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N0487BIU
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Ainsi donc, le Journal officiel publiait le 5 décembre 2008, la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, en faveur des revenus du travail, dont le projet avait été déposé le 23 juillet 2008, et l'adoption déclarée d'urgence le 27 août 2008. Après la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat et la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, le nouveau texte propose, "avec une modestie apparente qui ne doit pas masquer sa réelle ambition [sic], quelques mesures ciblées : celles-ci doivent non seulement permettre une juste récompense du travail, mais sont aussi à même de favoriser une distribution plus équitable de la valeur ajoutée entre travail et capital". Nobles ambitions, si seulement elles n'étaient pas confrontées au régime de l'imprévisible ou presque -la crise des subprimes datant de l'été 2007- : la crise.
Par conséquent, que l'article 2 de la loi institue, à un nouvel article 244 quater T du CGI, un crédit d'impôt au titre des primes d'intéressement en faveur des entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées d'impôt sur les bénéfices en application de divers articles du CGI, et ayant conclu un accord d'intéressement, on ne peut que s'en féliciter. Toute mesure visant à favoriser la distribution aux salariés d'une part des résultats de l'entreprise auxquels ils ont concourus, et à développer ce complément de rémunération en faveur des salariés des PME, pour une plus grande égalité salariale entre les grandes entreprises et les PME, ne peut, par principe, qu'être approuvée. Toutefois, qu'il soit permis de douter de l'effet d'une telle incitation fiscale ; car, pour qu'une dépense fiscale puisse trouver écho en matière économique et que l'ordre public économique batte son plein, encore faut-il que l'activité économique génère des résultats positifs, ce qu'une récession annoncée ne laisse guère présager, sauf exception sporadique. Au passage, on notera que, si 92 % des salariés des entreprises de 500 salariés ou plus sont couverts par au moins un dispositif d'épargne salariale, ils ne sont que 12,9 % dans les entreprises de moins de vingt salariés... ces taux n'ayant quasiment pas évolués depuis 2003, c'est-à-dire en pleine période de croissance mondiale ! Seuls les montants distribués ont fortement crûs : 13 % pour l'intéressement et 2,2 % pour la participation. A qui profite, donc, l'ensemble des mesures législatives en faveur de l'épargne salariale adoptée depuis les dix dernières années ?
Par ailleurs, la loi nouvelle, sur laquelle reviennent cette semaine, Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Catherine Millet-Ursin, Avocat associée du cabinet Fromont, Briens & Associés, comprend trois volets en matière sociale : le premier modifie les mécanismes d'intéressement, de participation et d'épargne salariale, le deuxième modernise la procédure de fixation du Smic et le troisième prévoit la conditionnalité des allègements de cotisations sociales. En ce qui concerne le déblocage de la participation, il en va des mêmes réserves que pour les mesures d'incitation fiscale. Ensuite, l'évolution du Smic sera, donc, "davantage en phase avec les conditions économiques et le rythme des négociations salariales et en assurant une juste rétribution du travail" ; la voie d'action préconisée devant être... la création d'une commission d'experts indépendante à caractère consultatif. Enfin, la mise sous condition des allègements généraux de cotisations patronales à l'existence d'une négociation annuelle obligatoire constitue la principale mesure du texte. La forte progression des sommes consacrées à la politique de baisse du coût de l'emploi peu qualifié traduit non seulement l'augmentation du taux d'allégement et l'élargissement du seuil de référence et, partant, l'extension du nombre des salariés concernés (plus de 10 millions aujourd'hui) : la pression sociale doublée d'une pression législative devrait, en principe, faire son oeuvre. Reste que la coercition recèle d'importantes limites : l'entreprise ne s'acquittant pas de son obligation de négociation annuelle verra ses allègements de charge réduits de 10 % du montant des allègements de cotisations patronales perçus au titre des rémunérations versées. Les charges patronales avoisinant les 40 % du salaire brut, une réduction de 10 % des exonérations pour non-respect de l'obligation de négociation salariale entraînerait un surcoût du travail de l'ordre de 4 %. Aussi, sauf à se satisfaire d'une augmentation salariale générale de moins de 4 % pour relancer le pouvoir d'achat, on ne voit pas bien de quelle manière cette mesure contraindrait, véritablement, les entreprises à la négociation. Enfin, une suppression totale des réductions de charges ne pousserait-elle pas à la délocalisation, dans un contexte économique où le coût du travail salarial est notoirement le plus coûteux d'Europe ?
Avec un projet de loi déposé le 23 juillet 2008 et une crise financière, puis économique, révélée en septembre 2008, l'adoption de la loi n° 2008-1258 nous fait penser au Président américain Herbert Hoover qui déclarait en septembre 1929, quelques jours avant le jeudi noir d'octobre : "la prospérité est au coin de la rue".
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