Réf. : Loi n° 2008-758 du 1er août 2008, relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi (N° Lexbase : L7343IA9)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen
le 07 Octobre 2010
I - Droits du demandeur d'emploi
La loi et la convention collective d'assurance chômage avaient défini précisément les droits que confère la qualité de demandeur d'emploi (donc, usager du service public de l'emploi) et de travailleur privé d'emploi (bénéficiaire d'un revenu de remplacement). La loi du 1er août 2008 introduit de nouvelles prérogatives inédites : obligations à la charge du service public de l'emploi ; droit à un médiateur ; droit de refuser un emploi opérant un déclassement ; droit propre aux seniors ; dispense de recherche d'emploi. On regrettera que le législateur n'ait pas consacré le "contrat d'évolution" suggéré par la Commission dite "Attali ", par lequel la situation des chercheurs d'emploi est considérée comme une activité rémunérée (décision 142 ; lire nos obs., Travail, emploi, protection sociale : les propositions du Rapport "Attali", Lexbase Hebdo n° 290 du 30 janvier 2008 - édition sociale N° Lexbase : N8710BDX).
A - Obligations à la charge du service public de l'emploi
En application de la loi du 1er août 2008, le demandeur d'emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi est orienté et accompagné dans sa recherche d'emploi par "France emploi" (C. trav., art. L. 5411-6). L'ancien article L. 5411-6, reprenant la rédaction de l'article L. 311-5, alinéa 3 (N° Lexbase : L8902G7T), prévoyait que les demandeurs d'emploi immédiatement disponibles pour occuper un emploi étaient tenus d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi. Cette notion d'"accompagnement", introduite par le législateur pour la première fois en cette matière, et de manière codifiée, reste, pourtant, encore à définir. Le législateur s'en est, en l'espèce, dispensé, alors même que la notion est très largement utilisée, dans des domaines aussi variables que l'accompagnement des jeunes vers l'emploi (programme TRACE, remplacé par le CIVIS, voir loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, d'orientation relative à la lutte contre les exclusions N° Lexbase : L9130AGA). En 2005, le législateur avait, en effet, fait émerger un "droit à l'accompagnement" des jeunes vers l'emploi, qu'il avait limité, cependant, aux jeunes de 16 à 25 ans (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49 et C. trav., art. L. 5131-3 N° Lexbase : L6384G49). L'introduction de la notion d'accompagnement des demandeurs d'emploi a été réalisée sous l'impulsion du pouvoir réglementaire (décret n° 2005-915 du 2 août 2005, relatif au suivi de la recherche d'emploi (N° Lexbase : L1269HBM, art. 1-V et les obs. de S. Martin-Cuenot, Le suivi de la recherche d'emploi, Lexbase Hebdo n° 180 du 7 septembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N8067AIM ; C. trav., art. R. 5411-11 N° Lexbase : L0529IAT), dans le prolongement de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), mis en place par le pouvoir réglementaire en 2005 (décret n° 2005-915 du 2 août 2005, préc., art. 1 ; C. trav., art. R. 5411-14 à R. 5411-16 N° Lexbase : L0518IAG), est consacré par les partenaires sociaux quelques mois plus tard dans le cadre de la convention d'assurance chômage du 18 janvier 2006. Il prend donc la suite du plan d'aide au retour à l'emploi. La nouveauté introduite par la loi du 1er août 2008 est double : le PPAE est visé dans une disposition législative (C. trav., art. L. 5411-6-1, alinéa 3), alors qu'il était jusqu'alors prévu par des dispositions réglementaires. Surtout, le législateur formalise l'engagement que prend le cocontractant ("France emploi" ou tout autre opérateur membre du service public de l'emploi) vis-à-vis du contractant (le demandeur d'emploi). En effet, le législateur a voulu que soit formellement précisé que le projet personnalisé d'accès à l'emploi retrace les actions que "France emploi" s'engage à mettre en oeuvre dans le cadre du service public de l'emploi, notamment, en matière d'accompagnement personnalisé, de formation et d'aide à la mobilité.
B - Droit à un médiateur
La loi n° 2008-758 créé, au sein de "France emploi" , un médiateur national dont la mission est de recevoir et de traiter les réclamations individuelles relatives au fonctionnement de cette institution, sans préjudice des voies de recours existantes. Le médiateur national, placé auprès du directeur général, coordonne l'activité de médiateurs régionaux, placés auprès de chaque directeur régional, qui reçoivent et traitent les réclamations dans le ressort territorial de la direction régionale. Les réclamations doivent avoir été précédées de démarches auprès des services concernés. Le médiateur national est le correspondant du Médiateur de la République (C. trav., art. L. 5312-12-1 N° Lexbase : L2098IBC).
