Réf. : Cass. com., 23 janvier 2007, n° 05-16.460, M. Michel Astier, F-D (N° Lexbase : A6799DTY)
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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires
le 07 Octobre 2010
La cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 17 février 2005, annule l'assignation du 10 janvier 1992 pour avoir été délivrée à l'encontre d'une personne morale inexistante. Les juges du fond retiennent que la convention de fusion du 30 octobre 1990, ayant entraîné la dissolution de la société assignée est opposable aux tiers et, donc, au liquidateur de M. B., dès lors qu'elle a fait l'objet d'une publication dans un journal d'annonces légales et que la radiation de cette société, intervenue le 14 janvier 1991, a été publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le 24 janvier 1991.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, estimant qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas de fusion-absorption, la dissolution d'une société n'est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et des sociétés avec l'indication de la cause ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, forme juridique et siège des personnes morales ayant participé à l'opération, la cour d'appel a violé les articles L.123-9 (N° Lexbase : L5567AIZ) et L. 237-2, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L6376AIY) et 23 du décret du 30 mai 1984 (décret n° 84-406, relatif au registre du commerce et des sociétés N° Lexbase : L6533BHG).
La cour d'appel avait, tout d'abord, constaté la perte de la personnalité morale de la société absorbée pour constater que le demandeur ne pouvait l'attraire en justice. Or, une société absorbée étant dissoute sans liquidation, elle perd la personnalité morale à compter de la prise d'effet de l'opération de fusion-absorption, peu important la date à laquelle intervient sa radiation du registre du commerce et des sociétés. L'article L. 236-4, 2°, du Code de commerce (N° Lexbase : L6354AI8) précise, à ce sujet, que la fusion sans création d'une société nouvelle prend effet à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires, ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.
Il en résulte l'impossibilité pour une société absorbée d'agir en justice à compter de la prise d'effet de l'opération de fusion. La jurisprudence en a tiré des conséquences procédurales. Il a ainsi été jugé, par exemple, qu'une société absorbée ne peut interjeter appel d'un jugement, dès lors que sa personnalité morale a disparu (Cass. com., 11 février 1986, n° 84-12.337, SA Thomson CSF c/ Société Sifraco N° Lexbase : A3016AAX), et que la société absorbée perdant sa personnalité morale, elle ne peut plus faire l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire (Cass. com., 28 septembre 2004, n° 00-17.255, F-D N° Lexbase : A5555DD4).
Toutefois, la prise d'effet d'une opération se différencie de son opposabilité aux tiers (voir, notamment, dans une opération de fusion-absorption, Cass. com., 23 avril 2003, n° 01-15.037, Société Cetelem c/ M. Jim Sohn, F-D [LXB= A7551BSH]).
Si, en l'espèce, la société absorbée ne pouvait plus agir en justice, à compter de la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé la fusion-absorption, les juges devaient vérifier si cette opération, ayant conduit à la perte de la personnalité morale de la société, était ou non opposable aux tiers pour constater la validité ou la nullité de l'assignation délivrée par le demandeur contre cette société.
La question qui était, alors, posée aux juges était la suivante : à partir de quel moment la dissolution de la société consécutive à son absorption est-elle opposable aux tiers ?
La réponse est donnée par la Cour de cassation qui fait une application stricte des textes au visa desquels elle rend sa décision. Aussi, convient-il d'examiner ce visa.
L'article L. 123-9 du Code de commerce dispose que "la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre", l'article L. 237-1, alinéa 3, prévoyant, quant à lui, que "la dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés".
En d'autres termes, la publication au RCS a pour conséquence de rendre opposable aux tiers la perte de la personnalité morale de la société absorbée : la solution est des plus classique en droit des sociétés.
Or, les juges du fond avaient constaté la réalisation de mesures ayant pour objet de faire connaître la situation aux tiers : la publication de la dissolution dans un journal d'annonces légales et la publication de la radiation de la société au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. La cour d'appel en avait conclu l'opposabilité aux tiers de la dissolution de la société.
Pourtant, la Cour de cassation estime ces mesures insuffisantes, au regard des textes, puisqu'aux termes de l'article 23 du décret du 30 mai 1984, en cas de fusion ou de scission de société, toute personne morale immatriculée doit demander une inscription modificative mentionnant l'indication de la cause de dissolution ou d'augmentation de capital, ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, forme juridique et siège des personnes morales ayant participé à l'opération. La combinaison de ce texte avec les articles L. 123-9 et L. 237-1, alinéa 3, du Code de commerce conduit à la solution suivante : la dissolution de la société absorbée ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la mention de ces indications au RCS.
A défaut de publication au RCS ou si la publication est postérieure à l'assignation de la société absorbée, cette dernière est valable.
Certains juges du fond avaient, déjà, déduit la même conséquence procédurale. La cour d'appel de Rouen (CA Rouen, 2ème ch., 14 février 1991, n° 1346/90, SA SOCOM c/ M. Henri Dulus N° Lexbase : A5217DNK) avait, ainsi, jugé valable l'assignation d'une société absorbée délivrée par un huissier antérieurement à la publication de l'absorption de la société, peu important que l'officier ministériel ait pu connaître l'existence d'un traité de fusion-absorption.
C'est, également, le sens de l'arrêt rendu par la Cour de cassation : l'opposabilité aux tiers et donc la validité de l'assignation de la société absordée sont fonction de la date à laquelle les inscriptions modificatives au RCS sont effectuées.
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