La lettre juridique n°255 du 5 avril 2007 : Social général

[Jurisprudence] GPEC et licenciement pour motif économique : la position de la cour d'appel de Paris

Réf. : CA Paris, 14ème ch., sect. A, 7 mars 2007, n° 06/17500, Société Nextiraone France c/ Syndicat CGT Ufict du personnel de Nextiraone France (N° Lexbase : A7707DUY)

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N6192BAL

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le 07 Octobre 2010


Par un arrêt très attendu rendu le 7 mars dernier, la cour d'appel de Paris est venue apporter sa réponse à la lancinante question de l'articulation de l'obligation triennale de négocier la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) et de la mise en oeuvre d'un projet de licenciement économique. Pour les magistrats parisiens, il y a lieu d'ordonner la suspension de la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise au titre des livres IV et III du Code du travail, le temps, pour l'employeur, d'engager la négociation sur la GPEC et de mener à terme la consultation des institutions représentatives du personnel sur cette même GPEC. Loin de convaincre, cette décision n'en rend que plus pressante l'intervention en la matière de la Cour de cassation.


Résumé

La procédure d'information-consultation de l'article L. 432-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6401AC3) n'est pas subordonnée à une situation donnée de l'entreprise, mais imposée, de façon générale, par ce texte. Le respect de cette procédure est, cependant, d'autant plus utile et nécessaire à l'appréciation par les représentants du personnel d'un projet de réorganisation qu'elle intervient avant la mise en oeuvre de ce projet. De même, la procédure de négociation de l'article L. 320-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8919G7H) est d'autant plus impérative qu'un employeur envisage une décision susceptible d'avoir des effets sur l'emploi et que le comité d'entreprise la sollicite pour cette raison. La négociation sur la GPEC n'a de pleine utilité, dans une telle hypothèse, que si elle intervient avant la prise de décision sur la modification des emplois et les éventuels licenciements. Le non-respect de ces dispositions constitue, par suite, un trouble manifestement illicite et doit entraîner la suspension de la procédure d'information-consultation des institutions représentatives du personnel, au titre des livres IV et III du Code du travail, tant que l'employeur n'a pas respecté les obligations précitées.

Décision

CA Paris, 14ème ch., sect. A, 7 mars 2007, n° 06/17500, Société Nextiraone France c/ Syndicat CGT Ufict du personnel de Nextiraone France (N° Lexbase : A7707DUY)

Confirmation de l'ordonnance du 5 octobre 2006 rendue par le Tribunal de grande instance de Paris (RG n° 06/57817)

Textes concernés : C. trav., art. L. 320-2 (N° Lexbase : L8919G7H) ; C. trav., art. L. 432-1-1 (N° Lexbase : L6401AC3).

Mots-clés : gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ; licenciement économique ; comité d'entreprise ; information et consultation.

Liens bases : ; .

Faits

La société Alcatel Réseaux d'Entreprise, issue du groupe Alcatel, a été acquise en janvier 2002 par le groupe américain Platinium Equity. Elle est, alors, devenue la société Nextiraone France SAS, dotée d'un comité central d'entreprise (CCE) et de 5 comités d'établissement correspondant à des structures régionales. Le 20 avril 2006, le CCE de Nextiraone France a été informé du fait que le groupe Nextiraone Europe avait été cédé au groupe ABN AMRO Capital France, succédant à Platinium Equity en qualité d'actionnaire.

Le 29 juin 2006, Nextiraone France a convoqué le CCE à une réunion dans le cadre d'une information au titre du livre IV du Code du travail, dont l'objet était la "remise d'un document d'information relatif à la situation économique de l'entreprise". Ce document évoquait la suppression, sur 3 ans, de 322 postes et des modifications d'emplois. Il précisait qu'un "plan de sauvegarde de l'emploi serait élaboré dans le cadre de l'information et de la consultation du CCE et des comités d'établissement au titre du livre III du Code du travail qui suivrait la consultation du CCE sur le projet de restructuration au titre du livre IV du Code du travail". L'information en vue d'une consultation au titre du livre IV sur le projet d'adaptation et de réorganisation de Nextiraone France s'est poursuivie lors de réunions du CCE des 12, 20 et 27 juillet 2006, cette instance mettant en oeuvre une procédure d'alerte au sens de l'article L. 432-5 du Code du travail (N° Lexbase : L6411ACG).

