La lettre juridique n°320 du 2 octobre 2008 : Droit social européen

[Jurisprudence] Directive 2000/78/CE et prohibition de la discrimination "par association"

Réf. : CJCE, 17 juillet 2008, aff. C-303/06, S. Coleman c/ Attridge Law (N° Lexbase : A7107D94)

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N3745BH8

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

le 07 Octobre 2010

Un employeur échappe-t-il à la sanction pour discrimination fondée sur le handicap à l'égard d'un salarié, au motif que le salarié lui-même n'est pas handicapé ? Voilà une question intéressante et inédite posée à la CJCE, dans un arrêt du 17 juillet 2008, au titre d'une question préjudicielle, dont on anticipe aisément la réponse donnée : une discrimination dite "par association" (en l'espèce, ce n'est pas la salariée qui est elle-même handicapée, mais son enfant) est contraire à la Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), qui doit être interprétée de manière extensive. En l'espèce, une salariée a travaillé pour son ancien employeur depuis 2001 en qualité de secrétaire juridique. Au cours de l'année 2002, elle a donné naissance à un fils qui souffre de crises d'apnée, ainsi que de laryngomalacie et de bronchomalacie congénitales. L'état de son fils exige des soins spécialisés et particuliers. La mère lui dispense l'essentiel des soins dont celui-ci a besoin. En août 2005, elle a saisi l'Employment Tribunal d'un recours dans lequel elle soutient qu'elle a été victime d'un licenciement implicite et d'un traitement moins favorable que celui réservé aux autres employés, en tant que mère d'un enfant handicapé (1). Elle prétend que ce traitement l'a contrainte à cesser de travailler pour son ancien employeur.

La question préliminaire soulevée devant la juridiction britannique est celle de savoir si la requérante peut se fonder sur les dispositions du droit national, notamment, celles visant à transposer la Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000, pour invoquer, à l'encontre de son ancien employeur, la discrimination dont elle estime avoir fait l'objet, en ce sens qu'elle aurait été victime d'un traitement défavorable lié au handicap dont souffre son fils. Estimant que le litige dont il est saisi soulève des questions d'interprétation du droit communautaire, l'Employment Tribunal a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE plusieurs questions préjudicielles. La Directive 2000/78 protège-t-elle de la discrimination directe et du harcèlement uniquement les personnes qui sont elles-mêmes handicapées ? A défaut, protège-t-elle des employés qui, bien que n'étant pas eux-mêmes handicapés, sont moins favorablement traités ou font l'objet de harcèlement en raison de leur relation avec une personne handicapée ? Lorsqu'un employeur traite un employé moins favorablement qu'il ne traite ou traiterait d'autres employés et qu'il est prouvé que la raison du traitement de l'employé est que celui-ci a un fils handicapé dont il prend soin, ce traitement constitue-t-il une discrimination directe contraire au principe de l'égalité de traitement consacré par la Directive 2000/78 ? La CJCE retient une solution très tranchée d'interdiction de toute discrimination qualifiée d'illicite, qu'elle soit "directe", "indirecte" ou "par association".

Résumé

La Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que l'interdiction de discrimination directe qu'ils prévoient n'est pas limitée aux seules personnes qui sont, elles-mêmes, handicapées. Lorsqu'un employeur traite un employé n'ayant pas lui même un handicap de manière moins favorable qu'un autre employé ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, et qu'il est prouvé que le traitement défavorable dont cet employé est victime est fondé sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l'essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel traitement est contraire à l'interdiction de discrimination directe.

Commentaire

I - La CJCE prohibe toute discrimination "par association"

La discrimination "par association", consacrée par l'arrêt rapporté, est expressément déclarée illicite par la CJCE, à partir d'une lecture extensive des textes et de la jurisprudence communautaires.

A - Une interprétation extensive de la Directive 2000/78/CE

La CJCE rappelle que l'article 1er de la Directive 2000/78 identifie l'objet de celle-ci comme étant d'établir, en ce qui concerne l'emploi et le travail, un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. L'article 2 § 1 de la Directive définit le principe de l'égalité de traitement comme étant l'absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'un des motifs visés audit article 1er, y compris, donc, le handicap. Conformément au § 2-a de l'article 2, une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base, notamment, du handicap.

