La lettre juridique n°246 du 1 février 2007 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Doctrine administrative] La nouvelle instruction "associations" à l'épreuve du droit communautaire

Réf. : Instruction du 18 décembre 2006, BOI n° 4 H-5-06 (N° Lexbase : X7805ADG)

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N8360A9I

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le 07 Octobre 2010

L'administration fiscale vient de publier une nouvelle instruction à propos du régime fiscal applicable aux organismes sans but lucratif qu'elle désigne par le sigle OSBL. Elle "a pour objet de présenter dans un document unique le régime fiscal d'ensemble de ces organismes tel qu'il a été défini" par cinq précédentes instructions (1). De plus, elle commente les modifications apportées par le législateur à la définition de la gestion désintéressée de ces organismes (2). La synthèse de l'interprétation administrative antérieure des règles françaises étant l'objectif, l'absence d'innovation dans le sens de la conformité du droit interne au droit communautaire ne surprendra pas. Il est, à cet égard, symptomatique que les expressions "sixième Directive" ou "Directive 2006/112/CE", "droit communautaire" ou "Cour de justice des communautés européennes" soient ignorées par cette instruction "OSBL". En désignant comme bénéficiaires potentiels de l'exonération de TVA les "associations visées par la loi de 1901 ainsi que les congrégations religieuses, associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, fondations reconnues d'utilité publique et fondations d'entreprise (désignées sous le terme 'organismes sans but lucratif' ou 'organismes' dans la présente instruction)", l'administration fiscale en écarte les personnes physiques. A tort, car la CJCE inclut dans la catégorie des organismes culturels exonérés de TVA par l'article 13 A § 1 n de la 6ème Directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9), devenu article 132 § 1 n de la Directive 2006/112/CE (N° Lexbase : L7664HTZ), les solistes se produisant à titre individuel (3). Au point 17 de l'arrêt "Gregg" (4), la Cour de Luxembourg a jugé, s'agissant de l'article 13, A, § 1, b et g, de la 6ème-Directive TVA, devenu article 132 § 1 b et g de la Directive 2006/112/CE, relatif à certaines prestations sociales et de soins, que le terme "organisme" est en principe suffisamment large pour inclure également des personnes physiques et que le bénéfice des exonérations visées à ladite disposition n'est pas limité aux seules opérations réalisées par des personnes morales, mais peut s'étendre aux opérations effectuées par des particuliers. La Cour a précisé, au point 18 du même arrêt, que, si la notion d'"organisme" suggère l'existence d'une entité individualisée accomplissant une fonction particulière, cette condition est également remplie par une ou plusieurs personnes physiques exploitant une entreprise.

La hiérarchie des sources du droit interdit aux Etats membres de réserver la qualification d'organismes aux seules personnes morales. L'administration fiscale paraît oublier la primauté du droit communautaire, non seulement quant au sens du terme "organismes", mais aussi à l'égard du caractère social des prestations ou organismes visés par la 6ème Directive TVA remplacée par la Directive 2006/112/CE et de leur caractère non lucratif.

1. Le caractère social des prestations ou organismes visés par la 6ème Directive-TVA devenue Directive 2006/112/CE

L'instruction "OSBL" comprend trois chapitres consacrés aux critères de non-lucrativité, aux liens privilégiés avec des entreprises et aux mesures spécifiques d'exonération. Aussi, faut-il observer que l'administration n'entend pas interpréter différemment les conditions d'exonération des organismes sans but lucratif selon qu'il s'agit de la TVA, de l'IS, de la taxe professionnelle ou de la taxe d'habitation, sauf lorsqu'il existe des mesures d'exonération propres à chaque impôt. Le commentateur en vient alors à se demander si l'administration considère que l'exonération de TVA pourrait concerner d'autres hypothèses que celles visées par la 6ème directive-TVA. A priori, la réponse est négative car les numéros 62 et suivants de l'instruction commentée visent l'utilité sociale, comme, apparemment, la 6ème Directive-TVA. En effet, l'article 13 A 1 de la 6ème Directive-TVA, devenu article 132 § 1 de la Directive 2006/112/CE exonère "b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ; g) les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'Etat membre concerné ; h) les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à la protection de l'enfance et de la jeunesse, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'Etat membre concerné".

