La lettre juridique n°221 du 29 juin 2006 : Sécurité sociale

[Jurisprudence] Prise en charge par une assurance de la responsabilité pour faute inexcusable

Réf. : Cass. civ. 2, 14 juin 2006, n° 05-13.090, Société Everite, FS-P+B (N° Lexbase : A9493DPB)

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le 07 Octobre 2010

La loi du 27 janvier 1987 (loi n° 87-39, portant diverses mesures d'ordre social N° Lexbase : L2134DYP) a profondément modifié le régime juridique de la faute inexcusable, puisque le législateur a autorisé l'employeur à s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable. L'application de cette loi du 27 janvier 1987 pouvait donner des développements intéressants, rapportés au domaine des accidents du travail causés par l'amiante (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0806AYI). D'importants travaux, notamment parlementaires (1), permettent de faire la synthèse sur une matière appelée à rester au coeur de l'actualité judiciaire et peut-être législative pendant de longues années encore : le drame que représente l'amiante pour des milliers de salariés contaminés ne s'est pas clos avec l'interdiction générale de ce produit le 1er janvier 1997. Il s'inscrit, au contraire, dans la durée. Il est désormais clair, comme l'a, notamment, montré en 2003 le Rapport du Gouvernement au Parlement présentant l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante pour l'année en cours et pour les 20 années suivantes, que ses conséquences dommageables en termes de santé publique vont largement déborder la date de son interdiction en France.
Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation réduit la portée de la loi du 27 janvier 1987, en rappelant que les expositions à l'amiante, intervenues avant cette dernière, ne peuvent être légalement garanties et prises en charge par une compagnie d'assurance. En l'espèce, des salariés ont saisi les juges pour que la faute inexcusable de leur société soit constatée, en raison d'affections contractées du fait de l'amiante. La société, qui avait souscrit diverses polices auprès de sociétés d'assurances, s'étant heurtée à un refus de garantie, les a assignées en exécution de leurs engagements. La société Everite fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de prise en charge par les assureurs des sommes qu'elle a dû verser aux salariés ayant contracté une maladie professionnelle en relation avec l'inhalation de poussières d'amiante. La Cour de cassation rejette toutes les demandes formées tant par la société que par les assurances. Si la réparation due aux victimes est une priorité indiscutable (1), la responsabilisation des acteurs, tant par la prévention que par la sanction, ne doit pas être négligée (2).
Résumé

La loi du 27 janvier 1987 a accordé à l'employeur une possibilité qu'il n'avait pas antérieurement en ce qui concerne l'assurance de sa propre faute inexcusable. Cette loi ne peut s'appliquer à des fautes antérieures à son entrée en vigueur et ne contient aucune dérogation expresse au principe de non-rétroactivité de la loi.

Décision

Cass. civ. 2, 14 juin 2006, n° 05-13.090, Société Everite, FS-P+B (N° Lexbase : A9493DPB)

Rejet (CA Orléans, 16 décembre 2004, chambre commerciale, économique et financière)

Textes concernés : CSS, art. L. 145-1 s. (N° Lexbase : L4653ADP) ; CSS, art. L. 452-1 (N° Lexbase : L5300ADN) à L 452-4 (N° Lexbase : L5303ADR) ; loi n° 87-39 du 27 janvier 1987, portant diverses mesures d'ordre social N° Lexbase : L2134DYP).

Mots-clefs : faute inexcusable, Fiva.

Lien bases :

Faits

1. A partir de 1996, plusieurs anciens salariés de la société Everite ont engagé des actions pour que sa faute inexcusable soit constatée afin d'obtenir la majoration de la rente maladie professionnelle qui leur était versée par les organismes de Sécurité sociale et la réparation de leurs préjudices personnels.

2. La société Everite a été successivement assurée, au titre de sa responsabilité civile, du 2 décembre 1959 au 31 décembre 1981, auprès de la société MGFA, aux droits de laquelle est venue la société Mutuelles du Mans assurances (MMA), puis du 1er janvier 1983 au 1er juillet 1992, auprès de la société UAP, devenue société Axa et, enfin, à compter de cette date, auprès de la société Winterthur, aux droits de laquelle est venue la société XL Insurance Company Limited.

3. La société Everite, qui a sollicité la garantie des sociétés d'assurances auprès desquelles elle avait successivement souscrit ces diverses polices, s'étant heurtée à un refus de garantie, les a assignées devant le tribunal de grande instance en exécution de leurs engagements.

4. Pourvoi formé par la société Everite, contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2004 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige l'opposant à un certain nombre de compagnies d'assurance.