Pour la CJCE (considérant 38), il ne ressort pas de ces dispositions de la Directive 2000/78 que le principe de l'égalité de traitement qu'elle vise à garantir soit limité aux personnes ayant, elles-mêmes, un handicap au sens de cette Directive. Au contraire, celle-ci a pour objet, en ce qui concerne l'emploi et le travail, de lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur le handicap. En effet, le principe de l'égalité de traitement consacré par la Directive 2000/78 dans ce domaine s'applique, non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs visés à l'article 1er de celle-ci. Cette interprétation est corroborée par le libellé de l'article 13 CE , disposition constituant la base juridique de la Directive 2000/78, qui confère une compétence à la Communauté pour prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée, notamment, sur le handicap.

Il a été soutenu, avec une certaine pertinence, que l'interdiction de discrimination directe prévue par la Directive 2000/78 ne peut pas être interprétée comme visant une situation telle que celle de la requérante au principal, dès lors que cette dernière n'est pas elle-même handicapée. Seules pourraient se prévaloir des dispositions de cette Directive des personnes qui, dans une situation comparable à celle d'autres personnes, sont traitées de manière moins favorable ou sont placées dans une situation désavantageuse en raison de caractéristiques qui leur sont propres.

La CJCE a écarté, par l'arrêt rapporté, cette argumentation (considérant 43). Le fait que la Directive 2000/78 comporte des dispositions visant à tenir compte spécifiquement des besoins des personnes handicapées ne permet pas de conclure que le principe de l'égalité de traitement qu'elle consacre doit être interprété de manière restrictive, c'est-à-dire comme interdisant uniquement les discriminations directes fondées sur le handicap et visant exclusivement les personnes handicapées elles-mêmes. Par ailleurs, le sixième considérant de cette Directive, en visant la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, se réfère tant à la lutte générale contre les discriminations sous toutes leurs formes, qu'à la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l'intégration sociale et économique des personnes handicapées.

B - Une interprétation extensive de la jurisprudence de la CJCE

Les gouvernements anglais, italien et néerlandais proposaient de retenir une interprétation restrictive de la portée ratione personae de la Directive 2000/78 en application de la jurisprudence communautaire (2). La CJCE aurait retenu, par cet arrêt "Chacon Navas", une interprétation restrictive de la notion de handicap et de sa pertinence dans la relation de travail. La CJCE a considéré que l'interdiction, en matière de licenciement, de la discrimination fondée sur le handicap (art. 2 § 1 et 3, § 1, sous c de la Directive 2000/78) s'oppose à un licenciement fondé sur un handicap qui, compte tenu de l'obligation de prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées, n'est pas justifié par le fait que la personne concernée n'est pas compétente, ni capable, ni disponible pour remplir les fonctions essentielles de son poste.

Mais selon la CJCE (arrêt rapporté), il n'en découle pas, pour autant, d'une telle interprétation que le principe de l'égalité de traitement et l'interdiction de discrimination directe ne peuvent pas s'appliquer à une situation telle que celle de la salariée en cause dans cette affaire, lorsque le traitement défavorable que prétend avoir subi un employé est fondé sur le handicap dont est atteint son enfant, auquel il prodigue l'essentiel des soins que nécessite son état. En effet, si, au point 56 de l'arrêt "Chacon Navas", la CJCE a précisé que le champ d'application de la Directive 2000/78 ne saurait être étendu au-delà des discriminations fondées sur les motifs énumérés de manière exhaustive à l'article 1er de celle-ci, de sorte qu'une personne qui a été licenciée par son employeur exclusivement pour cause de maladie ne relève pas du cadre général établi par la Directive 2000/78, elle n'a, toutefois, pas jugé que le principe de l'égalité de traitement et la portée ratione personae de cette Directive doivent, s'agissant de ces motifs, être interprétés de manière restrictive.

Il est vrai que l'effet utile de la Directive 2000/78 serait compromis si un employé, se trouvant dans une situation telle que celle de la salariée en cause dans cette affaire ne peut pas se fonder sur l'interdiction de discrimination directe lorsqu'il a été prouvé qu'il a été traité de manière moins favorable qu'un autre employé ne l'est (ne l'a été ou ne le serait) dans une situation comparable, en raison du handicap de son enfant et ce alors même que cet employé n'est pas lui-même handicapé. Or, si dans cette situation, le salarié qui a fait l'objet d'une discrimination directe fondée sur le handicap n'est pas lui-même handicapé, c'est bien le handicap qui constitue le motif du traitement moins favorable dont il allègue avoir été la victime. La Directive 2000/78 vise, dans le domaine de l'emploi et du travail, à lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur le handicap et s'applique non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs visés à son article 1er.