Des représentants du personnel ont alors dénoncé un défaut de GPEC et de négociation sur ce sujet, tandis que le syndicat CGT faisait valoir, le 4 août 2006, que la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, dite de cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49), avait introduit dans le Code du travail un article L. 320-2 faisant obligation de négocier, notamment, sur ce sujet. Par lettre du 23 août 2006, la direction générale de Nextiraone France disait être consciente de l'obligation de négociation prévue par ces dispositions, mais ne "pas avoir attendu" ces dispositions pour mettre en place une telle gestion prévisionnelle.

Le syndicat CGT de Nextiraone France a, finalement, saisi le juge des référés du TGI de Paris sur le fondement des articles L. 320-2 et L. 432-1-1 du Code du travail, afin qu'il soit ordonné à cette société d'engager, sans délai, les négociations prévues à l'article L. 320-2 du Code du travail et de lui faire défense de poursuivre la procédure d'information consultation en cours. Par ordonnance du 5 octobre 2006, le juge des référés du TGI de Paris a :
- ordonné à Nextiraone France d'engager sans délai et dès la signification de cette décision les négociations prévues à l'article L. 320-2 du Code du travail ;
- enjoint à Nextiraone France d'engager sans délai la procédure d'information-consultation du CCE sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, conformément à l'article L. 432-1-1 du Code du travail ;
- suspendu la procédure d'information consultation du CCE au titre du livre IV et du livre III, tant que Nextiraone n'aurait pas, d'une part, engagé les négociations prévues à l'article L. 320-2 du Code du travail et, d'autre part, mené à terme la procédure d'information-consultation du CCE sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Le 9 octobre 2006, Nextiraone France a interjeté appel de cette décision. Elle a, notamment, fait valoir que la négociation prévue à l'article L. 320-2 du Code du travail "n'a pas à être engagée avant le 20 janvier 2008" et que la violation des articles L. 320-2 et L. 432-1-1 du Code du travail n'est pas susceptible d'entraver l'engagement d'une information consultation du CCE au titre de l'article L. 432-1 du Code du travail (livre IV) ou au titre de l'article L. 321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0048HD7) (livre III). En conséquence, le juge des référés ne pouvait pas lui enjoindre d'engager la négociation au titre de l'article L. 320-2 du Code du travail, suspendre la procédure d'information-consultation au titre du livre IV par référence aux négociations et consultations à mener sur le fondement des articles L. 320-2 et L. 432-1-1 du Code du travail, ni ordonner cette suspension jusqu'à ce que la procédure d'information-consultation de l'article L. 432-1-1 soit menée à terme.

Solution

"[Considérant] que la procédure d'information-consultation de l'article L. 432-1-1 n'est pas subordonnée à une situation donnée de l'entreprise, mais imposée, de façon générale, par ce texte ; que le respect de cette procédure est, cependant, d'autant plus nécessaire à l'appréciation, par les représentants du personnel, d'un projet de réorganisation tel que celui en cause, que cette procédure n'a de pleine utilité, dans une telle hypothèse, que si elle intervient avant la mise en oeuvre de ce projet ;

Que, de même, la procédure de négociation de l'article L. 320-2 du Code du travail, dont la vocation est préventive et qui définit, en premier lieu, des modalités d 'information et de consultation du comité d'entreprise est imposée de façon générale ; qu'elle est, cependant, d'autant plus impérative qu'un employeur envisage une décision susceptible d'avoir des effets sur l'emploi et que le comité d'entreprise la sollicite pour cette raison ; que la négociation sur la GPEC n'a de pleine utilité, dans une telle hypothèse, que si elle intervient avant la prise de décision sur la modification des emplois et les éventuels licenciements ;

Que c'est donc pertinemment que le premier juge a dit que le non-respect par Nextiraone France des dispositions précitées constituait un trouble manifestement illicite et suspendu la procédure d'information-consultation du CCE au titre du livre IV et du livre III tant que Nextiraone ne les aurait pas respectées, mesure propre à faire cesser le trouble ;

Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise et de rejeter les demandes de Nextiraone".