C - Droit de refuser un emploi opérant un déclassement
Le nouveau régime du refus d'emploi et de celui de l'offre raisonnable d'emploi, qui en est la déclinaison, tel que défini par les articles L. 5411-6 (N° Lexbase : L2122IB9), L. 5411-6-1 (N° Lexbase : L2116IBY), L. 5411-6-2 (N° Lexbase : L2181IBE) et L. 5411-6-3 (N° Lexbase : L2210IBH) du Code du travail, prévoit un droit à refuser un emploi qui réaliserait un déclassement. En effet, un demandeur d'emploi n'est pas tenu d'accepter un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée (C. trav., art. L. 5411-6-4 N° Lexbase : L2212IBK), quel que soit le fondement juridique de ce salaire, fixé par des dispositions légales et des stipulations conventionnelles en vigueur, notamment celles relatives au salaire minimum de croissance : en somme, le smic ou le salaire minimum conventionnel prévu par une branche professionnelle ou interprofessionnelle. Enfin, si le projet personnalisé d'accès à l'emploi prévoit que le ou les emplois recherchés sont à temps complet, le demandeur d'emploi ne peut être obligé d'accepter un emploi à temps partiel. Donc, le droit de refuser un emploi de déclassement ne porte que sur deux aspects d'un emploi offert par un opérateur (et singulièrement, "France emploi") : le salaire et le type de contrat de travail proposé (temps plein ou temps partiel). A contrario, le demandeur d'emploi ne peut pas se prévaloir de ce droit de refuser un emploi pour cause de déclassement en raison des caractéristiques d'un emploi, tenant à sa localisation, ses caractéristiques (nature des tâches confiées, niveau hiérarchique), sa nature (contrat de travail de droit commun, contrat aidé)...
Le régime du déclassement, tel qu'il résulterait d'une offre d'emploi émanant de "France emploi", dont la loi du 1er août 2008 apporte des précisions (C. trav., art. L. 5411-6-4), peut être mieux compris s'il est mis en perspective avec le régime du reclassement antérieur au licenciement économique (5), le régime du reclassement du salarié victime d'un accident du travail/maladie professionnelle étant trop encadré et trop spécifique pour être transposable . Le législateur accorde au salarié menacé d'un licenciement pour motif économique le droit de refuser un emploi de reclassement qui opérerait un déclassement, si l'emploi proposé ne relève pas de la même catégorie que celui qu'il occupe ou n'est pas un emploi équivalent ; a fortiori, le salarié peut refuser un emploi de reclassement de catégorie inférieure. Le juge a été sollicité à de nombreuses reprises, mais pas assez pour que se dégage une ligne jurisprudentielle (6). Bref, le régime du refus d'emploi pour déclassement est plus favorable au salarié en cours de licenciement que pour le demandeur d'emploi.
D - Droit propre aux seniors : dispense de recherche d'emploi
Il existait, avant la loi du 1er août 2008, trois catégories de demandeurs d'emploi dont l'âge leur permettait de ne pas rechercher d'emploi : les bénéficiaires d'une allocation servie par le régime d'assurance ou de solidarité, dès l'âge de cinquante-sept ans et demi ou d'au moins 55 ans, s'ils justifient d'au moins 160 trimestres validés dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues équivalentes (C. trav., art. L. 5421-3, al. 2 N° Lexbase : L2207IBD ; décret n° 99-473 du 7 juin 1999 ; circ. Unedic n° 2006-14 du 21 juillet 2006 N° Lexbase : L4617HK9) ; ceux qui ne perçoivent plus les allocations chômage servies par le régime d'assurance ou de solidarité, âgés d'au moins 55 ans (C. trav., art. L. 5411-8 N° Lexbase : L2155IBG et D. 5411-13 N° Lexbase : L0522IAL) (7) ; les bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite, c'est-à-dire, ceux qui ont cotisé 160 trimestre au régime d'assurance vieillesse (C. trav., art. L. 5423-21 N° Lexbase : L2352HXE). Mais la loi de finances pour 2008 n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 (N° Lexbase : L5488H3N) (art. 132-1) a déjà abrogé ce dernier dispositif (les bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite, donc) et ce, à compter du 1er janvier 2009.