Les dispositions précitées paraissent exonérer de TVA les services à caractère social par l'âge, la santé ou les difficultés d'insertion des bénéficiaires. Aucun Etat membre ne peut aller au-delà. La CJCE considère, en effet, que "l'article 13, A, de la sixième Directive vise à exonérer de la TVA certaines activités d'intérêt général. Cependant, cette disposition exclut non pas toutes les activités d'intérêt général de l'application de la TVA, mais uniquement celles qui y sont énumérées et décrites de manière très détaillée" (5). De plus, selon une jurisprudence constante, la CJCE considère que les exonérations prévues à l'article 13 A, devenu article 132 § 1 de la Directive 2006/112/CE, sont des notions autonomes du droit communautaire ayant pour objet d'éviter des divergences dans l'application du régime de TVA (6). Enfin, "les termes employés pour désigner les exonérations visées à l'article 13 de la sixième Directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti" (7).

A cet égard, la conformité du CGI au droit communautaire peut prêter à discussion. Ce dernier exonère, sous conditions, d'IS et de TVA les organismes sans but lucratif. L'article 206, 1 bis, du CGI (N° Lexbase : L3083HNI) vise toute structure légalement constituée dont la gestion est désintéressée. L'article 207, 1-5° bis (N° Lexbase : L0808HPM), précise que cette exonération s'applique aux "organismes sans but lucratif mentionnés au 1º du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée". Ce dernier exonère de TVA "a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée [...] b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient".

L'article 13 A 1 de la 6ème Directive-TVA, devenu article 132 § 1 de la Directive 2006/112/CE, exonère les services d'assistance sociale et de sécurité sociale ainsi que les services éducatifs, sportifs et culturels, sans réserver cette faveur aux seuls services fournis aux membres de l'organisme concerné. Observons déjà que l'article 261, 7 1° a, du CGI (N° Lexbase : L1198HP3) méconnaît le droit communautaire. Quels qu'en soient les bénéficiaires, les services à caractère social, éducatif, sportif et culturel rendus par les organismes sans but lucratif sont exonérés sur tout le territoire de l'Union européenne. L'instruction "OSBL", en ce qu'elle reprend, aux numéros 92 et suivants, la limitation française, mérite le même reproche. Pourtant, lorsque l'article 261, 7 1° b, du CGI revient sur l'exonération des services à caractère social pour l'ouvrir à tout service de cette nature rendu à quiconque, il se conforme apparemment au droit communautaire. Il en va de même de l'instruction "OSBL" lorsqu'elle renvoie l'analyse des services à caractère social rendus aux tiers au titre 1 précisant les critères d'exonération en général des organismes sans but lucratif.

Cependant, il n'apparaît pas certain que l'esprit de la 6ème Directive TVA et sa refonte par la Directive 2006/112/CE soient respectés. Ces Directives exonèrent "les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale", c'est-à-dire l'aide liée à la santé, l'âge ou les difficultés d'insertion. S'agissant des autres services rendus "à son prochain" par esprit de solidarité, elle désigne expressément la philanthropie, mais au seul profit des membres de l'organisme (8). L'instruction OSBL se réfère à l'utilité sociale, expression inconnue de la 6ème Directive-TVA et de la Directive 2006/112/CE. Plus précisément, l'administration fiscale entend exonérer de TVA et d'IS "l'activité qui tend à satisfaire un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou qui l'est de façon peu satisfaisante [...] des organismes sans but lucratif qui, agissant dans leur secteur d'intervention, peuvent contribuer à l'exercice d'une mission d'intérêt général, voire de service public". Compte tenu de la jurisprudence communautaire précitée, les activités et organismes visés par l'administration ne sauraient être exonérés que de l'IS, non de la TVA. En matière sociale, seuls sont exonérés de TVA les organismes fournissant à quiconque, pas seulement à leurs adhérents, une aide liée à la santé, l'âge ou aux difficultés d'insertion.

Les prestations de nature sportive, éducative ou culturelle, fournies par un organisme sans but lucratif sont exonérées de plein droit, que le bénéficiaire soit un membre de l'organisme ou un tiers, cela sans avoir besoin de considérer ces prestations comme des prestations de nature sociale relevant de l'article 261, 7 1° b, lequel est, rappelons le, contraire à la 6ème Directive-TVA. Ainsi, la célèbre affaire de la patinoire, "Association Jeune France" (9), laquelle concernait une activité de nature sportive et non sociale aurait trouvé la même solution, l'exonération, en considérant les prestations sportives rendues à tous, sans avoir besoin de passer par la requalification.