Observations

1. Les données du problème

  • Les obligations pesant sur l'employeur en matière de GPEC

Projetée sur le devant de la scène par la loi du 18 janvier 2005 (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, préc.), la GPEC est, en réalité, apparue bien avant cette date, ainsi que s'emploie à le souligner la cour d'appel de Paris dans le présent arrêt. En effet, on en trouve déjà trace dans l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969, relatif à la sécurité de l'emploi, qui stipule que les entreprises doivent jouer leur rôle dans la politique de sécurité de l'emploi et s'efforcer, dans tous les cas, de faire des prévisions de façon à établir les bases d'une politique de l'emploi. Ensuite, les juges d'appel citent l'article L. 432-1-1 du Code du travail, créé par la loi du 2 août 1989 relative à la prévention du licenciement économique et au droit de conversion (N° Lexbase : L7352HUT). Aux termes de cette disposition, le comité d'entreprise est informé et consulté sur "l'évolution de l'emploi et des qualifications dans l'entreprise au cours de l'année passée [...], sur les prévisions annuelles ou pluriannuelles et les actions, notamment de prévention et de formation, que l'employeur envisage de mettre en oeuvre compte tenu de ces prévisions, particulièrement au bénéfice des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification qui les exposent plus que d'autres aux conséquences de l'évolution économique ou technologique" (1).

Jusqu'à aujourd'hui, cette disposition était restée quelque peu dans l'ombre et avait été négligée tant par les entreprises que par les comités d'entreprise, qui n'en ont pas souvent réclamé l'application (v., en ce sens, Sem. soc. Lamy, n° 1299, p. 12) (2). Le fait que ce cas d'information-consultation du comité ne soit pas associé à une décision particulière de l'employeur n'y est, sans doute, pas étranger et rend par là même critiquable, ainsi que nous le verrons, les conséquences qu'en tire la cour d'appel.

Enfin, on ne saurait omettre de mentionner, avec les juges d'appel, l'article L. 320-2 du Code du travail, objet depuis quelques mois de bien des errements jurisprudentiels. Il résulte, en substance, de ce texte, issu de la loi du 18 janvier 2005, que, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l'employeur est tenu d'engager tous les 3 ans une négociation portant sur la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que sur les mesures d'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés.

  • L'articulation de la GPEC et d'un projet de licenciement économique

L'avènement dans notre droit positif de l'article L. 320-2 a fait naître une question de principe d'une importance pratique considérable : l'exécution de l'obligation triennale de négocier est-elle un préalable indispensable à la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour motif économique et spécialement à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ? (sur cette question, v., en dernier lieu, P.-H. Antonmattéi, GPEC et licenciement pour motif économique : le temps des confusions judiciaires : Dr. soc. 2007, p. 289).

On serait tenté de dire, à la lecture de l'article L. 320-2, que cette interrogation est née de manière bien précoce. En effet, il résulte de ce texte même que les entreprises ont jusqu'au 20 janvier 2008 pour mener à bien la négociation en matière de GPEC. Or, on ne voit pas à quel titre il pourrait reproché à un employeur de n'avoir pas respecté cette obligation de négocier avant cette date butoir. Un rapide examen de la jurisprudence rendue en la matière à ce jour démontre que les juges du fond n'ont pas tous été sensibles à cette argumentation à laquelle certains ne manqueront pas de reprocher son caractère simpliste (3).

Ainsi, dans une ordonnance du 5 octobre 2006, sur laquelle la cour d'appel de Paris était précisément appelée à se prononcer dans l'arrêt commenté, le TGI de Paris n'a pas hésité à ordonner à l'employeur d'engager les négociations sur la GPEC et l'a enjoint à engager la procédure de consultation du comité d'entreprise sur cette même GPEC, conformément à l'article L. 432-1-1 du Code du travail. Il a, par voie de conséquence, suspendu la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise au titre des livres IV et III du Code du travail dans l'attente du respect par l'employeur de cette double obligation.

C'est cette solution que la cour d'appel vient confirmer dans l'arrêt rendu le 7 mars 2007, même si elle adopte une argumentation beaucoup plus nuancée.