La loi du 1er août 2008 modifie le régime de la dispense de recherche d'emploi en fixant un nouveau seuil d'âge pour la catégorie des demandeurs d'emploi indemnisés. La dispense de recherche d'emploi n'est accordée qu'aux demandeurs d'emploi d'au moins cinquante-six ans et demi en 2009, d'au moins cinquante-huit ans en 2010 et d'au moins soixante ans en 2011 (C. trav., art. L. 5411-8). Pour l'autre catégorie de demandeurs d'emploi, qui sont bénéficiaires de l'allocation d'assurance, le seuil d'âge est remonté à cinquante-huit ans en 2009, cinquante-neuf ans en 2010 et soixante ans en 2011. Quant aux demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, le seuil d'âge passe à cinquante-six ans et demi en 2009, cinquante-huit ans en 2010 et soixante ans en 2011 (C. trav., art. L. 5421-3, al. 2). Mais, à compter du 1er janvier 2012, la dispense de recherche d'emploi ne sera plus accordée aux demandeurs d'emploi, indemnisés (l'article L. 5421-3, al. 2, du code sera supprimé) ou non (l'article L. 5411-8 du code sera abrogé). Toute personne bénéficiant d'une dispense de la condition de recherche d'emploi avant le 1er janvier 2012 continue à en bénéficier.
II - Devoirs du demandeur d'emploi
La loi du 1er août 2008 ne modifie pas fondamentalement le profil juridique du demandeur d'emploi, qui reste tenu des mêmes obligations de faire (rechercher un emploi, répondre aux convocations, actualiser tous les mois sa demande d'emploi, informer de tout changement de situation...) et de ne pas faire (ne pas refuser, sans motif légitime, un emploi ; ne pas percevoir frauduleusement des allocations ou de ne pas faire de fausses déclarations...). Le législateur a modifié certaines obligations, relatives à la recherche d'emploi, la participation à la définition et l'actualisation du projet personnalisé d'accès à l'emploi, au refus d'une offre raisonnable d'emploi ou, enfin, à l'interdiction de faire des fausses déclarations. La logique qui préside à ces réformes reste la même : optimiser les rapprochements offre-demande d'emploi, impliquer le demandeur d'emploi dans une dynamique de retour à l'emploi.
A - Rechercher un emploi
Le demandeur d'emploi était tenu, jusqu'à présent, dans la mesure où il était immédiatement disponible pour occuper un emploi, d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi (C. trav., art. L. 5411-6). Désormais, il est tenu d'accepter les offres raisonnables d'emploi telles que définies aux articles L. 5411-6-2 et L. 5411-6-3. Cette association entre recherche d'emploi et refus d'emploi peut paraître surprenante, car elle a toujours été, jusqu'à présent, rejetée. Les textes législatifs ou réglementaires dissociaient les deux notions, ne serait-ce qu'en raison de leur objet et finalité distinctes : la recherche d'emploi vise le demandeur en sa qualité et identité juridique, elle le définit et est co-substantielle (en ce sens, v. C. trav., art. L. 5411-1 [LXB=L2292HX]). Le refus d'emploi n'avait pas la même importance, la notion n'étant perçue qu'en tant que dérivé de la référence à la recherche d'emploi.
La nouvelle rédaction de l'article L. 5411-6, inscrivant dans la même dynamique, recherche d'emploi et refus d'emploi, n'est pas intellectuellement choquante. Elle vise à rééquilibrer les deux références, pour que le refus d'emploi ne soit plus perçu comme un simple dérivé de la recherche d'emploi. Reste que le législateur n'a pas été jusqu'au bout de sa logique, notamment, en réécrivant les articles L. 5411-1 (préc.), L. 5421-1 (N° Lexbase : L8792IAU) ou L. 5421-3, alinéa 1er (N° Lexbase : L2207IBD), du Code du travail.
B - Participer à la définition et l'actualisation du projet personnalisé d'accès à l'emploi
On sait que le pouvoir réglementaire (décret n° 2005-915 du 2 août 2005, préc.) avait introduit dans le Code du travail cette référence au PPAE, ainsi que les partenaires sociaux, dans le cadre de la convention d'assurance chômage du 18 janvier 2006. Le projet personnalisé d'accès à l'emploi reprend les emplois recherchés et tient compte de la situation du demandeur d'emploi, notamment, de sa formation, de sa qualification, de sa situation personnelle et familiale, de la situation locale du marché du travail et des possibilités de mobilité géographique et professionnelle de l'intéressé. Il comprend des actions d'évaluation, de conseil et d'orientation, des actions d'accompagnement vers l'emploi et, enfin, des actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience (C. trav., art. R. 5411-15 N° Lexbase : L0516IAD et R. 5411-16 N° Lexbase : L0513IAA). Le législateur, par la loi du 1er août 2008, a estimé utile de compléter cet ensemble réglementaire, en introduisant le PPAE dans la partie législative du Code du travail.
