La lettre juridique n°317 du 11 septembre 2008 : Rel. collectives de travail

[Textes] Articles 5, 6 et 7 de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : démocratisation de la désignation du DS, RSS et renforcement du statut protecteur des salariés titulaires d'un mandat syndical

Réf. : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ)

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N9810BGG

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[Textes] Articles 5, 6 et 7 de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : démocratisation de la désignation du DS, RSS et renforcement du statut protecteur des salariés titulaires d'un mandat syndical. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210498-textesarticles56et7delaloidu20aout2008portantrenovationdelademocratiesocialeetre
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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

La loi du 20 août 2008 modifie sensiblement la donne syndicale en repensant, notamment, tout le système de leur représentativité. Par souci de cohérence, il était certainement indispensable de revoir, également, les règles gouvernant la désignation des délégués syndicaux afin de les mettre en harmonie avec le nouvel objectif de "démocratie sociale". C'est à cette tâche que s'attelle l'article 5 de la loi en introduisant, dans les mandats de délégués syndicaux, des exigences de légitimité électorale très proches de celles imposées aux organisations syndicales, mais qui ne vont pas sans poser la question d'un véritable changement de logique, les délégués syndicaux étant, désormais, autant élus que désignés (I). L'article 6 de la loi tend à revoir assez profondément l'institution de la section syndicale dans l'entreprise, notamment, en l'ouvrant aux organisations syndicales ne disposant pas de la représentativité. Mais, surtout, ce texte institue un nouveau représentant de la section syndicale dans l'entreprise. Si son rôle semble assez clairement se dessiner, une appréciation ambiguë des finalités de la création de cette nouvelle institution devra, néanmoins, être délivrée (II). Enfin, l'article 7 de la loi améliore, à la marge, la protection du déroulement de carrière des représentants syndicaux dans l'entreprise en imposant une nouvelle négociation obligatoire à leur sujet (III). I - Démocratisation de la désignation du délégué syndical

L'article 5 de la loi du 20 août 2008 bouleverse de nombreuses règles relatives aux représentants syndicaux dans l'entreprise. Si ces dispositions concernent principalement la désignation et le mandat des délégués syndicaux, des modifications interviennent, également, à la marge, à l'égard des délégués syndicaux centraux pour les entreprises à établissements multiples et des représentants syndicaux au comité d'entreprise.

  • Bref retour sur la distinction entre représentant élu et représentant désigné

Traditionnellement, il était considéré qu'existaient deux types de représentations dans l'entreprise. La première, historiquement, était la représentation du personnel. Elus par les salariés de l'entreprise et reposant donc sur une légitimité démocratique, les délégués du personnel et les représentants élus au comité d'entreprise étaient considérés comme titulaires d'un mandat de représentation du personnel de l'entreprise. La seconde, entrée dans l'entreprise en 1968, était la représentation syndicale. Désignés par les syndicats représentatifs, et reposant donc sur une légitimité syndicale, les délégués syndicaux et autres représentants syndicaux au comité d'entreprise étaient titulaires d'un mandat de représentation, non plus du personnel, mais de leur organisation syndicale.

Si ces deux types de représentation étaient déjà souvent confondus dans une catégorie protéiforme d'institutions représentatives du personnel (1), la confusion pourrait bien être sérieusement entretenue, voire renforcée par l'article 5 de la loi du 20 août 2008.

  • Les nouvelles conditions de désignation du délégué syndical

Ce texte modifie le premier alinéa de l'article L. 2143-3 du Code du travail (N° Lexbase : L3719IBD), lequel prévoyait, jusqu'alors, que la désignation du délégué syndical dans l'entreprise appartenait, sans restriction, aux syndicats représentatifs dans l'entreprise. Il y substitue deux nouveaux alinéas qui posent de nouvelles conditions à la désignation de ces représentants.

Première nouveauté, sans grande portée il faut le reconnaître, le législateur introduit l'entreprise comme champ de désignation du délégué syndical aux côtés de l'établissement, seul visé par l'ancienne rédaction du texte. La jurisprudence ayant, depuis bien longtemps déjà, avalisé la possibilité de nommer le délégué syndical dans l'entreprise comme dans l'établissement (2), on conviendra qu'il ne s'agit certainement pas là d'une révolution (3).

