La lettre juridique n°227 du 14 septembre 2006 : Social général

[Textes] Loi relative à l'immigration et à l'intégration : aspects de droit social

Réf. : Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration (N° Lexbase : L3439HKL)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Intégration, tel est l'objectif qu'entend atteindre la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration (publiée au Journal officiel du 25 juillet 2006, p. 11047). A cet effet, elle vient désormais imposer une distinction à l'admission au séjour des étrangers selon que ceux-ci entrent sur le territoire national pour y travailler, pour effectuer leurs études ou pour des raisons familiales. Pour cette raison, si cette loi nouvelle vient principalement modifier les dispositions du Code de séjour des étrangers et du droit d'asile, elle touche également d'autres codes dont le Code pénal, le Code de la Sécurité sociale et le Code du travail. Le chapitre III (articles 10 à 22) est entièrement consacré à l'immigration aux fins d'emploi et vient transformer les dispositions du Code du travail relatives à l'activité professionnelle des étrangers en France. Ces douze articles tendent à clarifier la situation des étrangers souhaitant exercer une activité professionnelle en France en les soumettant à une nouvelle carte de séjour spéciale mentionnant expressément leur situation professionnelle (salariée, temporaire, détaché, saisonnier). Elle vient, en outre, renforcer les contrôles et accroître les sanctions qui seront prises à l'encontre des employeurs de salariés non titulaires des titres de séjour qu'elle institue. En dehors de quelques nouveautés, qu'il convient de relever, cette loi ne fait que reprendre les textes antérieurs. I. Nouvelles cartes de séjour professionnelles

En vue de clarifier la situation des étrangers et de pouvoir mieux gérer le flux des migrations, la loi nouvelle distingue selon la nature de l'activité que l'étranger vient exercer en France (salariée, temporaire, commerciale, autre, saisonnière).

A. Activité salariée (article 12, 1°)

Cette carte de séjour est délivrée à l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé par une autorité administrative. Ceci confirme le droit commun de l'admission au séjour pour motif professionnel : la délivrance d'une carte de séjour d'un an renouvelable à l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du Code du travail.

La loi nouvelle vient cependant imposer une distinction selon que l'activité exercée l'est pour une durée inférieure ou supérieure à 12 mois.

La carte porte la mention "salariée" lorsque cette activité doit être exercée pour une durée supérieure ou égale à 12 mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire", lorsque l'activité est exercée pour une durée temporaire inférieure à 12 mois.

La différence n'est pas que verbale. Le "salarié" bénéficie d'un statut beaucoup plus confortable que le travailleur temporaire. Le titulaire de la carte de séjour portant la mention "salarié" a vocation à voir son titre renouvelé automatiquement en application de l'article R. 341-3-1 du Code du travail. Le "travailleur temporaire" reste, pour sa part, en possession d'une autorisation provisoire de travail en application de l'article R. 341-7 du même code qui n'est renouvelée que jusqu'à la fin de la période d'emploi.

Il est, désormais, précisé que lorsque l'activité professionnelle salariée doit être exercée dans un métier ou une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, la carte est délivrée au salarié sans que la situation de l'emploi puisse lui être opposée.

B. Activité saisonnière (article 12, 4°)

Le 4° de l'article 12 permet la délivrance d'une carte de séjour aux travailleurs saisonniers. L'étranger, titulaire d'un contrat de travail saisonnier tel qu'il est défini à l'article L. 122-1-1, 3° (N° Lexbase : L9607GQU) du Code du travail (emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature et l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois), se voit donc, désormais, attribuer une carte portant la mention "travailleur saisonnier".

Afin d'encourager le retour du salarié dans son pays d'origine entre deux contrats, le texte lui offre la garantie de pouvoir à nouveau travailler en France l'année suivante (sous réserve d'obtenir un nouveau contrat). Cette garantie s'applique pendant les trois années (renouvelables) de validité de la carte de travailleur saisonnier.

Le texte pose, toutefois, deux conditions essentielles à l'obtention de ce titre. D'une part, l'étranger doit s'engager à établir sa résidence habituelle hors de France, et, d'autre part, la période de travail qu'il vient effectuer sur le territoire, et donc la durée de son séjour sur le territoire, ne doivent pas excéder six mois sur une année.

Le problème est que le contrôle du respect de ces durées n'est pas encore assuré. Le législateur renvoie, en effet, à un décret les modalités permettant à l'autorité administrative de contrôler le respect des durées maximales de travail et de séjour que fixe la loi. En attendant, il faudra compter sur la bonne foi des différents protagonistes...

C. Travailleur détaché (article 12, 5°)

Le travailleur étranger, détaché par un employeur établi hors de France lorsque ce détachement s'effectue entre établissement d'une même entreprise ou entre entreprise d'un même groupe, dans la mesure où sa rémunération est au moins égale à 1,5 fois le SMIC bénéficie d'une carte de séjour de "salarié en mission".

Cette carte, renouvelable, valable pour trois années, permet à son titulaire de venir, à tout moment au cours de sa période de validité, exercer en France dans un établissement de l'entreprise ou une entreprise du groupe qui l'emploie.

Lorsque l'entreprise est établie en France, à la condition que l'introduction du travailleur étranger s'effectue entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe, ce dernier bénéficie, à la même condition de rémunération minimale, d'une carte identique.

II. Conditions et sanctions

La loi nouvelle vient quelque peu modifier les conditions permettant à un étranger de venir exercer en France une activité professionnelle salariée. Elle vient, en outre, mettre en place un contrôle renforcé du respect du nouveau dispositif, accroître les obligations des employeurs en mettant à leur charge une obligation positive de contrôle de la réalité de la carte produite et renforcer les sanctions administratives encourues par ces derniers.

