La lettre juridique n°331 du 18 décembre 2008 : Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - décembre 2008

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N0575BI7

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédures fiscales, réalisée par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris. Souvent évoquée dans les recours hiérarchiques, voire dans les contentieux, l'absence d'impartialité du vérificateur est rarement démontrée. Une décision du 1er décembre 2008 du Conseil d'Etat mérite donc d'être signalée, le contribuable vérifié ayant pu établir l'absence d'impartialité du vérificateur, à raison d'un conflit de voisinage (CE 9° et 10° s-s-r., 1er décembre 2008, n° 292166, Minefi c/ SCI Strasbourg, Publié au Recueil Lebon). On remarquera, également, la confirmation de l'absence de possibilité de régularisation des vices de forme qui affectent la réclamation dans la requête d'appel (CE 9° et 10° s-s-r., 1er décembre 2008, n° 305561, Société Transport Location Beton, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon). Enfin, on relèvera la "souplesse" dont a fait preuve le Conseil d'Etat pour l'application des dispositions relatives à la "mention expresse" (CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2008, n° 307229, Ministre du Budget c/ Société Foster Wheeler France, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon).
  • Contrôle fiscal : la garantie d'impartialité du vérificateur n'est pas respectée lorsque celui-ci contrôle la comptabilité d'une personne avec laquelle il est en conflit de voisinage (CE 9° et 10° s-s-r., 1er décembre 2008, n° 292166, Minefi c/ SCI Strasbourg, Publié au Recueil Lebon N° Lexbase : A5378EBS)

La garantie d'impartialité dans la procédure de vérification n'est pas gravée dans le marbre. C'est une construction prétorienne qui procède de l'interprétation de la notion d'impartialité faite par la CEDH pour l'application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) qui stipule que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial. Cette exigence d'impartialité apparaît aux différents stades de la procédure. Ainsi, son absence peut être invoquée, tant lors du débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur que dans la composition de la commission départementale. L'apport de la décision récente est que cette impartialité est également requise lors du déroulement des opérations de contrôle, avant l'envoi de la proposition de rectification.

1. Le débat avec le supérieur hiérarchique ou l'interlocuteur départemental

La charte du contribuable vérifié donne compétence à l'inspecteur principal ou départemental ainsi qu'à l'interlocuteur départemental désigné par le Directeur des services fiscaux pour répondre aux difficultés soulevées par les contribuables sur la conduite de la vérification ou sur le bien-fondé des impositions. Ce double recours assure au contribuable la garantie de pouvoir, avant la mise en recouvrement, s'adresser à un fonctionnaire pour obtenir un nouvel examen de ses divergences avec le vérificateur. C'est à raison de l'intervention de ces agents à d'autres stades de la procédure que le juge a été saisi de contestations relatives à l'impartialité des agents désignés à ces fonctions. Ainsi, le fait que le supérieur hiérarchique du vérificateur ait signé ou visé des documents notifiés au cours de la procédure de redressements ne prive pas le contribuable vérifié de la garantie d'obtenir un nouvel examen impartial de son dossier (CE 9° et 10° s-s-r., 8 juin 2005, n° 255918, SA Vetter N° Lexbase : A6355DI9). De même, un contribuable n'a pas été privé d'un recours effectif auprès de l'interlocuteur départemental quand bien même ce dernier aurait ordonné préalablement la vérification (Cass. com., 23 avril 2003, n° 00-19.539, FS-P N° Lexbase : A4989BMQ). En effet, il résultait de la lettre incitant le service à effectuer le contrôle qu'une telle opération pouvait permettre d'apporter des éclaircissements dans l'intérêt du contribuable. Ainsi, au moment de sa désignation comme interlocuteur, cet agent n'avait pas d'opinion arrêtée sur l'issue du contrôle. De même, le fait pour l'interlocuteur départemental d'avoir rédigé le rapport que le service adresse à la commission ne lui fait par perdre sa neutralité lorsqu'il examine ensuite l'affaire en qualité d'interlocuteur (CAA Paris, 7ème ch., 12 décembre 2007, n° 06PA01237, Société anonyme MJM N° Lexbase : A9299D3S). En revanche, l'agent des impôts, membre de la commission départementale des impôts directs qui a examiné sur le fond le litige, ne peut ensuite l'examiner à nouveau en qualité d'interlocuteur, son impartialité n'étant plus assurée (CAA Lyon, 2ème ch., 10 novembre 2004, n° 98LY00510, SA Cotton Club 21 N° Lexbase : A2121DGN). Autrement dit, s'il n'est pas exigé une parfaite neutralité, un certain recul par rapport au dossier de vérification est requis par le juge.