Comme le caractère social des OSBL et la désignation des bénéficiaires de leurs prestations ouvrant droit à exonération, l'interprétation administrative de la condition de non-lucrativité suscite interrogation.

2. Le caractère non lucratif des organismes visés par la 6ème Directive-TVA devenue Directive 2006/112/CE

Comme précédemment, l'administration fiscale entend apprécier le caractère lucratif de chaque activité et non de l'organisme (10). Or, en matière de TVA, la CJCE préconise la recherche du caractère non lucratif des organismes susceptibles de bénéficier de l'exonération prévue par l'article 13 A de la 6ème Directive-TVA "en prenant en considération l'ensemble des activités" de l'organisme, peu importe que l'organisme "cherche systématiquement à générer des excédents qu'il affecte par la suite à l'exécution de ses prestations" (11). C'est donc à tort que l'administration fiscale affirme, au numéro 193 de l'instruction commentée que "le caractère non lucratif d'ensemble de l'organisme n'est pas contesté si les opérations lucratives sont dissociables de l'activité principale non lucrative". La même observation s'impose lorsque l'administration subordonne la sectorisation à la distinction entre activités (12).

S'agissant des organismes fournissant des prestations sportives, la CJCE prend en considération toutes les activités car l'absence de but lucratif doit caractériser l'organisme et non chacune de ses activités. L'article 13 A § 1 de la 6ème Directive-TVA, devenu article 132 § 1 de la Directive 2006/112/CE, fait ainsi l'objet d'une lecture littérale. Ce texte exonère, notamment, "certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l'éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif" et non lesdites prestations fournies sans but lucratif. Si le caractère non lucratif s'attachait aux prestations favorisant la pratique du sport et non à l'organisme, les entreprises commerciales fournissant, entre autres, de telles prestations seraient en droit de réclamer l'exonération. Or, le droit communautaire vise à favoriser certains organismes désintéressés essentiellement au service d'autrui. En n'écartant pas l'exonération des services sportifs rendus pour un prix supérieur au coût de revient, la CJCE envisage le financement des activités sportives déficitaires par une activité bénéficiaire. Cette interprétation ne risque-t-elle pas d'encourager les associations à concurrencer le secteur commercial ? L'article 13 A § 2-b de la 6ème Directive-TVA, devenu article 134 de la Directive 2006/112/CE, prévient pareil danger en excluant de l'exonération les prestations "essentiellement destinées à procurer à l'organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d'opérations effectuées en concurrence directe avec celles d'entreprises commerciales soumises à la TVA".

Plus généralement, l'article 13 A 2 a de la 6ème Directive-TVA, devenu article 133 de la Directive 2006/112/CE, prévoit que "Les Etats membres peuvent subordonner, cas par cas, l'octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues au paragraphe 1 sous b), g), h), i), l), m) et n) au respect de l'une ou plusieurs des conditions suivantes :

- les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l'amélioration des prestations fournies,

- ils doivent être gérés et administrés à titre essentiellement bénévole par des personnes n'ayant, par elles-mêmes ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation,

- ils doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n'excédant pas de tels prix homologués ou, pour les opérations non susceptibles d'homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la taxe sur la valeur ajoutée,

- les exonérations ne doivent pas être susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée".

L'article 261, 7 1°, du CGI généralise les deux premières conditions, non-lucrativité et gestion désintéressée. Son b reprend apparemment la troisième condition à l'égard des organismes ouverts, mais en occultant la pratique de prix inférieurs à ceux fixés par les entreprises commerciales assujetties à la TVA. Si le libellé français, par l'expression "que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales" laisse supposer la pratique de prix inférieurs, il n'en demeure pas moins qu'il permet une interprétation plus audacieuse. La cour administrative d'appel de Paris a ainsi jugé que ne concurrence pas les entreprises privées, l'association vendant à des prix nettement supérieurs à ceux du marché des objets fabriqués par une coopérative employant des travailleurs handicapés, les bénéfices étant reversés à la coopérative qui fabrique ces objets. Peu importe l'utilisation de la publicité et du démarchage. La fraction du prix supérieur à celui du marché s'analyserait en un don (13). L'instruction commentée s'en tient à la 6ème Directive-TVA, maintenant Directive 2006/112/CE, en précisant, au numéro 69 qu'"Il convient d'évaluer si les efforts faits par l'organisme pour faciliter l'accès du public se distinguent de ceux accomplis par les entreprises du secteur lucratif, notamment par un prix nettement inférieur pour des services de nature similaire. Cette condition peut éventuellement être remplie lorsque l'organisme pratique des tarifs modulés en fonction de la situation des clients".