En revanche, la nouveauté est bien plus marquante s'agissant des qualités nouvelles que doit revêtir le salarié afin de pouvoir être désigné délégué syndical. Le texte dispose, en effet, que l'organisation syndicale "désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants [...] un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur". Précisons que ces dispositions n'entreront en application qu'à compter des prochaines élections professionnelles dans l'entreprise, les syndicats jusqu'alors représentatifs conservant toute latitude, d'ici là, pour désigner de nouveaux délégués syndicaux. Sont posées, dans cette disposition, deux conditions nouvelles s'imposant au syndicat pour la désignation du délégué syndical.

Le salarié doit, d'abord, avoir été candidat aux élections professionnelles. Le texte ne distingue pas selon que le salarié a, ou non, été élu. Si cette absence de distinction ne fait pas difficulté s'agissant d'un candidat élu à la délégation du personnel, elle est nettement plus problématique si le candidat a été élu représentant au comité d'entreprise puisque, rappelons-le, il existe une incompatibilité entre ce mandat et celui de délégué syndical siégeant, de plein droit dans les entreprises de moins de trois cents salariés, au comité d'entreprise (4).

Le salarié n'a pas nécessairement besoin d'avoir été élu pour pouvoir être désigné délégué syndical. Mais il lui sera, dans ce cas, imposé d'avoir recueilli 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles dans l'entreprise, quel que soit le nombre de votants. Cette condition est rigoureusement identique à celle posée par le nouvel article L. 2122-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3823IB9), issu de l'article 2 de la loi du 20 août 2008. Mais, si cette condition de légitimité électorale est la même, elle ne s'applique, pourtant, pas à la même personne. En effet, l'article L. 2122-1 du Code du travail vise les 10 % recueillis par l'organisation syndicale lors des élections dans l'entreprise, alors que la nouvelle rédaction de l'article L. 2143-3, s'agissant de la désignation du délégué syndical, impose cette condition au candidat ayant vocation à être désigné comme délégué syndical. Or, si l'on comprend relativement bien comment calculer les 10 % des voix pour l'une ou l'autre des listes syndicales afin de déterminer la représentativité de l'organisation dans l'entreprise, ce calcul est autrement plus délicat quand il s'agit d'apprécier le taux recueilli par un candidat sur sa tête, ceci du fait qu'il s'agisse d'un scrutin de liste permettant, d'ailleurs, que des noms y soient rayés par les salariés votants, voire que les listes soient panachées. Ces dernières circonstances pourraient, d'ailleurs, donner lieu à des situations surprenantes dans lesquelles un syndicat pourrait obtenir le sésame de la représentativité, sa liste ayant recueilli plus de 10 % dans son ensemble, mais qu'un candidat dont le nom aurait été trop souvent écarté par les salariés ne puisse être désigné par le syndicat malgré sa représentativité.

Il faut bien comprendre qu'il y a là un véritable changement de logique dans la désignation du délégué syndical, mais, également, qu'un enjeu supplémentaire devrait apparaître lors des élections professionnelles. S'agissant du changement de logique, il y a un basculement très franc dans un syndicalisme d'électeurs plutôt qu'un syndicalisme d'adhérents. Même s'il demeure désigné par le syndicat, le salarié volontaire pour être désigné délégué syndical devra avoir affronté le suffrage professionnel et avoir recueilli une légitimité électorale suffisante. S'agissant de l'enjeu nouveau des élections professionnelles, il convient de relever que, désormais, les salariés ne voteront plus seulement pour élire les délégués du personnel ou les représentants au comité d'entreprise. Leurs voix seront aussi nécessaires pour désigner le délégué syndical. En somme, chaque élection dans l'entreprise sera, en forçant le trait, également l'élection du délégué syndical.