A. Conditions permettant à un étranger de venir exercer une activité professionnelle salariée en France (article 16)

L'article 16 de la loi pose les conditions permettant à un étranger de vernir exercer une activité professionnelle salariée en France. A cet effet, il vient modifier l'article L. 341-4 du Code du travail et singulièrement, ses 4 premiers alinéas.

Le premier alinéa de l'article L. 341-2 du Code du travail est modifié pour déplacer la référence à la visite médicale obligatoire à l'article L. 341-4 du même code. La différence n'est pas négligeable puisque l'article L. 341-2 n'est applicable qu'à l'entrée en France alors que l'article L. 341-4 est applicable à tout étranger autorisé à travailler en France. Le salarié candidat à la carte de séjour de travailleur salarié doit donc avoir obtenu l'autorisation de l'autorité administrative et justifier d'un certificat médical s'il entend se la faire délivrer.

La loi vient, désormais, préciser que l'autorisation de travail pourra être limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques et qu'elle ne conférera de droits qu'en France métropolitaine (C. trav., art. L 341-4, al. 2 et 3).

B. Lutte contre le travail illégal

1. Contrôle de l'autorité chargée de délivrer les cartes de travail (article 16)

Le quatrième alinéa de l'article L. 341-4 autorise, enfin désormais, l'autorité administrative compétente, c'est-à-dire principalement les services de main-d'oeuvre étrangère des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), à échanger tout renseignement et tout document avec les organismes de placement et les organismes de protection sociale, caisses de sécurité sociale, ainsi qu'avec les caisses assurant le service des congés payés.

Cette nouvelle possibilité d'investigation et d'instruction n'est toutefois pas réglementée. Il faudra attendre le décret pour connaître les conditions dans lesquelles ces échanges de renseignements pourront s'effectuer.

2. Contrôle des agents chargés de délivrer les cartes de séjour (article 17)

Toujours aux fins de lutter contre le travail illégal, l'article 17 vient permettre aux agents chargés de la délivrance des titres de séjour d'accéder aux traitements automatisés des autorisations de travail.

Aux mêmes fins, les inspecteurs et contrôleurs du travail et tout fonctionnaire assimilé se voient offrir la possibilité de consulter les dossiers informatiques établis par les agents chargés de la délivrance des titres de séjour.

Ici, comme précédemment, aucune réglementation n'a été mise en place, il faudra donc également attendre le décret.

3. Nouvelle obligation positive de vérification de l'employeur (article 18)

La loi vient mettre à la charge de l'employeur une obligation positive de contrôle de la réalité et de la validité du titre de séjour présenté par le candidat à l'emploi, Alors que l'article L. 341-6 ancien du Code du travail (N° Lexbase : L7836HBT) se bornait à rappeler l'interdiction d'emploi d'un étranger sans autorisation de travail, l'article L. 341-6 nouveau prescrit l'obligation pour l'employeur de vérifier la validité du titre qui lui est fourni.

L'article 18 de la loi ajoute, ainsi, un troisième alinéa à l'article L. 341-6 du Code du travail. Ce texte interdit, dans ses alinéas 1 et 2, à tout employeur, d'employer un étranger non muni d'un titre l'autorisant à exercer une activité professionnelle en France (alinéa 1) ou muni d'un titre mentionnant des activités et/ou zones géographiques spéciales différentes de celles pour lequel l'employeur a l'intention de l'embaucher.

Le nouvel alinéa 3 prescrit à l'employeur de s'assurer, auprès de l'administration territorialement compétente, de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité professionnelle en France.

4. Renforcement des sanctions administratives prises contre le donneur d'ordre (article 19 et 21)

L'article 19 renforce le dispositif ancien régi par l'article L. 341-6-4 du Code du travail (N° Lexbase : L7840HBY), qui prévoit les conditions dans lesquelles un donneur d'ordre doit se faire remettre, par son cocontractant, une attestation précisant si des travailleurs étrangers seront employés et, dans cette hypothèse, s'ils sont en possession d'une autorisation de travail. Si le donneur d'ordre ne s'est pas fait remettre ce document et s'il s'avère que son cocontractant ou son sous-traitant emploie des travailleurs étrangers démunis d'un titre les autorisant à travailler, le donneur d'ordre peut être tenu solidairement responsable du paiement d'une contribution spéciale au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

A cette vérification initiale, le législateur vient ajouter une vérification bi-annuelle. Tout donneur d'ordre est, désormais, non seulement tenu de vérifier à la conclusion du contrat que le ou les travailleurs qu'il emploie sont dans la légalité, c'est-à-dire qu'ils disposent d'un titre de séjour de travailleur salarié, mais il doit encore procéder à cette vérification tous les 6 mois.

Une obligation similaire pèse, désormais, sur les particuliers lorsque le contrat est d'un montant au moins égal à 3 000 euros.

Cette obligation de contrôle ne cesse que lorsque le travailleur étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'ANPE. Dans ce cas, en effet, les contrôles auront été effectués par l'ANPE.

La dispense ne vise toutefois que l'autorisation présentée par le salarié à l'embauche et ne préjuge en rien de l'obligation bi-annuelle de vérification posée par l'article L. 341-6-4, alinéa 2.

Outre l'extension de l'obligation de l'employeur c'est la sanction encourue qui se trouve multipliée par 10. De 500 fois le minimum garanti, la sanction passe à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti, les employeurs auront donc tout intérêt à vérifier (article 21 de la loi, nouvel article L. 341-7 du Code du travail).

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