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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Car réforme, il devait y avoir. Les règles relatives à la représentativité des organisations syndicales avaient peu évolué depuis quarante ans. La circulaire "Parodi " du 28 mai 1945 avait fixé les critères de la représentativité syndicale, repris ensuite par la loi du 11 février 1950. Ces critères prenaient en compte les effectifs ; l'indépendance ; les cotisations ; l'expérience et l'ancienneté ; et l'attitude patriotique durant l'Occupation. Ces critères avaient été, certes, complétés par la jurisprudence, afin de prendre en considération l'audience des syndicats, leur activité et leur influence ; mais, manifestement, l'évolution jurisprudentielle n'avait pas suffit ni au renouvellement syndical, ni à enrayer la crise de légitimité (traduite, notamment, par une crise d'adhésion) des syndicats. Et bien évidemment, l'arrêté du 31 mars 1966 conférant, à cinq confédérations syndicales, une présomption irréfragable de représentativité, n'arrangeait pas l'affaire. La présomption irréfragable de représentativité pouvait, parfois, aboutir à des situations inéquitables : un syndicat faiblement implanté dans une entreprise, mais affilié à l'une des cinq grandes confédérations, bénéficiait automatiquement des prérogatives reconnues aux organisations représentatives, alors qu'un syndicat plus influent, mais non affilié à l'une de ces confédérations, devait s'engager dans une procédure de reconnaissance aux résultats aléatoires. C'est pourquoi la loi nouvelle propose d'apprécier la représentativité syndicale en tenant compte de plusieurs critères cumulatifs : les effectifs et les cotisations ; la transparence financière ; l'indépendance ; le respect des valeurs républicaines ; l'influence ; et l'audience, établie à partir des résultats aux élections professionnelles (élection des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise).
Est-ce à dire que c'est la fin du syndicalisme d'adhésion, qui tire sa légitimité du nombre et de l'activité de ses adhérents, faisant place nette à la surenchère électoraliste ? Certaines Centrales syndicales ne sont pas loin de le penser (pardonnez le doux euphémisme).
Par diallèle, le premier volet de la loi visant à renforcer la représentativité syndicale, le deuxième volet pouvait aborder la question de la validité des accords collectifs. Depuis la loi "Fillon" de 2004, un accord collectif entrait en vigueur s'il était signé par au moins un syndicat représentatif sauf opposition, sous certaines conditions. Désormais, c'est le mode de conclusion majoritaire des accords collectifs qui lui est préféré (30 % des suffrages exprimés au niveau considéré et à l'absence d'opposition des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés, durant une phase intermédiaire).
Restait la question du financement des syndicats pour boucler la boucle. La loi nouvelle oblige la transparence des comptes et la mise à disposition de salariés, mais contient aussi une disposition qui donnera une base légale à l'accord UPA du 12 décembre 2001, ce que les signataires de la position commune n'avaient pas envisagé (voire contestaient pour certains d'entre eux). Cet accord prévoit, ainsi, de financer le dialogue social dans l'artisanat au moyen d'une cotisation assise sur la masse salariale de l'entreprise. La loi prévoit qu'un accord collectif peut instaurer une contribution destinée au financement de la négociation collective.
Enfin, passant outre le courroux des organisations syndicales qui estimaient ne pas avoir souhaité remettre en cause la durée du travail au travers de leur position commune, la loi donne une plus grande liberté aux partenaires sociaux pour négocier sur la durée du travail, qu'il s'agisse de fixer le niveau du contingent d'heures supplémentaires ou les conditions de son dépassement, d'aménager le temps de travail ou d'autoriser la conclusion de conventions de forfait. Elle donne la priorité à l'accord d'entreprise et confère à l'accord de branche ou aux dispositions législatives et réglementaires un caractère supplétif.
Pour certains syndicats, il s'agit là d'une inversion de la hiérarchie des normes qui, en s'appuyant sur des accords dérogatoires négociés au niveau de l'entreprise, là où le pouvoir et le rapport de forces sont le plus en défaveur des salariés, conduira inévitablement à l'affaiblissement des garanties collectives et à la remise en cause de la justice sociale pour tous.
Onus probandi
Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de consacrer à cette loi deux numéros spéciaux de son Hebdo - édition sociale. La rénovation de la démocratie sociale sera ainsi à l'honneur cette semaine. Nous vous proposerons d'aborder la réforme du temps de travail, la semaine prochaine.
* Solon
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