  • Conditions dérogatoires aux règles de désignation

Si la règle posée par le premier alinéa de l'article L. 2143-3 paraît relativement claire, il n'est pas possible d'en dire autant de celle issue du second alinéa introduit par la loi. Le texte dispose que, "s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement". Deux interprétations d'une telle disposition peuvent être retenues.

A première vue, on pourrait être tenté de penser que, dans toutes les hypothèses où un syndicat représentatif n'a vu aucun de ses candidats recueillir plus de 10 % des votes exprimés, l'organisation représentative pourrait, alors, désigner un candidat moins légitime ou, à défaut, un simple adhérent du syndicat n'ayant pas participé aux élections.

Résultant d'un amendement sénatorial, cette disposition viserait, pourtant, selon son auteur, à permettre à une organisation qui "ne puisse désigner un délégué syndical parce que, après le départ du délégué et avant les élections professionnelles suivantes, elle ne dispose plus de candidats ayant obtenu 10 % des suffrages", de pouvoir, néanmoins, désigner un délégué syndical parmi les simples adhérents de la section syndicale (5). L'interprétation de la volonté du législateur mènerait donc à penser que c'est une conception bien plus restrictive de ce deuxième alinéa qui doit être retenue. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que cette précision n'est pas d'une grande clarté.

  • Délégué syndical supplémentaire, délégué syndical central et représentant syndical au comité d'entreprise

L'article 5 de la loi modifie, également, les règles de désignation des délégués syndicaux supplémentaires octroyés aux syndicats dans les entreprises de plus de cinq cents salariés par l'article L. 2143-4 du Code du travail (N° Lexbase : L3782IBP) et de désignation des délégués syndicaux centraux dans les entreprises de deux mille salariés comportant au moins deux établissements de cinquante salariés. La même condition de légitimité électorale leur est imposée, avec un taux identique requis de 10 % des suffrages exprimés.

Cette nouvelle condition n'est, en revanche, pas exigée pour les délégués du personnel désignés délégués syndicaux dans les entreprises de moins de cinquante salariés par application de l'article L. 2143-6 du Code du travail (N° Lexbase : L3785IBS). A première vue, cela peut paraître logique puisque le salarié élu a nécessairement été candidat et recueilli plus de 10 % des voix exprimées lors de l'élection. Cependant, le texte ne prend pas en compte que ce délégué du personnel peut avoir été élu sur une liste sans étiquette syndicale, si bien que la légitimité électorale que l'on souhaite conférer à tous les niveaux au syndicat ne serait pas, ici, totalement vérifiée, les salariés ayant pu porter leur vote sur la tête du salarié candidat et non sur son étiquette syndicale.

Enfin, le paragraphe VII de l'article 5 de la loi du 20 août 2008 modifie l'article L. 2324-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3724IBK), relatif à la désignation des représentants syndicaux au comité d'entreprise dans les entreprises de plus de trois cents salariés. Pour que cette désignation puisse intervenir, il n'est pas exigé que le salarié désigné ait recueilli un nombre suffisant de suffrages exprimés aux dernières élections, mais le texte impose, néanmoins, une condition nouvelle, puisque seuls les syndicats ayant obtenu des élus issus de leurs listes au comité d'entreprise seront habilités à procéder à cette désignation. Cette disposition crée un hiatus entre les entreprises selon que leur effectif comporte plus ou moins de trois cents salariés. En effet, par application de l'article L. 2143-22 du code (N° Lexbase : L2216H9X), les délégués syndicaux sont, de droit, représentants syndicaux au comité d'entreprise. Seuls les salariés remplissant les nouvelles conditions de suffrages exprimés pourront donc être représentants au comité. En revanche, dans les entreprises de plus de trois cents salariés, seule la présence de l'organisation syndicale parmi les membres élus suffira à la désignation du représentant syndical. Les syndicats devraient donc logiquement avoir plus de poids dans les comités des grandes entreprises que dans les comités des plus petites. Cette observation, même si elle ne manque pas de reposer sur une certaine logique, ne va pas sans impliquer quelque contradiction avec l'objectif, souvent répété, d'améliorer le dialogue social dans les petites entreprises.