2. La solution du problème retenue par la cour d'appel de Paris

  • Présentation

Appliquant à la lettre l'article L. 320-2 du Code du travail, la cour d'appel commence par relever que la négociation sur la GPEC doit être engagée, pour la première fois, avant le 20 janvier 2008, date qui constitue "l'échéance d'un premier délai de trois ans depuis la promulgation de ce texte". Or, la société employeur, qui s'était vue "réclamer l'ouverture de telles négociations à raison d'un projet de mutation économique dont il convenait de prévenir les conséquences annoncées, se devait de satisfaire à cette obligation".

Ensuite, la cour d'appel de Paris souligne que la société employeur ne conteste pas avoir violé les dispositions de l'article L. 432-1-1 du Code du travail "en ne mettant pas en oeuvre une procédure annuelle d'information-consultation qui était le moyen de rendre compte des résultats obtenus et des effets escomptés à l'avenir de la GPEC, en prévenant les écarts pouvant apparaître entre ses besoins et ses ressources en personnel". Elle en conclut que la société se devait de mettre en oeuvre cette procédure dont il est, en outre, précisé qu'elle n'est pas "subordonnée à une situation donnée de l'entreprise, mais imposée, de façon générale par ce texte". Et la cour d'appel d'affirmer, en suivant, que "le respect de cette procédure est, cependant, d'autant plus nécessaire à l'appréciation, par les représentants du personnel, d 'un projet de réorganisation tel que celui en cause [et] que cette procédure n'a de pleine utilité, dans une telle hypothèse, que si elle intervient avant la mise en oeuvre de ce projet".

Revenant, enfin, à la procédure de négociation de l'article L. 320-2 du Code du travail, la cour d'appel de Paris souligne qu'elle est "d'autant plus impérative qu'un employeur envisage une décision susceptible d'avoir des effets sur l'emploi et que le comité d'entreprise la sollicite pour cette raison ; que la négociation sur la GPEC n'a de pleine utilité, dans une telle hypothèse, que si elle intervient avant la prise de décision sur la modification des emplois et les éventuels licenciements".

En conclusion de ce raisonnement, les magistrats saisis du litige approuvent les premiers juges d'avoir dit que le non-respect par la société employeur des dispositions précitées constituait un trouble manifestement illicite et suspendu la procédure d'information-consultation du CCE au titre des livres IV et III tant que la société ne les aurait pas respectées, mesure propre à faire cesser le trouble.

  • Critiques

Précisons-le d'emblée, le dispositif de GPEC revêt, à nos yeux, une importance fondamentale et il importe que les employeurs respectent en la matière toutes les obligations prescrites par la loi, sous le contrôle vigilant et rigoureux du juge. Il n'en demeure pas moins que, d'un point de vue juridique, la solution retenue par la cour d'appel de Paris dans cet arrêt du 7 mars 2007 peut être critiquée.

En premier lieu, et ainsi que cela a été parfaitement démontré par un auteur (P.-H. Antonmattéi, op. cit., spéc., p. 290, note 9), on ne voit pas en quoi le non-respect par l'employeur de l'obligation d'information-consultation prescrite par l'article L. 432-1-1 du Code du travail est de nature à entraîner la suspension de la procédure de licenciement pour motif économique. Tout d'abord, ce texte ne fait aucun lien entre cette information-consultation annuelle, détachée de tout projet, et la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour motif économique. Ensuite, s'il est possible d'obtenir en justice la suspension d'une décision de l'employeur en l'absence de consultation du comité d'entreprise, encore faut-il, par définition, que la loi vise une décision patronale exigeant, avant d'être mise en oeuvre, le respect des prérogatives économiques du comité. Or, aucune décision patronale n'étant visée par l'article L. 432-1-1, ce n'est qu'au prix d'une grande acrobatie juridique que l'on peut suspendre une décision ne relevant pas de son champ d'application (4). Si suspension il doit y avoir, ce n'est pas sur le fondement de cette disposition.