Finalement, selon la CJCE, dès lors qu'il est établi qu'un employé est victime d'une discrimination directe fondée sur le handicap, une interprétation de la Directive 2000/78 limitant l'application de celle-ci aux seules personnes qui sont elles-mêmes handicapées serait susceptible de priver cette Directive d'une partie importante de son effet utile et de réduire la protection qu'elle est censée garantir.

II - Les enjeux et la portée d'une interdiction de toute discrimination, y compris "par association"

A - Fondement : une réglementation communautaire précise et volontariste

La Directive 2000/78 a été adoptée sur le fondement de l'article 13 CE (3), introduit par le Traité d'Amsterdam, qui dispose que le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

L'interdiction de toute discrimination repose sur un corpus imposant de textes communautaires. La Directive 2000/78 a été adoptée sur le fondement de cet article 13 CE. Le sixième considérant de cette Directive précise que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaît l'importance de la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, y compris la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l'intégration sociale et économique des personnes âgées et des personnes handicapées. La Directive 2000/78 a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les Etats membres, le principe de l'égalité de traitement (art. 1). Elle définit le principe de l'égalité de traitement comme l'absence de toute discrimination directe ou indirecte (art. 2, § 1 à 3).

L'égalité n'est pas, seulement, un idéal et une aspiration d'ordre politique, elle fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire (4). Ainsi que la CJCE l'a indiqué dans son arrêt "Mangold", la Directive fixe certaines modalités pratiques de l'application du principe d'égalité (5).

B - Enjeux

Le 11ème considérant de la Directive 200/78 explicite bien l'objectif poursuivi : la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes (6).

Les conclusions de l'avocat général P. Maduro (7) sont, à cet égard, très éclairantes. L'article 13 CE exprime l'attachement de l'ordre juridique communautaire aux principes de l'égalité de traitement et de la non-discrimination : en cause, les valeurs qui sous-tendent cette égalité, c'est-à-dire, la dignité humaine et l'autonomie personnelle. La dignité humaine suppose la reconnaissance de la valeur égale de tous les individus. La vie d'une personne est précieuse par le seul fait que celle-ci est un être humain. Aucune existence n'a plus, ou moins, de valeur qu'une autre. L'autonomie personnelle exige que les individus puissent définir le cours de leur propre existence et mener celle-ci en effectuant des choix successifs entre plusieurs options valables. Exercer une autonomie suppose que les personnes se voient donner une série d'options valables parmi lesquelles elles peuvent choisir.

L'accès à l'emploi et l'épanouissement professionnel sont d'une importance cruciale pour tout individu, non seulement parce qu'ils sont un moyen pour celui-ci de gagner sa vie, mais aussi parce qu'ils constituent un moyen important de s'accomplir soi-même et de réaliser son potentiel. Quiconque traite de façon discriminatoire une personne appartenant à une catégorie définie selon les critères de l'âge, de l'appartenance à un sexe, des convictions religieuses prive injustement celle-ci d'options valables. La capacité de cette personne de mener une vie autonome se trouve gravement compromise, puisqu'un aspect important de son existence est déterminé non par ses propres choix, mais par les préjugés d'un autre. En traitant les personnes appartenant à une telle catégorie moins favorablement à cause de leurs caractéristiques, on les empêche d'exercer leur autonomie.

C - Portée

La Directive remplit une mission d'exclusion : elle exclut la religion, l'âge, le handicap et l'orientation sexuelle des motifs que l'employeur peut légitimement invoquer pour justifier le traitement moins favorable d'un employé par rapport à d'autres. Les employeurs n'ont plus, depuis l'entrée en vigueur de la Directive 2000/78, la possibilité de s'appuyer sur de telles considérations au moment de décider de traiter un employé moins favorablement.

  • Discrimination "par association"

Le fait de viser directement une personne qui présente une caractéristique particulière n'est pas la seule façon de lui faire subir une discrimination. Il existe d'autres méthodes, plus subtiles et moins flagrantes. Une manière de léser la dignité et l'autonomie de personnes appartenant à une certaine catégorie consiste à viser non pas ces personnes mêmes, mais des tiers (membres de sa famille, conjoint, concubin) qui leur sont étroitement liés et qui ne font pas partie de cette même catégorie.