  • La cessation par caducité du mandat de délégué syndical

Le paragraphe VI de l'article 5 de la loi du 20 août 2008 pose, quant à lui, de nouvelles règles relatives à l'extinction du mandat de délégué syndical. Jusqu'alors, le mandat ne pouvait prendre fin que si le représentant renonçait à celui-ci, si l'organisation syndicale le révoquait ou, selon certaines conditions, si les conditions d'effectif dans l'entreprise n'étaient plus réunies. Or, la loi insère un nouvel alinéa premier à l'article L. 2143-11 du Code du travail (N° Lexbase : L3750IBI), lequel prévoit que "le mandat de délégué syndical prend fin lorsque l'ensemble des conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2143-3 et à l'article L. 2143-6 cessent d'être réunies". L'article 13 de la loi, relatif aux dispositions transitoires, précise que ces dispositions ne seront applicables qu'à compter des prochaines échéances électorales dans chaque entreprise. Les délégués syndicaux conservent jusque-là leurs mandats, quand bien même leur organisation syndicale aurait eu aux dernières élections une faible audience.

Autrement dit, le mandat de délégué syndical est remis en jeu à chaque élection du personnel dans l'entreprise. Si le délégué en fonction ne se présente pas aux élections professionnelles ou s'il n'obtient pas les 10 % des suffrages exprimés requis, son mandat prendra automatiquement fin. Il s'agit là d'une sorte de caducité, la disparition du mandat étant le résultat d'une disparition de l'une de ses conditions d'existence.

  • Bilan : démocratisation et cumul des mandats

Si l'on perçoit bien l'exigence démocratique qui irrigue l'ensemble de ces dispositions, il convient de remarquer que l'article 5 de la loi aura, également, pour conséquences d'accentuer le cumul des mandats dans l'entreprise. S'il s'agit, à n'en pas douter, de la prise en considération d'une tendance déjà marquée dans les entreprises, les représentants étant déjà souvent titulaires de plusieurs casquettes, l'institutionnalisation de cette pratique montre une volonté plus ou moins implicite de rationalisation des institutions représentatives du personnel et prend acte de la confusion des pouvoirs déjà manifeste des différents représentants du personnel dans l'entreprise (6).

II - Une nouvelle IRP dans l'entreprise : le représentant de la section syndicale

  • Revitalisation de la section syndicale

L'article 6 de la loi du 20 août 2008 a, d'abord, pour objet de modifier le régime juridique des sections syndicales dans l'entreprise et, ainsi, de revitaliser cette institution dans l'entreprise (7).

La constitution d'une section syndicale était, jusqu'ici, réservée aux seuls syndicats représentatifs dans l'entreprise. Ce n'est, désormais, plus le cas, puisque le nouvel article L. 2142-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3761IBW) dispose que, à côté des organisations représentatives dans l'entreprise, sont, également, habilitées à constituer une section "chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel", mais, également, "chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée". Les droits de ces différentes sections syndicales sont quasiment identiques, si l'on excepte le bénéfice d'un local individuel dans les entreprises de plus de mille salariés qui sera réservé, en raison d'une modification de l'article L. 2142-8, alinéa 2 (N° Lexbase : L3775IBG), aux syndicats représentatifs (8).

Quoique cette question n'ait, à notre connaissance, jamais véritablement fait débat, le législateur impose, également, pour la constitution d'une section syndicale, que le syndicat dispose de "plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement".

  • Le représentant de la section syndicale

Mais la principale innovation de l'article 6 réside, certainement, dans la création d'une nouvelle section 2, dans le chapitre relatif à la section syndicale, intitulée "Représentant de la section syndicale". Cette section, qui comporte quatre articles (9), institue la possibilité, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, pour les syndicats qui ne sont pas représentatifs, de "désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'entreprise ou de l'établissement". La désignation de ce représentant doit répondre aux conditions de fond et de forme habituellement imposées à la désignation du délégué syndical -âge, ancienneté, publicité, etc.-, de contestation de la désignation et d'extinction du mandat, à l'exception bien entendu des nouvelles conditions relatives à la légitimité électorale (10).

