer la déclaration complémentaire lorsque le recel est avéré postérieurement au dépôt de la déclaration initiale et, d'autre part, l'existence de pénalités.

  • Recel découvert après le dépôt de la déclaration

La première question à résoudre est la suivante : doit-on considérer que les biens recelés ont été omis ou qu'ils rentrent dans la succession du défunt ?

Si la déclaration complémentaire est déposée par la victime du recel, il est incontestable que le point de départ pour la déposer est la date à laquelle l'héritier étranger au recel en a eu connaissance, soit en principe, dans les six mois de la décision définitive condamnant le receleur. Par suite les pénalités de retard ne peuvent commencer à courir que si ce délai est dépassé. En effet, le jugement qui constate le détournement est le titre en vertu duquel la succession ou certains ordres d'héritiers sont devenus propriétaires de valeurs ne dépendant pas en apparence de la succession au moment du décès. C'est le jugement qui fixe la réalité de la transmission, et c'est lui aussi, par conséquent, qui doit servir de base au délai de six mois accordé pour le paiement de l'impôt.

En revanche, si la déclaration complémentaire est déposée par l'héritier receleur, ce dernier reconnaît, ainsi, une omission puisqu'il avait connaissance de la soustraction frauduleuse de biens dépendant de la succession. Dans cette hypothèse les pénalités de retard devraient pouvoir être réclamés au seul receleur. Cependant, on remarquera que dans cette hypothèse, dans l'affaire qui était soumise à la Cour, l'administration avait, avant l'appel, prononcé le dégrèvement des majorations réclamés aux héritiers receleurs.

  • Recel découvert avant le dépôt de la déclaration

Dans l'hypothèse où la découverte du recel est antérieure à la déclaration de succession et que les biens ou valeurs divertis ont été omis, les parties ont alors commis une omission parfaitement caractérisée (en ce sens, Maguero, Traité alphabétique des droits d'enregistrement, de timbre et d'hypothèque, v. Recel, n° 22). Les pénalités de l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L4733ICB) sont, alors, applicables. Le recouvrement de ces pénalités est assuré et suivi, conformément aux dispositions de l'article 1736 du CGI (N° Lexbase : L5775IEM), contre tous les débiteurs tenus du principal des impôts ou déclarés solidaires par le même code pour le paiement des pénalités.

II - Impôt sur le revenu et déductibilité des pensions et prestations compensatoires versées sous forme d'avantage en nature : CAA Paris, 5ème ch., 18 février 2010, n° 08PA04916, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0179ETS)

Le juge considère que la mise à disposition d'un bien au profit de l'ex-épouse, mise à disposition assortie de conditions spécifiques en cas de déménagement ou de remariage, constitue une prestation compensatoire sous forme de rente et non sous forme de capital. Le débiteur est donc en droit de la déduire de son revenu imposable.

Prestation compensatoire : rente ou capital ?

Avant la réforme introduite en 2000, le droit civil accordait une préférence au versement de prestation compensatoire sous forme de capital. Lorsque le patrimoine du débiteur le permettait, cette prestation était versée sous forme de capital (C. civ., art. 274 N° Lexbase : L2840DZ9). A défaut, elle prenait la forme d'une rente (C. civ., art. 276 N° Lexbase : L2843DZC). En revanche, le droit fiscal incitait au versement d'une rente, celle-ci étant déductible du revenu imposable. Ce qui n'était pas accordé au versement en capital. La loi du 30 juin 2000 (loi n° 2000-596 N° Lexbase : L0672AIQ), maintenant la prééminence d'un versement en capital, en a facilité l'attribution en prévoyant, notamment, un versement échelonné sur une période de huit ans, le "capital renté". D'où l'intérêt de la qualification de capital ou de rente. Il convient, alors, de se référer aux modalités selon lesquelles le juge a prescrit au débiteur de s'acquitter de la prestation. Ainsi, des versements mensuels imposés pour une durée de quinze ans sont représentatifs d'une prestation sous forme de rente, même si leur montant fixé en considération de la charge d'emprunt de son bénéficiaire n'a pas fait l'objet d'une indexation (CE Contentieux, 26 janvier 2000, n° 178564 N° Lexbase : A5414AY8). De même, constitue une prestation compensatoire sous forme de rente, d'une part, la prise en charge du paiement des échéances restant dues de prêts contractés par le couple, d'autre part, un versement en argent échelonné sur trois ans (CE 9° et 10 ° s-s-r., 14 mai 2007, n° 264495 N° Lexbase : A3866DW4). En revanche, si la convention de divorce stipule que l'ex-époux doit verser une prestation correspondant à l'attribution viagère d'un droit d'usage et d'habitation sur un immeuble dont il est propriétaire, cet abandon de biens constitue un versement en capital (CE 9° et 10° s-s-r., 14 mai 2007, n° 278499, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3876DWH).