La loi du 1er août 2008 stipule que le projet personnalisé d'accès à l'emploi est actualisé périodiquement. Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi sont révisés, notamment, pour accroître les perspectives de retour à l'emploi (C. trav., art. L. 5411-6-3). S'agissant de l'actualisation du PPAE, il y a encore là redite avec le décret n° 2005-915, qui prévoyait déjà que le PPAE soit adapté au cours du temps (C. trav., art. R. 5411-14 N° Lexbase : L0518IAG).
C - Ne pas refuser d'"offre raisonnable d'emploi"
La législation et le régime d'assurance chômage ne définissaient pas la notion de refus d'emploi, qu'ils n'envisageaient que dans les dispositions relatives aux sanctions (radiation de la liste des demandeurs d'emploi : art. L. 5412-1, 2° N° Lexbase : L2093IB7 ; exclusion du bénéfice du revenu de remplacement, art. L. 5426-2 N° Lexbase : L2145IB3, renvoyant à ce même article L. 5412-1). Désormais, la loi propose une définition de l'offre raisonnable d'emploi présentée comme la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi (C. trav., art. L. 5411-6-2). La définition laisse perplexe, sur le plan formel. La syntaxe n'y trouve pas son compte. Une offre d'emploi ne se définit pas par les caractéristiques d'un emploi ("la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi"), mais par le fait qu'elle émane de l'organisme chargé du placement et de l'indemnisation ("France emploi"). Cette offre d'emploi, qui émane d'un opérateur, doit répondre à certaines caractéristiques, qui sont retranscrites dans le PPAE (ce n'est qu'à ce niveau là de la définition que l'article L. 5411-6-2 trouverait sa place), à défaut de quoi le demandeur d'emploi pourrait légitimement la refuser. Il ne serait sanctionner que si l'offre d'emploi répond à ces caractéristiques, telles que mentionnées dans le PPAE.
Le législateur a complété le texte définissant l'offre d'emploi en distinguant, dans un autre article codifié (C. trav., art. L. 5411-6-3), trois catégories de demandeurs d'emploi, selon leur ancienneté dans le chômage :
- entre trois et six mois : l'offre d'un emploi doit être compatible avec les qualifications et compétences professionnelles et rémunéré à, au moins, 95 % du salaire antérieurement perçu ;
- entre six mois et un an : l'offre d'emploi peut être proposée au demandeur d'emploi, même si elle entraîne, à l'aller comme au retour, un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, d'une durée maximale d'une heure ou une distance à parcourir d'au plus trente kilomètres. Le taux de rémunération de l'emploi proposé est porté à 85 % (au lieu de 95 % pour les demandeurs d'emploi de la catégorie précédente, ceux dont l'ancienneté dans le chômage est comprise entre 3 et 6 mois) ;
- après un an d'inscription : l'offre d'un emploi est valablement proposée par "France emploi" si, compatible avec les qualifications et les compétences professionnelles du demandeur d'emploi, elle est rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement.
Précision étant faite que si le demandeur d'emploi suit une formation prévue dans son projet personnalisé d'accès à l'emploi, les durées d'ancienneté dans le chômage (3 mois, 6 mois ou 1 an) sont prorogées du temps de cette formation.
Jusqu'alors, le refus d'emploi constituait l'un des motifs possibles de disqualification. Pouvaient être radiées de la liste des demandeurs d'emploi les personnes qui, sans motif légitime, refusaient un emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail offert, compatible avec leur spécialité ou leur formation, leurs possibilités de mobilité géographique compte tenu de leur situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité qui leur sont proposées, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région (C. trav., art. L. 5412-1, 2°). Dans la mesure où le législateur modifie la notion de refus d'emploi, il était logique qu'une telle réforme débouche sur une réécriture du régime de la radiation des sanctions. Désormais, est radié de la liste des demandeurs d'emploi, celui qui, sans motif légitime, refuse à deux reprises une offre raisonnable d'emploi mentionnée à l'article L. 5411-6-2 (C. trav., art. L. 5412-1). Le renvoi à l'article L. 5411-6-2 signifie que la sanction ne sera prononcée pour refus d'emploi qu'au regard de l'emploi qui, offert à "France emploi", répond aux caractéristiques retranscrites dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi. On sait, en effet, que le législateur a voulu formaliser les engagements réciproques du demandeur et de "France emploi", consignés dans un document (qui n'est pas contractuel, a priori), retraçant la nature et caractéristiques de l'emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu. Enfin, si le nouveau régime de la radiation de la liste des demandeurs d'emploi pour refus d'emploi ne renvoie pas au droit pour le demandeur de refuser un emploi qui réalise un déclassement (C. trav., art. L. 5411-6-4), ce droit là lui renvoie au régime des sanctions (l'article L. 5411-6-4 définissant la légitimité de refuser un emploi de déclassement renvoie à l'art. L 5412-1, 2°) : en somme, "France emploi" ne peut radier de la liste des demandeurs d'emploi pour refus d'emploi un demandeur d'emploi refusant un emploi dont le niveau de salaire est inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région pour une profession concernée.