Ses pouvoirs sont relativement vastes puisque le deuxième alinéa du nouvel article L. 2142-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3765IB3) lui permet de bénéficier de prérogatives identiques à celles octroyées au délégué syndical, à l'exception de la possibilité de négocier des accords collectifs. Le représentant perd son mandat si, lors des premières élections professionnelles suivant sa désignation, le syndicat l'ayant désigné n'obtient pas la représentativité dans l'entreprise au regard des nouveaux critères fixés par les articles 1 et 2 de la loi du 20 août 2008. Le salarié ayant perdu ce mandat ne peut être à nouveau désigné comme représentant de la section syndicale avant une échéance de six mois précédant les prochaines échéances électorales, ce qui ne semble, d'ailleurs, pas s'opposer à ce qu'un autre membre de la section syndicale puisse être désigné immédiatement après le résultat des élections.

Autre point d'importance, ce représentant bénéficie de la protection prévue par le livre IV de la deuxième partie du Code du travail habituellement accordée aux délégués syndicaux. Dès lors, il s'agit là d'un nouveau salarié dit "protégé" dont, notamment, le licenciement sera subordonné à la procédure administrative habituelle. Il dispose, en outre, d'un crédit d'heures pour assumer ses fonctions, crédit fixé à un minimum de quatre heures par mois, le nombre de ces heures de délégation pouvant être augmenté par voie conventionnelle.

Enfin, les dispositions relatives à la désignation d'un délégué du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés sont étendues au représentant de la section syndicale. Autrement dit, la section syndicale d'un syndicat non représentatif pourra désigner un délégué du personnel comme représentant de la section syndicale.

  • Le mandatement du représentant de la section syndicale en vue de la négociation d'un accord collectif

Outre ce nouveau mandat de représentant de la section syndicale, le texte prévoit, également, une nouvelle hypothèse dérogatoire de mandatement d'un salarié de l'entreprise en vue d'une négociation collective.

Ainsi, le représentant d'une section syndicale "désigné par une organisation syndicale de salariés affiliée à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel" pourra parfois être mandaté afin de mener une négociation collective. Cette désignation est, cependant, très encadrée puisqu'elle ne peut intervenir que dans les entreprises n'étant pas soumises à des accords prévoyant la possibilité de mandater un salarié dans l'entreprise et seulement en cas de carence aux élections professionnelles dans l'entreprise n'ayant pas permis, par ricochet, la désignation d'un délégué syndical, Curieusement, ces dispositions n'ont pas été insérées à la suite des articles L. 2232-12 et suivants (N° Lexbase : L3770IBA) prévoyant les possibilités de négociation avec d'autres acteurs que le délégué syndical, mais dans le chapitre relatif aux délégués syndicaux, ce qui en dit d'ailleurs très long sur le cousinage entre le délégué syndical et le représentant de la section syndicale (11).

  • Bilan : un "sous" délégué syndical ou une opportunité pour les syndicats non représentatifs ?

Le sentiment laissé par ces dispositions est ambigu. D'un côté, certains estimeront qu'il ne s'agit là que de créer un "sous" délégué syndical dépourvu du principal pouvoir intéressant les syndicats, celui de la négociation. Mais, d'un autre côté, on pourra, également, estimer qu'il s'agit d'une véritable avancée pour les syndicats non représentatifs dans l'entreprise, à la fois parce qu'ils ne bénéficiaient, jusque-là, d'aucune véritable représentation dans l'unité de production, mais, aussi, parce que cela devrait leur permettre d'obtenir une certaine "visibilité" auprès des salariés de l'entreprise et, ainsi, faciliter leur tâche en vue de l'obtention du sésame de la représentativité.

En réalité, l'appréciation dépend probablement du point de vue selon lequel on se place. Pour les petits syndicats n'ayant que rarement bénéficié de la représentativité prouvée dans l'ancien système, il s'agit d'une incontestable avancée. Cela devrait probablement permettre de voir émerger, au sein des entreprises, de nouveaux courants syndicaux ou de voir se développer d'autres qui n'étaient encore qu'au stade embryonnaire.