Reste, alors, à savoir si le non-respect de l'obligation de négocier la GPEC autorise le juge à suspendre la procédure de licenciement pour motif économique. C'est, on l'aura compris, ici que se situe le coeur du problème. Sans vouloir se répéter, on rappellera à nouveau qu'il peut d'abord paraître curieux que l'on reproche à un employeur d'avoir violé une obligation dont la loi elle-même dit qu'il a jusqu'au 20 janvier 2008 pour la respecter. Ensuite, le législateur n'a pas, de manière expresse, lié l'obligation de négocier prévue par l'article L. 320-2 du Code du travail à la mise en oeuvre d'une procédure d'information-consultation au titre des livres IV et III du Code du travail (v., en ce sens, P.-H. Antonmattéi, art. préc., pp. 290-291). Partant, on peut considérer que c'est solliciter à l'excès les textes pour affirmer, comme le fait la cour d'appel en l'espèce, que cette procédure doit être suspendue tant que l'obligation de mener cette négociation n'a pas été respectée. Enfin, et d'un point de vue pratique, on ne peut qu'être dubitatif sur l'intérêt d'une telle obligation à un moment où le projet de restructuration a, d'ores et déjà, été décidé.

Au-delà, on est enclin à affirmer qu'il est extrêmement contestable qu'un employeur envisage de procéder à des licenciements économiques, sans avoir, à aucun moment, envisagé une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences de nature à atténuer les conséquences sociales d'une restructuration (5). Mais, la sanction d'une telle "légèreté" peut, sans doute, être recherchée ailleurs que dans la suspension de la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise et dans l'obligation de mener la négociation de la GPEC à un moment où il y a peu de chances qu'elle produise des effets salutaires pour les salariés, sauf à retarder l'inévitable. La Cour de cassation a, d'ores et déjà, laissé entendre que l'absence ou la défaillance de la GPEC pourrait avoir des répercussions sur l'appréciation de la cause réelle et sérieuse des licenciements (6). Le troisième alinéa de l'article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K) milite en ce sens, même s'il a pu être argumenté en sens contraire (7).

Au total, on est conduit à affirmer que la décision de la cour d'appel de Paris en date du 7 mars 2007 n'emporte pas la conviction, même si, répétons-le, on ne saurait passer outre le fait qu'un employeur puisse procéder à une restructuration aux conséquences sociales négatives sans jamais s'être préoccupé de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. On ne peut, ici, se départir du sentiment que les juges sont allés au-delà des prescriptions légales qui, il est vrai, sont sujettes à des interprétations divergentes. A telle enseigne que la cour d'appel de Versailles a pu retenir, dans une situation comparable, une solution opposée (CA Versailles, 14ème ch., 15 novembre 2006, n° 06/06930, Comité central d'entreprise Yoplait c/ SAS Yoplait France N° Lexbase : A9971DTH). Il faut, désormais, attendre que la Cour de cassation prenne position afin de redonner en la matière une certaine sécurité juridique qui, pour l'heure, fait gravement défaut.

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Ce même article ajoute que l'employeur apporte toutes explications sur les écarts éventuellement constatés entre les prévisions et l'évolution effective de l'emploi, ainsi que sur les conditions d'exécution des actions prévues au titre de l'année écoulée. Enfin, cette consultation doit s'appuyer sur un rapport d'information préalablement remis par l'employeur.
(2) L'absence d'arrêt significatif en la matière en atteste.
(3) Pour une synthèse de cette jurisprudence, qui peut se résumer en quatre propositions, v. la Sem. soc. Lamy, préc., p. 13.
(4) Il n'en demeure pas moins que le non-respect des dispositions de l'article L. 432-1-1 peut donner lieu à une condamnation pour délit d'entrave. De même, le comité d'entreprise à un intérêt à agir pour obtenir des dommages-intérêts, voire pour faire ordonner à l'employeur de procéder à l'information et à la consultation prévues par ce texte.
(5) Relevons qu'en l'espèce la société employeur avait, dans une lettre du 23 août 2006, affirmé "être consciente de l'obligation de négociation prévue par ces dispositions, mais ne pas avoir attendu ces dispositions pour mettre en place une telle gestion prévisionnelle".
(6) V., en ce sens, le communiqué accompagnant les fameux arrêts Pages jaunes du 11 janvier 2006 (Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-46.201, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3500DML ; Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 05-40.977, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3522DME ; lire les obs. de Ch. Radé, Un nouveau pas en avant pour le licenciement économique fondé sur la sauvegarde de la compétitivité des entreprises, Lexbase Hebdo n° 198 du 19 janvier 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3341AKX). 
(7) P.-H. Antonmattéi, art. préc., p. 292, pour qui il vaut mieux retenir une sanction autonome à l'absence ou à l'insuffisance de la GPEC.

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