Ces formes plus subtiles de discrimination doivent tomber, également, sous le coup d'une réglementation contre la discrimination, dans la mesure où elles affectent les salariés visés par ces pratiques. En effet, la dignité d'une personne présentant une "caractéristique suspecte" (définie selon l'âge, l'appartenance à un sexe, l'orientation sexuelle...) souffre, tout autant, du fait d'une discrimination directe que de celui de voir autrui victime d'une discrimination pour le seul motif du lien qui les unit. Dans ce second cas, non seulement la victime immédiate de la discrimination subit personnellement un tort, mais elle devient, également, le biais par lequel la dignité de la personne visée par une "classification suspecte" est lésée.

La Directive 2000/78 interdit à tout employeur de s'appuyer sur la religion, l'âge, le handicap ou l'orientation sexuelle pour traiter certains employés moins favorablement que d'autres. La situation n'est pas différente lorsque l'employé qui est l'objet de la discrimination n'est pas lui-même handicapé. Le motif de la discrimination dont il est la victime reste le handicap. La Directive prohibe l'hostilité de l'employeur vis à-vis des personnes âgées, handicapées ou homosexuelles, ou à l'égard des pratiquants d'une certaine religion, qui l'amène, au final, à traiter certains employés moins favorablement. Si une personne fait l'objet d'une discrimination en raison de l'une quelconque des caractéristiques énumérées à l'article 1er de la Directive 2000/78, elle peut invoquer la protection de la Directive, même si elle ne présente pas, elle-même, l'une d'elles.

Pour qu'une personne soit victime d'une discrimination, il n'est pas nécessaire qu'elle soit maltraitée en raison de son handicap. Il suffit qu'elle l'ait été en raison d'un handicap. On peut être considéré comme victime d'une discrimination illégale pour cause de handicap sans être soi-même handicapé. La Directive a vocation à s'appliquer non seulement lorsque le plaignant est lui-même handicapé, mais, encore, dans tous les cas de traitements moins favorables provoqués par un handicap.

  • Discrimination directe

Une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés. Le cas de la salariée en cause dans cette affaire est un cas de discrimination directe. Celle-ci ne se plaint pas des incidences qu'une mesure, a priori, neutre aurait eues pour elle, en tant que mère d'un enfant handicapé qui reçoit principalement des soins de celle-ci. Elle reproche, en revanche, à son employeur de s'en être pris particulièrement à elle et de l'avoir prise pour cible à cause précisément de son enfant handicapé.

  • Discrimination indirecte

Une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que dans le cas des personnes d'un handicap donné, l'employeur ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l'article 5 de la Directive 20008/78 afin d'éliminer les désavantages qu'entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.

Ainsi, dans la discrimination indirecte, l'intention de l'employeur et les motifs qui l'animent dans sa décision d'agir ou de ne pas agir sont sans pertinence. Même des mesures neutres, innocentes ou prises de bonne foi, ainsi que des actions décidées sans la moindre intention discriminatoire, tombent sous le coup de l'interdiction si elles affectent plus que d'autres des personnes présentant une caractéristique particulière.

L'interdiction de cette discrimination se rattache étroitement à l'obligation pour les employeurs d'aider ces groupes de personnes en prenant des mesures afin de ne pas leur imposer une charge excessive par rapport à celle que supportent d'autres personnes, ou en adaptant leurs stratégies en ce sens. Alors que l'interdiction de la discrimination directe et du harcèlement fonctionne comme un mécanisme d'exclusion (la possibilité étant exclue pour l'employeur de se laisser guider par certains motifs), l'interdiction de la discrimination indirecte fonctionne, comme un mécanisme d'inclusion, en ce qu'elle oblige les employeurs à prendre en considération et à satisfaire les besoins d'individus présentant certaines caractéristiques.

Finalement, parce que le législateur communautaire a estimé que la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité, notamment en ce qui concerne l'emploi, la CJCE a élargi le champ de la protection contre toute discrimination, visant le comportement de l'employeur portant atteinte à l'égalité entre ses salariés, au titre d'une discrimination 'directe', 'indirecte' et désormais, "par association". Il ne peut infliger un traitement moins favorable à l'une de ses salariés, en raison du handicap dont souffre son enfant.

