Réf. : Cass. civ. 1, 31 mai 2007, n° 05-21.316, M. Alain Maldjian, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5510DWY)
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
Débouté par les premiers juges, le pourvoi faisait valoir, devant la Cour de cassation, que dans un contrat synallagmatique, la cause de l'obligation d'une partie réside dans l'objet de l'obligation de l'autre, sa fausseté partielle donnant lieu à la réduction de ladite obligation à la mesure de la fraction subsistante, de telle sorte que, en décidant qu'il n'y avait pas lieu ici à réduction du prix, la cour d'appel avait violé l'article 1131 du Code civil.
Le pourvoi est, cependant, rejeté, la Haute juridiction affirmant, dans un attendu de principe, que "dans un contrat synallagmatique, la fausseté partielle de la cause ne peut entraîner la réduction de l'obligation".
Incontestablement, l'arrêt est d'une grande importance, comme en témoigne au demeurant, on l'a déjà relevé, la très large diffusion qu'a entendu en faire la Cour de cassation. Il s'agit de bien en saisir la portée.
Pour cela, il importe de rappeler qu'un arrêt de la même première chambre civile du 11 mars 2003 avait décidé que "la fausseté partielle de la cause n'entraîne pas l'annulation de l'obligation, mais sa réduction à la mesure de la fraction subsistante" (2). Manifestement, le pourvoi s'en était directement inspiré. Faut-il, dès lors, voir dans l'arrêt du 31 mai dernier, qui rejette le pourvoi, un revirement de jurisprudence ? Nous ne le pensons pas. L'arrêt du 11 mars 2003 précité concernait, en effet, une reconnaissance de dette, autrement dit un acte unilatéral et non pas un contrat. Comme l'a justement relevé une partie de la doctrine, l'acte litigieux n'avait ainsi pas pour objet un échange des prestations, mais bien plutôt la reconnaissance d'une dette antérieure, dont le montant était objectivement déterminé ou déterminable en dehors de la volonté des parties. Aussi bien, une fois fixé, au moyen d'une expertise, le montant de la somme réellement due, il devenait naturel de ne pas imposer le paiement d'une reconnaissance de dette d'un montant plus élevé. La réduction à la somme effectivement due est bien alors, dans ces circonstances, la sanction appropriée (3). Au reste, cette solution pouvait se recommander d'une tradition ancienne, remontant au droit romain, selon laquelle l'engagement de rembourser davantage que la somme effectivement remise donne lieu à réduction au montant de celle-ci (4).
Différente est, en revanche, l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 31 mai 2007 : il s'agissait, cette fois, d'un contrat synallagmatique. Or, la jurisprudence atteste dans son ensemble de ce que, dans cette hypothèse, l'absence partielle de cause ne peut servir de fondement généralisé à un contrôle de l'équivalence des prestations échangées (5), et ce afin de ne pas renverser le refus de sanction de la lésion qui demeure, en droit français, un principe. Aussi bien ce que l'absence partielle de cause ne peut pas réaliser -encore que, il est vrai, quelques arrêts ont pu paraître assouplir cette tendance en tentant de faire de la cause un instrument de justice contractuelle-, la fausseté partielle de cause ne saurait-elle davantage le faire. L'arrêt du 31 mai dernier aura au moins le mérite de clarifier la situation : la solution de l'arrêt du 11 mars 2003 ne vaut donc que pour le seul domaine qui est le sien, à savoir celui des engagements unilatéraux et, plus précisément, des reconnaissances de dettes.
(1) J. Carbonnier, Droit civil, Les obligations, 20ème éd., n° 58, p. 118.
(2) Cass. civ. 1, 11 mars 2003, n° 99-12.628, M. Jean-Yves Dagnaud c/ Charlotte Leparoux, veuve Dagnaud, FS-P (N° Lexbase : A4281A7P), Bull. civ. I, n° 67, JCP éd. G, 2003, I, 142, obs. J. Rochfeld, RTDCiv. 2003, p. 287, obs. J. Mestre et B. Fages.
(3) Voir not. l'analyse approfondie de J. Ghestin, Cause de l'engagement et validité du contrat, LGDJ, 2006, n° 1144 et s., spéc. n° 1157, p. 752.
(4) J. Ghestin, op. cit., n° 16.
(5) Voir not. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., 2005, n° 354, et les références citées.
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