Autrement dit, le critère retenu pour qualifier de rente ou de capital est celui des modalités de versement. Le juge retient le rythme et la durée et non la nature intrinsèque de l'avantage accordé. Ainsi, une prestation versée en quarante mensualités est une rente (CE Contentieux, 9 octobre 1991, n° 67692 N° Lexbase : A9119AQS). Ce qui est conforme à la règle civile qui, lorsque le débiteur ne dispose pas de liquidités suffisantes pour verser un capital lui permet de constituer ce capital en trente six mensualités (Cass. civ. 2, 14 octobre 1987, n° 86-15.182 N° Lexbase : A4625CHR). Dans l'affaire soumise à la cour administrative d'appel de Paris, ce critère a été, une nouvelle fois mis en oeuvre. Ainsi, se référant aux modalités selon lesquelles le débiteur a été dans l'obligation de s'acquitter de la prestation, le juge, constatant qu'il n'avait pas été imposé à l'ex-époux une attribution viagère d'un droit immobilier, mais une jouissance gratuite, susceptible d'être substituée par une somme d'argent, en a déduit que la prestation était versée sous forme de rente, déductible.

III - Distribution de bénéfices entre les mains des porteurs de parts non conforme aux montants fixés par la délibération de l'assemblée générale régulièrement composée : TA Amiens, 5 février 2009, n° 0700155 (N° Lexbase : A8775EIT)

La décision régulière des distributions, ouvrant droit à l'avoir fiscal, est démontrée par la production d'une copie du procès-verbal de la délibération de l'assemblée générale de la société distributrice.

L'avoir fiscal, supprimé depuis le 1er janvier 2005, était exclusivement attaché aux produits distribués à titre de dividendes, en vertu d'une décision régulière prise par l'assemblée générale des actionnaires de la société distributrice, dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1966 (loi n° 66-537 N° Lexbase : L6202AGS), sur les sociétés commerciales, (CGI, art. 158 bis N° Lexbase : L2613HLD). Ces dispositions conduisent, notamment, à refuser l'avoir fiscal, d'une part, aux sommes réintégrées dans les bénéfices de la société, tels que, par exemple, les intérêts alloués aux associés sur les sommes prêtées par eux à la société, et non déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés en vertu des articles 39-1-3° (N° Lexbase : L3894IAH) ou 212 (N° Lexbase : L3967HLI) du CGI, d'autre part, aux recettes commerciales dissimulées, appréhendées directement par des associés ou administrateurs, taxées nonobstant leur reversement ultérieur dans la caisse sociale. Les distributions régulières sont des distributions de dividendes décidées par l'assemblée générale des actionnaires ou des associés, réunie annuellement pour statuer sur les comptes de l'exercice écoulé ou des distributions d'acomptes sur dividendes effectuées avant l'approbation des comptes de l'exercice. L'organe normalement habilité pour prendre la décision de distribution est l'assemblée générale ordinaire des associés (C. com., art. L. 232-11 N° Lexbase : L6291AIT et L. 232 -12 N° Lexbase : L6292AIU). Au cas particulier de l'affaire soumise au tribunal administratif d'Amiens, le refus d'accorder l'avoir fiscal à la distribution décidée par la société a été jugé injustifiée au motif que l'associé produisait une copie du procès-verbal de la délibération de l'assemblée générale de la société dont une des résolutions prévoyait effectivement une distribution de dividendes.

newsid:389402