Ce contexte communautaire et interne amène à se demander comment concilier l'exigence d'une pratique de prix inférieurs à ceux du marché avec la réalisation de bénéfices admise par la CJCE et par notre administration fiscale, mais seulement en vue de faciliter l'exercice des activités non excédentaires et objet de l'organisme sans but lucratif (14). Ils peuvent résulter, selon l'administration fiscale, d'une gestion saine et prudente, mais aussi de la gestion désintéressée. Par ailleurs, dans les pays n'ayant pas transposé la faculté de poser une condition de pratique de prix inférieurs, le problème ne se pose pas. La réalisation de profits par les organismes sans but lucratif en France pourrait aussi s'expliquer par la possibilité de pratiquer des prix supérieurs à ceux du marché. L'article 261, 7 1° b, du CGI lie l'exonération à l'homologation des prix ou à l'inexistence d'opérations analogues à des prix comparables et non à des prix inférieurs à ceux du marché. En réalité cette condition française conjugue la troisième et la quatrième condition que chaque Etat membre peut poser, selon l'article 13 A 2 a de la 6ème Directive-TVA, devenu article 133 de la Directive 2006/112/CE. La quatrième condition évoque l'absence de concurrence, pas la troisième, consacrée à l'homologation des prix ou la pratique de prix inférieurs à ceux du marché. L'instruction commentée illustre la confusion faite entre ces deux conditions. Les numéros 56 à 71 traitent des "4 P", produit, public, prix et publicité pour expliquer la différence entre un organisme dans le secteur concurrentiel et un organisme sans but lucratif.

Ce mélange des conditions relatives aux prix et à la concurrence amène à douter que l'administration fiscale puisse écarter l'exonération des organismes ne pratiquant pas des prix inférieurs à ceux du marché. Les Etats membres qui adoptent les dispositions facultatives offertes par la 6ème Directive-TVA, Directive 2006/112/CE depuis sa refonte, doivent en faire une transposition fidèle, comme en matière de dispositions obligatoires. Tel est l'enseignement de l'arrêt "P. Charles et T. S. Charles-Tijmens", rendu par la CJCE le 14 juillet 2005. Pour avoir fait une interprétation originale de la faculté de taxer les prestations à soi-même, les Pays-Bas ont du admettre la déduction intégrale de la TVA ayant grevé l'acquisition d'un bien affecté partiellement à une activité imposable (15). La même conclusion s'impose à propos de l'option du bailleur d'immeuble pour la TVA offerte aux Etats membres par le droit communautaire. Le 30 mars 2006, la CJCE a considéré que la Finlande ne pouvait faire une interprétation originale de l'article 13 C, alinéa 2, de la 6ème Directive-TVA (16) en interdisant aux bailleurs ayant opté de récupérer la TVA supportée sur l'immeuble concerné avant l'option (17).

Le respect du droit communautaire en matière de gestion désintéressée des organismes sans but lucratif et de définition des dirigeants paraît plus sûr. A juste titre, l'administration fiscale considère que cette condition relative à la gestion est remplie si "- l'organisme est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ; - l'organisme ne procède à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelle que forme que ce soit ; - les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports". En cela, l'administration fiscale se conforme au droit commun. La lucrativité ne dépend pas de la réalisation d'excédents, mais plutôt de la distribution ou non des bénéfices. La loi de 1901 définit l'association à but non lucratif comme "la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices".