Solution

La loi du 27 janvier 1987 a accordé à l'employeur une possibilité qu'il n'avait pas antérieurement en ce qui concerne l'assurance de sa propre faute inexcusable. Cette disposition créatrice de droits nouveaux ne peut s'appliquer à des fautes antérieures à l'entrée en vigueur de ce texte, qui ne contient aucune dérogation expresse au principe de non-rétroactivité de la loi posé par l'article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4). La société Everite ne pouvait rechercher la garantie de la société Axa pour tous les salariés dont l'exposition aux poussières d'amiante avait pris fin avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, ou dont la première constatation médicale de la maladie professionnelle avait eu lieu avant cette date, ces deux événements étant de nature à révéler l'existence d'une faute inexcusable, inassurable à cette époque.

Observations

1. Protection de la victime de l'amiante : le Fiva

1.1. Mécanismes de réparation des victimes de l'amiante

  • Mécanismes de droit commun de la législation sur les accidents du travail

Les premières victimes de l'amiante souffrant de pathologies contractées dans le milieu professionnel ont d'abord été indemnisées au titre de la réparation de droit commun des maladies professionnelles (tableaux 30 et 30 bis de la Sécurité sociale). Tous les observateurs attentifs en droit de la Sécurité sociale ont relevé que l'indemnité forfaitaire était beaucoup trop faible. La réparation de plein droit est satisfaisante pour les frais médicaux ou les frais de réadaptation, mais elle est insuffisante au regard de tous les autres préjudices que peut causer un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Pour obtenir une meilleure indemnisation des préjudices subis, les victimes ont donc tenté d'utiliser des voies de recours juridictionnels. Les victimes de l'amiante ont exploré plusieurs voies de recours de type juridictionnel pour compléter l'indemnisation forfaitaire de droit commun des maladies professionnelles du régime de Sécurité sociale : les recours devant les tribunaux des affaires de Sécurité sociale ; les recours devant les juridictions pénales ; enfin, les recours devant les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), près les TGI.

Ces trois types de recours juridictionnels présentaient l'inconvénient d'exposer les victimes à des délais de procédures souvent très longs. C'est pourquoi les pouvoirs publics se sont orientés vers de nouvelles formes de prise en charge des victimes de l'amiante, qui reposent sur deux piliers principaux : les dispositifs de préretraite pour les travailleurs de l'amiante et la réparation intégrale des préjudices subis par l'ensemble des victimes de l'amiante par l'intermédiaire du Fiva.

  • Mécanismes spécifiques aux victimes de l'amiante

L'article 53 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 (loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, de financement de la Sécurité sociale pour 2001 N° Lexbase : L5178AR9) a créé un établissement public administratif spécifique, le Fiva, pour gérer un dispositif d'indemnisation alternatif à la voie contentieuse, visant la réparation intégrale des préjudices subis par l'ensemble des victimes de l'amiante (v., aussi, décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, relatif au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, de financement de la Sécurité sociale pour 2001 N° Lexbase : L9812ATL).

Le bilan de l'implication du Fonds de garantie dans l'indemnisation des victimes de l'amiante n'est pas négligeable : 6 623 dossiers ouverts ; 6 141 dossiers pour lesquels 10 500 offres environ ont été préparées ; 4 308 dossiers qui ont entraîné près de 6 000 provisions sur la période de juillet 2002 à décembre 2003, représentant 47 millions d'euros réglés.

L'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 prévoit que le Fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage. Dans ce but, le Fonds intervient devant les juridictions civiles, notamment, pour y porter les actions en faute inexcusable, mais aussi devant les juridictions de jugement en matière répressive, en cas de constitution de partie civile des victimes contre le ou les responsable(s) des préjudices. L'intention du législateur était clairement de faire reposer le plus possible la charge de l'indemnisation sur les responsables quand ils peuvent être identifiés. Le Fiva n'a pas fait des recours subrogatoires une priorité.

L'indemnisation de la victime par le Fiva résulte du cumul de deux versements : un versement par la Sécurité sociale correspondant aux frais de soins, à l'indemnisation de l'incapacité -permanente ou partielle- lorsque la maladie est reconnue d'origine professionnelle et, en cas de décès, à la rente d'ayant droit ; un versement complémentaire par le Fiva, lorsque ce complément est nécessaire pour réparer intégralement le préjudice subi.