En revanche, pour les syndicats qui parvenaient fréquemment à réunir les critères anciens de la représentativité prouvée ou, pis encore, pour ceux qui bénéficiaient d'une représentativité présumée dans l'entreprise et qui auront désormais de sérieuses difficultés à remplir les nouveaux critères, le coup sera probablement bien plus rude. Pour eux, cette institution constituera une sorte d'ersatz de délégué syndical dont la limitation des pouvoirs sera certainement bien frustrante.

III - Renforcement du statut protecteur des salariés titulaires d'un mandat syndical dans l'entreprise

L'article 7 de la loi du 20 août 2008 introduit, enfin, de nouvelles dispositions destinées à protéger les responsables syndicaux dans l'exercice de leurs fonctions.

L'article L. 2141-5 du Code du travail (N° Lexbase : L3769IB9), relatif à l'interdiction de toute discrimination syndicale, est complété par un nouvel alinéa qui dispose qu'"un accord détermine les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle". Ce texte semble faire l'obligation aux partenaires sociaux de négocier sur la manière de prendre en considération la valeur ajoutée que peut constituer pour l'expérience professionnelle d'un salarié d'avoir exercé un mandat syndical. Cette question fait, d'ailleurs, l'objet d'une négociation obligatoire dans le cadre de la négociation triennale sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences prévues aux articles L. 2242-15 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L2393H9I).

Si l'intention est bonne, il conviendra, néanmoins, d'analyser les dispositions des accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences conclus à l'avenir pour déterminer si une véritable amélioration des parcours de carrière des représentants syndicaux peut se profiler.


(1) Sur cette question, v. G. Borenfreund, Propos sur la représentativité syndicale, Dr. soc., 1988, p. 476 ; F. Petit, Qu'est-ce qu'une institution représentative du personnel ?, Dr. soc., 2002, p. 1073.
(2) Sur cette question, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 23ème éd., p. 714.
(3) Le législateur ajuste, également, le niveau de représentativité requis par l'organisation syndicale pour désigner le délégué supplémentaire pour les entreprises de plus de cinq cents salariés (C. trav., art. L. 2143-4 N° Lexbase : L3782IBP), le délégué central d'entreprise (C. trav., art. L. 2143-5 N° Lexbase : L3732IBT) et le délégué du personnel faisant fonction de délégué syndical (C. trav., art. L. 2143-6 N° Lexbase : L3785IBS).
(4) Cass. soc., 18 juillet 2000, n° 98-42.625, Société ALG (N° Lexbase : A9179AG3), TPS, 2000, comm. 390.
(5) V. les discussions sur l'article 4, devenu l'article 5 de la loi, dans les travaux parlementaires publiés sur le site du Sénat.
(6) V. G. Lyon-Caen, A la recherche des concepts de base du livre IV du Code du travail, in Mélanges en l'honneur de J.- M. Verdier, Dalloz, 2001, p. 81.
(7) V. G. Couturier, Que reste-t-il de la section syndicale d'entreprise ?, in Mélanges en l'honneur de J.- M. Verdier, Dalloz, 2001, p. 25.
(8) Cette nouvelle règle pose, néanmoins, le problème de la mise à disposition d'un local pour les sections de syndicats non représentatifs. En effet, celles-ci disposent d'un local commun à l'ensemble des sections syndicales, représentatives ou non, dans les entreprises dont l'effectif varie entre 200 et 1 000 salariés. En revanche, rien n'est prévu au-delà de 1 000 salariés. L'articulation des deux premiers alinéas (l'entreprise de plus de 1 000 salariés étant une entreprise de plus de 200...) devrait, cependant, permettre de conserver le principe d'un local commun pour les sections syndicales de syndicats non-représentatifs.
(9) Dont on ne pourra que déplorer la numérotation à plusieurs tirets à laquelle la recodification était pourtant destinée à ne plus recourir...
(10) J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, préc., pp. 752 et s..
(11) Et qui, là encore, n'est guère cohérent avec l'effort de rationalisation du plan du code issu de la recodification...

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