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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
Avec l'Etat de droit et la démocratie fiscale, sa parente, est donc apparu le droit pour chaque contribuable, afin d'éviter ou de contester un redressement fiscal, de rappeler, à l'administration, sa prise de position formelle sur l'application d'un texte fiscal (LPF, art. L. 80 A) ou sur l'appréciation de sa situation au regard d'un texte (LPF, art. L. 80 B). Désormais, l'arbitraire ne prévaut plus et l'administration ne peut pas revenir sur "sa parole" pour redresser un contribuable, le plus souvent profane. Mais, là encore, c'est l'administration fiscale qui prend l'initiative de sa doctrine.
Comble de la sécurité fiscale, les contribuables peuvent, alors, demander à l'administration de leur faire connaître le sens et la portée d'un texte fiscal et ainsi se prévaloir, en cas de rehaussement, de l'interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration. Les entreprises peuvent même s'assurer auprès de l'administration qu'elles remplissent les conditions légales pour bénéficier de certains régimes de faveur. Un contribuable ayant consulté l'administration centrale sur un montage juridique est assuré d'échapper à la procédure de répression des abus de droit. Enfin, comble de l'anticipation, une entreprise peut demander à être contrôlée préventivement (LPF, art. L. 13 C). A la lecture de l'ensemble de ces procédures de rescrit, reste à l'administration fiscale de bien analyser la situation du contribuable et de prendre son temps, car sa position l'engagera, sous réserve de la bonne foi du contribuable, pour longtemps.
Du point de vue des libertés publiques, ces mesures concourent assurément à pacifier les relations entre les contribuables et leur administration fiscale, sous l'égide du droit de chaque Etat à prélever l'impôt confronté, en permanence, au droit de propriété. Du point de vue économique, il s'agit bien de faire entrer la matière fiscale dans le champs des prévisions comptables et de l'évaluation des risques pour le développement d'une activité. Le contribuable d'aujourd'hui, et plus singulièrement l'entreprise, cherche à se prémunir contre "les accidents de la vie", à l'image des personnes physiques, en multipliant les mesures préventives et autres assurances. Mais la sécurité fiscale a un coût : celui de se mettre à nu devant l'administration et de se laisser ausculter... Avec le risque de tomber sur un os.
C'est topiquement ce qui est arrivé à une association qui souhaitait avoir des précisions sur sa situation fiscale, dans un arrêt rendu le 26 mars 2008 par le Conseil d'Etat, sur lequel revient, cette semaine, Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice. Malheureusement, faire preuve de bonne volonté n'est pas toujours payant ; l'administration concluait à l'assujettissement aux impôts commerciaux, en dehors de toute opération de contrôle. Soucieuse d'apparaître en règle vis-à-vis de l'administration, mais contrariée par la décision de cette dernière, l'association entendait exercer un recours pour excès de pouvoir. Requête rejetée par le Haut conseil qui rappelle qu'une telle décision ne présente pas le caractère d'un acte détachable de la procédure d'imposition et n'est donc pas susceptible d'être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir, et ce, même si elle fait grief à l'association eu égard aux sujétions comptables qu'elle induit.
Le "tout préventif" s'arrête donc net devant la porte contentieuse : le contribuable ne peut pas contester une décision dépourvue d'effet fiscal direct afin de se prémunir d'un éventuel contrôle, puis contentieux. L'opposabilité de la doctrine administrative défavorable au contribuable ne peut donc pas venir engorger les tribunaux, et faire jurisprudence !
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