Cette jurisprudence élargit donc le champ de la protection contre toute discrimination, dans la mesure où un salarié peut souffrir d'un traitement désavantageux, fondé sur appartenance à un sexe (8), la religion ou les convictions religieuses, un handicap, l'âge (9) ou l'orientation sexuelle (10). Il n'est pas nécessaire que ces critères discriminatoires fondés sur la personne (convictions religieuses, âge, orientation sexuelle, handicap...) s'appliquent au salarié. La CJCE estime que ces critères fondant une discrimination illicite peuvent s'appliquer à d'autres personnes que le salarié lui-même, une personne de sa famille notamment : son enfant (situation rencontrée en l'espèce), mais son conjoint aussi (religion du conjoint, orientation sexuelle du partenaire, situation matrimoniale, divorce ou concubinage...).


(1) Comme exemples d'actes discriminatoires qu'elle dit avoir subis, elle mentionne le refus de ses employeurs de lui permettre de reprendre son ancien travail lorsqu'elle est revenue de son congé de maternité ; le fait qu'ils l'ont traitée de "paresseuse" lorsqu'elle a demandé du temps libre pour prendre soin de son fils et ont refusé de lui accorder des conditions de travail aussi flexibles que celles de ses collègues dont les enfants n'étaient pas handicapés ; qu'ils ont prétendu qu'elle se servait de son enfant pour manipuler ses conditions de travail ; qu'ils l'ont soumise à une mesure disciplinaire et qu'ils n'ont pas dûment pris en considération la réclamation officielle que la partie requérante avait introduite contre le mauvais traitement qu'elle subissait.
(2) CJCE, 11 juillet 2006, aff. C-13/05, Sonia Chacón Navas c/ Eurest Colectividades SA (N° Lexbase : A4750DQY), Recueil, 2006, p.I-06467 ; F. Kessler, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2006, p.757-759 ; L. Idot, Discrimination pour cause de handicap et de maladie, Europe, octobre 2006, n° 275 p. 17.
(3) N. Iiiopoulou, Libre circulation et non-discrimination, Eléments du statut de citoyen de l'Union européenne, Collection droit de l'Union européenne, Thèses n° 9, Bruylant, 2008 ; E. Dubout, L'article 13 du Traité CE, La clause communautaire de lutte contre les discriminations, Collection droit de l'Union européenne, Thèses n° 2, Bruylant, 2006.
(4) CJCE, 12 mars 2002, aff. C-27/00, The Queen c/ Secretary of State for the Environment, Transport and the Regions (N° Lexbase : A2042AYB), Rec. p. I 2569, et jurisprudence citée.
(5) CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm (N° Lexbase : A6265DLM), Rec. p. I 9981, point 74 et nos obs., Le CDD senior en droit allemand censuré par la CJCE, Lexbase Hebdo n° 197 du 11 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2944AKA).
(6) A. Barre, La discrimination dans le droit international du travail, thèse Lyon III, Droit public, 1985, Dir. J. Pélissier ; J.-M. Lattes, Le principe de non-discrimination en droit du travail, thèse Toulouse I, Droit privé 1989, Dir. M. Despax ; F. Edel, Le principe d'égalité dans la Convention européenne des droits de l'Homme : contribution à une théorie générale du principe d'égalité, thèse Université Robert Schuman (Strasbourg), 2003, dir. J.-F. Flauss.
(7) Présentées le 31 janvier 2008.
(8) Voir nos obs., Une discrimination positive au profit des femmes est contraire au droit communautaire, Lexbase Hebdo n° 298 du 27 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4832BEP).
(9) Voir nos obs., La mise à la retraite d'office n'est pas nécessairement discriminatoire au nom des politiques de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3667BD8).
(10) Voir nos obs., Du droit du partenaire homosexuel à une pension de réversion, Lexbase Hebdo n° 302 du 23 avril 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N7962BEM).

Décision

CJCE, 17 juillet 2008, aff. C-303/06, S. Coleman c/ Attridge Law (N° Lexbase : A7107D94)

Textes visés : Directive 2000/78, du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4)

Mots-clefs : discrimination fondée sur le handicap ; discrimination "par association" ; salariée handicapée (non) ; discrimination en raison du handicap de l'enfant de la salarié.

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