2. Impartialité lors du déroulement de la vérification

L'animosité personnelle de l'agent chargé des opérations de contrôle est fréquemment alléguée, mais rarement démontrée dans les faits. Dans l'affaire examinée récemment par les juges du Palais Royal, la gérante de la société vérifiée faisait valoir que l'agent des impôts et son conjoint, qui résidaient à proximité immédiate de son domicile entretenaient avec elle des relations difficiles qui l'autorisaient à douter de l'impartialité et du caractère équitable du contrôle dont son entreprise avait fait l'objet. Au cas particulier, un conflit de voisinage opposait certains colotis de la résidence, dont la vérificatrice et son mari, aux deux époux dont l'un était le gérant de la société vérifiée. Le mari de la vérificatrice avait même signé avec d'autres résidents une pétition remise au maire de la commune. Statuant sur pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat a jugé que la cour d'appel n'avait pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits, en décidant qu'en raison du caractère conflictuel de cette situation, la vérification ne pouvait être regardée comme ayant présenté toutes les garanties d'impartialité requises, alors même que la vérificatrice n'avait pas personnellement signé la pétition. En effet, l'instruction démontrait que ce conflit de voisinage, qui avait pris naissance avant le contrôle, était particulièrement vif.

  • Contentieux : les vices de forme qui affectent la réclamation ne peuvent être régularisés que devant le tribunal administratif (CE 9° et 10° s-s-r., 1er décembre 2008, n° 305561, Société Transport Location Beton, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A5388EB8)

Un vice de forme, tel que l'absence de production de la copie des rôles supplémentaires qui doit accompagner la réclamation, ne peut être régularisé au plus tard que devant le tribunal administratif. Le Conseil d'Etat vient de confirmer qu'un tel vice de forme ne peut être couvert dans la requête d'appel.

1. Vices de forme de la réclamation susceptibles d'être régularisés

Certains vices affectant la réclamation ne peuvent être régularisés que dans le délai de réclamation, alors que d'autres peuvent être couverts dans la demande au tribunal ou même en cours d'instance, lorsque l'administration n'a pas demandé la régularisation au stade de l'instruction de la réclamation.

a) Régularisation avant l'expiration du délai de réclamation

Les vices de forme "définitifs", comme, par exemple, les réclamations collectives ne peuvent être régularisés que durant le délai de réclamation par la production d'une nouvelle réclamation régulière.

b) Régularisation après le délai de réclamation

Les vices de forme tels que l'absence de mention expresse de l'imposition contestée, l'absence d'exposé sommaire des moyens et des conclusions ou encore le défaut de production de l'avis d'imposition, peuvent être couverts dans la demande au tribunal administratif. De même, le défaut de signature, lorsque l'administration a omis de demander la régularisation, comme les textes le lui imposent, peut être régularisé par la demande au tribunal. Ainsi, en l'absence de signature de la réclamation ou de signature irrégulière, comme une signature illisible, la demande devant le tribunal administratif, présentée par un avocat, couvre le vice dont était affectée la réclamation. Il en est de même d'une réclamation adressée par télécopie qui n'est pas, stricto sensu, revêtue de la signature manuscrite de son auteur.