Au final, l'enjeu est celui du droit, pour "France emploi", de radier un demandeur pour cause de refus d'emploi, y compris si l'emploi proposé réalise un déclassement, versus le droit pour un demandeur, de refuser un emploi qui réalise un déclassement. En effet, l'article L. 5411-6-3 (droit pour "France emploi" de proposer un emploi à des conditions peu avantageuses au fur et à mesure que celui-ci acquiert de l'ancienneté dans le chômage) rentre en conflit avec la prohibition de tout emploi de déclassement (C. trav., art. L. 5411-6-4). En l'état actuel de rédaction de la loi, il demeure donc une incertitude sur la possibilité pour "France emploi" de radier un demandeur pour refus d'emploi, alors que l'emploi proposé serait conforme à l'article L. 5411-6-3 (par exemple, un emploi avec une rémunération inférieure à 5% pour un demandeur ayant trois mois d'ancienneté), mais violant l'article L. 5411-6-4 (interdiction de l'emploi de déclassement).
D - Ne pas faire de fausses déclarations
Depuis 1986, les textes ouvrent la possibilité de sanctionner un demandeur d'emploi qui a fait de fausses déclarations pour être ou demeurer inscrit sur cette liste : l'ordonnance n° 86-1286 du 20 décembre 1986 (ordonnance modifiant les titres Ier et III du livre III de la première partie (législative) du Code du travail et relative au placement des demandeurs d'emploi N° Lexbase : L6415G4D) prévoyait, déjà, cette sanction (C. trav., art. L. 311-5, al. 3 N° Lexbase : L8902G7T et R. 311-3-5, 3° N° Lexbase : L5608HZQ). Le nouveau Code du travail n'est pas revenu sur cette solution, qui ne prête pas vraiment à discussion, sur le fond (C. trav., art. L. 5412-1, 4°). La loi du 1er août 2008, symboliquement, détache cette cause de radiation des autres motifs (C. trav., art. L. 5412-1) pour l'isoler et lui consacrer un article propre dans le Code du travail (C. trav., art. L. 5412-2 N° Lexbase : L2228IB7). Le principe est donc maintenu, mais la portée de ce changement de numérotation dans le code du travail ne doit pas être minorée. On notera, enfin, que le législateur est déjà intervenu en cette matière il y a peu, puisqu'en 2006 (loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, sur le droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux), il avait instauré une peine de 3 000 euros en cas de déclaration inexacte ou incomplète .
(1) Y. Albarello, Avis Assemblée nationale n° 1055, 16 juillet 2008 ; M.-C. Dalloz, Rapport Assemblée Nationale n° 1043, 9 juil. 2008 ; D. Leclerc, Rapport Sénat n° 400, 18 juin 2008.
(2) Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, sur la modernisation du marché du travail, art. 18 et nos obs., Commentaire des articles 15 à 18 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : encouragement du retour à l'emploi et réforme du régime d'assurance chômage, Lexbase Hebdo n° 289 du 23 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8398BDE).
(3) Commission pour la libération de la croissance française, Rapport 2008, XO éditions, La Documentation française, 2008 et nos obs., Travail, emploi, protection sociale : les propositions du Rapport "Attali", préc..
(4) F. Petit, Le droit à l'accompagnement, Dr. soc., 2008, p. 413.
(5) F. Héas, Le reclassement du salarié en droit du travail, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit social tome 34, spéc. n° 176-185, à propos du droit du salarié de refuser un reclassement.
(6) Cass. soc., 29 janvier 2003, n° 00-46.322, Société Total raffinage distribution c/ M. Fernand Fresquet, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7667A4Q) et les obs. de S. Koleck-Desautel, La Cour de cassation consacre le droit pour le salarié menacé de licenciement économique de refuser un reclassement, Lexbase Hebdo n° 58 du 12 février 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N5903AAU).
(7) ANPE, Instruction DI n° 2008-11 du 27 mai 2008, BO n°36 du 3 juin 2008.
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