La CJCE admet que chaque Etat membre puisse préciser dans quelle mesure l'intérêt financier ou la rétribution des dirigeants est compatible avec la gestion à titre essentiellement bénévole (18). La France autorise une rémunération limitée des dirigeants sous condition de ressources de l'organisme (19) et notre administration fiscale considère que la gestion demeure désintéressée si la rémunération brute mensuelle totale versée aux dirigeants de droit ou de fait n'excède pas les trois quarts du SMIC (20). Comme la CJCE, l'administration fiscale n'exclut pas l'emploi de salariés (21), y compris dans les organes de direction (22). De même, n'y a-t-il aucune discordance entre l'interprétation communautaire et l'interprétation administrative de la notion de dirigeants. Il convient de prendre en considération les dirigeants de fait comme de droit (23). Le bénévolat doit inspirer la direction et non un dirigeant en particulier. La CJCE qualifie de dirigeants de fait d'un organisme sans but lucratif les personnes qui "prennent les décisions de dernier ressort relatives à la politique dudit organisme, notamment dans le domaine financier" et qui "effectuent les tâches de contrôle supérieures". Notre administration fiscale ne dit pas autre chose en affirmant que "les dirigeants de fait s'entendent des personnes qui remplissent des fonctions normalement dévolues aux dirigeants de droit, qui exercent un contrôle effectif et constant de l'association et qui en définissent les orientations". Est dirigeant celui qui décide, donne des instructions et traite avec les partenaires de l'organisme (24).

L'appréciation administrative de la qualité de dirigeant et de leur gestion désintéressée constitue le rare point de convergence entre le droit interne et le droit communautaire en matière d'exonération de TVA des organismes sans but lucratif. La nouvelle instruction synthétise les instructions précédentes sans innover. Au contraire, elle réitère l'ignorance de la 6ème Directive TVA, devenue Directive 2006/112/CE, telle qu'interprétée par son juge, la CJCE. Pourtant, une lecture attentive de ce droit communautaire permettrait de limiter le champ d'application de l'exonération de TVA prévue en faveur de certains organismes sans but lucratif, notamment, en matière sociale.