2. Absence de régularisation dans la requête d'appel

Les vices de forme affectant la réclamation, comme, par exemple, le défaut d'exposé des faits, moyens et conclusions, et non régularisés lors de la demande au tribunal administratif ne peuvent être couverts par la requête d'appel. Tel est le cas, également, comme il vient d'être jugé, du défaut de production des rôles contestés. Au cas particulier, une société avait fait l'objet d'un rappel de taxe professionnelle. Elle avait omis de joindre la copie des rôles supplémentaires dans sa réclamation et ne les avait pas produits à la suite de la demande qui lui avait été adressée ultérieurement par le service. Ce vice de forme constituait l'un des motifs de rejet de sa réclamation. La société avait, également, négligé de joindre ces documents dans la requête auprès du tribunal administratif. Ce n'est que devant la cour administrative d'appel que les rôles supplémentaires avaient été produits. Le Conseil d'Etat vient de confirmer que ce vice de procédure ne pouvait être couvert au plus tard que devant le tribunal administratif.

  • Pénalités : quand une certaine "mauvaise foi" avouée permet d'écarter les intérêts de retard (CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2008, n° 307229, Ministre du Budget c/ Société Foster Wheeler France, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A3172EB4)

L'intérêt de retard n'est pas dû, en cas de redressement, lorsque le contribuable a fait connaître, par une mention expresse portée sur la déclaration ou l'acte les motifs de droit ou de fait à raison desquels il ne mentionne pas un élément d'imposition (CGI, art. 1727 II, 2° N° Lexbase : L3243HZ7).

1. Champ d'application et définition de la mention expresse

La dispense d'intérêt est susceptible de s'appliquer à toutes les déclarations ou actes comportant des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, quelle que soit l'imposition en cause. Cette dispense est subordonnée à la double condition qu'une indication expresse soit portée sur la déclaration ou l'acte et qu'elle mentionne les motifs de droit ou de fait qui justifie la position du contribuable. Ainsi, les intérêts ne sont pas dus à raison de la réintégration d'une provision, lorsque l'entreprise a joint à sa déclaration de résultats et au relevé des provisions un extrait des comptes annuels soulignant la constitution de la provision litigieuse et précisant la nature et les raisons de celle-ci (CE Contentieux, 1er octobre 2001, n° 209035, Minefi c/ Société Nervol N° Lexbase : A4403AWY). Cette dispense ne s'applique que si la mention est jointe à la déclaration redressée permettant au vérificateur de la rectifier, sans avoir à se reporter aux notes annexées à une déclaration antérieure (CE, 2 novembre 1987, n° 50662).

2. Mention expresse et bonne foi

Les dispositions relatives à la mention expresse ne sauraient être invoquées dans les cas, par exemple, d'une demande d'application d'un régime manifestement contraire aux textes ou pour laquelle le contribuable aurait déjà reçu une réponse de l'administration (BOI 13 N-1-07 du 19 février 2007 N° Lexbase : X8206ADB). En revanche, la dispense est applicable dans le cas où la demande de renseignements préalable au dépôt de la déclaration étant restée sans réponse au moment du dépôt de la déclaration, le contribuable joint une copie de cette demande (QE n° 27063 de J.-L. Masson, réponse publiée au JOAN du 18 juin 1990, p. 2891 N° Lexbase : L2582ICM). Autrement dit, le principe -si un principe devait être dégagé- est la bonne foi du contribuable. Cependant, un tel principe semble avoir été battu en brèche. En effet, le Conseil d'Etat, statuant en cassation, vient de confirmer que la cour administrative d'appel n'avait pas commis d'erreur de droit en précisant que l'absence de position antérieure de l'administration sur le point litigieux ne fait pas partie des conditions d'application de la mention expresse, conditions clairement et limitativement posées par la loi. Au cas particulier, une société avait choisi de se libérer de son obligation de participation des employeurs à l'effort de construction sous forme de prêts à vingt ans et sans intérêts à des organismes habilités, et elle avait constitué des provisions sur plusieurs exercices pour tenir compte de la baisse de valeur nominale de ces prêts. Elle justifiait cette dépréciation à raison de la durée des prêts et de l'absence d'intérêts. Lorsqu'elle avait déposé une nouvelle déclaration, contenant une nouvelle mention expresse pour la même provision, l'administration avait déjà réintégré les provisions de même nature constituées au titre des exercices antérieurs. En jugeant que, dans de telles circonstances la société pouvait se prévaloir de la dispense, la cour administrative d'appel avait fait une exacte application du texte légal, puisque l'absence de position antérieure de l'administration sur le point litigieux ne fait pas partie des conditions d'application de la mention.

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