Yolande Sérandour,
Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA


(1) Instruction du 15 septembre 1998, BOI n° 4 H-5-98 (N° Lexbase : X0387AAL) : Dr. fisc. 1998, n° 39, 12076. F. Deboissy, Vers une clarification du régime fiscal des organismes à but non lucratif, RTD com.1999, p. 226 ; Instruction du 16 février 1999, BOI n° 4 H-1-99 (N° Lexbase : X0433AAB) : Dr. fisc. 1999, n° 9, instr. 12163 ; Instruction du 30 octobre 2000, BOI n° 4 H-3-00 (N° Lexbase : X6128AA9) : Dr. fisc. 2000, n° 47, instr. 12527 ; Instruction du 26 avril 2000, BOI n° 4 C-2-00 (N° Lexbase : X7882AA8) : Dr. fisc. 2000, n° 21, instr. 12465 ; Instruction du 17 décembre 2001, BOI n° 4 H-6-01 (N° Lexbase : X9237AAD) : Dr. fisc. 2002, n° 3, instr. 12736.
(2) Loi de finances pour 2002 n° 2001-1275 du 28 décembre 2001, art. 6 (N° Lexbase : L1042AWI) et décret d'application n° 2004-76 du 20 janvier 2004 (N° Lexbase : L1838DNE) codifiés respectivement à l'article 261-7-1° du CGI (N° Lexbase : L1198HP3) et à l'article 242 C de l'annexe II au CGI (N° Lexbase : L0981HNN).
(3) CJCE, 3 avril 2003, aff. C-144/00, Matthias Hoffmann (N° Lexbase : L0981HNN) : RJF 6/03, n° 793 ; BF 6/03, n° 570.
(4) CJCE, 7 septembre 1999, aff. C-216/97, Jennifer Gregg et Mervyn Gregg c/ Commissioners of Customs and Excise (N° Lexbase : A0499AWE) : RJF 12/99, n° 163.
(5) CJCE, 9 février 2006, aff. C-415/04, Staatssecretaris van Financiën c/ Stichting Kinderopvang Enschede (N° Lexbase : A7249DMG) ; CJCE, 20 novembre 2003, aff. C-8/01, Taksatorringen, § 60 (N° Lexbase : A1841DAG) : Dr. fisc. 2004. 191, note M. Guichard et W. Stemmer ; CJCE, 1er décembre 2005, aff. C-394/04 et C-395/04, Diagnostiko & Therapeftiko Kentro Athinon-Ygeia AE c/ Ypourgos Oikonomikon, § 16 (N° Lexbase : A7840DLX) : RJF 2/06, n° 229.
(6) CJCE, 1er décembre 2005, Ygeia, préc. § 15 ; CJCE, 25 février 1999, aff. C-349/96, Card Protection Plan Ltd (CPP) c/ Commissioners of Customs & Excise, § 15 (N° Lexbase : A7318AHI) : Dr. fisc 1999, p. 590 ; RJF 1999, n° 512 ; CJCE 15 juin 1989, aff. C-348/87 Stichting Uitvoering Financiëlle Acties, § 1 (N° Lexbase : A7893AUU) : Rec. p. I-1737 ; CJCE, 7 décembre 2006, aff. C-13/06, Commission c/ Grèce, § 9 (N° Lexbase : A8206DSQ) : Dr. fisc. 2006, n° 51, act. 256.
(7) Ygeia, préc. § 15, et Stichting Uitvoering Financiëlle Acties, préc. § 13.
(8) 6ème Directive TVA, art. 13 A 1 l.
(9) CE, section, 1er octobre 1999, n° 170289, Association jeune France (N° Lexbase : A4697AXA) : RJF 11/99 ; Dr. fisc. 2000, n° 7, comm. 106, concl. Courtial.
(10) Instruction du 15 septembre 1998 préc., spéc. 67 et 68 ; Instruction du 17 décembre 2001, BOI n° 4 H-6-01(N° Lexbase : X9237AAD) : Dr. fisc. 2002, n° 3, instr. 12736, spéc. 9, 10 à 13 et 16 ; Instruction du 18 décembre 2006 : BOI n° 4 H-5-06 (N° Lexbase : X7805ADG), spéc., 6, 11.
(11) CJCE, 21 mars 2002, aff. C-174/00, Kennemer Golf & Country Club, § 22 et 35 (N° Lexbase : A2920AYS) : Dr. fisc. 2002, n° 21, comm. 441 ; RJF 6/02, n° 736 et concl. F. G. Jacobs au BDCF 6/02, n° 76 ; Obs. Y. Sérandour in L'Année Fiscale 2003, p. 327.
(12) Instruction du 15 septembre 1998, § 67 et 68, préc. ; Instruction du 16 février 1999, BOI n° 4 H-1-99, n° 15 s. (N° Lexbase : X0433AAB).
(13) CAA Paris, 2ème ch. A, 1er févr. 2001, n° 96PA02337, Association nationale des polios de France (N° Lexbase : A7251BHZ) : Dr. fisc. 2001, n° 41, comm. 926 ; RJF 2/02, n° 151.
(14) CJCE, 21 mars 2002, aff. C-174/00, Kennemer Golf & Country Club préc. ; Instruction du 18 décembre 2006, spéc., § 67.
(15) CJCE, 14 juillet 2005, aff. C-434/03, Charles et Charles-Tijmens (N° Lexbase : A1685DKM) : Dr. fisc. 2005, n° 38, note Y. Sérandour ; RJF 11/05, n° 1337.
(16) Devenu article 137 § 2, al. 1 et 2 de la Directive 2006/112/CE.
(17) CJCE, 30 mars 2006, aff. C-184/04, Uudenkaupungin kaupunki : RJF 6/06, n° 809 ; Y. Sérandour, Option pour la TVA et régularisation positive, Lexbase Hebdo - édition fiscale n° 224 du 20 juillet 2006 (N° Lexbase : N0987AL7).
(18) CJCE, 21 mars 2002, aff. C-267/00, Commissioners of Customs & Excise c/ Zoological Society of London, § 27 (N° Lexbase : A4964AYI) : Dr. fisc. 2002, n° 25, comm. 523 ; RJF 6/02, n° 736, 2ème esp., concl. F. G. Jacobs au BDCF 6/02, n° 76 ; obs. Y. Sérandour, L'année fiscale 2003, p. 331.
(19) CGI, art. 261-7-1° d.
(20) Instruction du 15 septembre 1998, préc., obs. 1, spéc n° 6 ; Instruction du 18 décembre 2006, spéc., 18.
(21) CJCE, 21 mars 2002, aff. C-267/00, préc., spéc., § 19 ; Instruction du 18 décembre 2006, spéc., § 47.
(22) CJCE, 21 mars 2002, aff. C-267/00, préc., spéc., § 27 ; Instruction du 18 décembre 2006, spéc., § 48.
(23) CJCE, 21 mars 2002, aff. C-267/00, préc., spéc., § 23 ; Instruction du 18 décembre 2006, spéc., § 20 et 41.
(24) M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 19ème éd., spéc. n° 294.

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