1.2. Responsabilité pénale des employeurs

Alors que la responsabilité civile des entrepreneurs est désormais largement reconnue par les tribunaux, par le mécanisme de la faute inexcusable, depuis les arrêts de la Cour de cassation du 28 février 2002, et que la responsabilité administrative de l'Etat a été admise par les quatre décisions du Conseil d'Etat du 4 mars 2004 (CE 2 SS, n° 241150, Ministre de l'Emploi et de la Solidarité c/ Consorts Bourdignon N° Lexbase : A3772DBC ; CE 2 SS, n° 241151, Ministre de l'Emploi et de la Solidarité c/ Consorts Botella N° Lexbase : A3773DBD ; CE 2 SS, n° 241152, Ministre de l'Emploi et de la Solidarité c/ Consorts Thomas N° Lexbase : A3774DBE ; CE 2 SS, n° 241153, Ministre de l'Emploi et de la Solidarité c/ Consorts Xueref N° Lexbase : A3775DBG), le drame de l'amiante reste toujours en attente d'un procès pénal au fond.

Les travaux parlementaires (2) ont regretté que l'arrêt du 15 novembre 2005 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 15 novembre 2005, n° 04-85.441, M. Pierre X et autres c/ X Pierre, inédit N° Lexbase : A6819DL7) ait rejeté, pour des motifs de procédure, le pourvoi formé par différentes parties civiles contre un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, qui confirmait une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction de Dunkerque. La Cour de cassation n'a, ainsi, pas pu se prononcer sur le fond de l'affaire. A cet égard, la création par la loi du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA) de deux pôles de santé publique constitués au sein des tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille, encore dotés de faibles moyens, ne semble pas avoir répondu, pour l'instant, à l'attente que les victimes placent dans la justice pénale.

2. Protection de l'employeur contre le risque "faute inexcusable" : les assurances

2.1. Le risque "faute inexcusable amiante"

Par plusieurs arrêts rendus en 2002 dans des affaires concernant l'amiante, la Cour de cassation a été amenée à redéfinir la notion de faute inexcusable. Elle a estimé qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui à une obligation de sécurité qui est une obligation de résultat, tant pour les maladies professionnelles (arrêts du 28 février 2002, précités) que pour les accidents du travail (Cass. soc., 23 mai 2002, n° 00-14.125, FS-P+B+R N° Lexbase : A7177AYH).

Cette décision de principe a marqué un renversement de la situation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, puisque la faute inexcusable, jusqu'alors exception assez rare, est devenue pratiquement la règle. Elle a, ainsi, remis en cause le principe de l'immunité civile de l'employeur, pourtant à la base du compromis de 1898.

Les enjeux sont considérables, aussi bien pour l'employeur que pour la victime. Lorsque le juge reconnaît que l'employeur a commis une faute inexcusable, il lui revient d'en tirer les conséquences posées par le Code de la Sécurité sociale : la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire (CSS, art. L. 452-1 N° Lexbase : L5300ADN). Cette majoration prend la forme d'un doublement de la réparation forfaitaire des préjudices reconnus (les deux parties n'étant plus présumées responsables à parts égales du dommage), ainsi que la réparation de chefs de préjudice exclus du régime forfaitaire (préjudices extrapatrimoniaux notamment). Cette majoration est financée par une surcotisation de l'employeur.

2.2. Prise en charge par les compagnies d'assurance du risque "faute inexcusable amiante"

  • Licéité d'une prise en charge par les compagnies d'assurance du risque "faute inexcusable amiante"

La loi du 27 janvier 1987 (préc.) a été codifiée à l'article L. 452-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5303ADR) (3). Les dispositions de la loi du 27 janvier 1987, autorisant l'employeur à s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable, peuvent, si la convention le prévoit, s'appliquer à des fautes antérieures à leur entrée en vigueur. La cotisation supplémentaire visée par l'article L. 242-7 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4955ADU) n'est susceptible d'être couverte par une garantie d'assurance que depuis la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 (Cass. civ. 2, 7 avril 2005, n° 04-12.164, F-D N° Lexbase : A7608DHA).

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation prend acte de la licéité des contrats d'assurance prenant en charge le risque faute inexcusable en cas de maladie déclenchée par l'amiante et en fixe les conditions d'application.

  • Conditions restrictives posées par la jurisprudence

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation déjoue les stratégies mises en oeuvre par les employeurs pour élargir le champ d'application de la loi du 27 janvier 1987 et, ainsi, échapper aux conséquences financières très sévères de la reconnaissance d'une faute inexcusable pour cause d'amiante (conséquences rappelées supra).

En l'espèce, la société Everite a été déboutée de sa demande d'indemnisation pour les sommes qu'elle a dû verser à ceux de ses salariés ayant contracté une maladie professionnelle en relation avec l'inhalation de poussières d'amiante, dont l'exposition aux fibres d'amiante a cessé après l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987 (autorisant les employeurs à s'assurer pour les conséquences financières de leur propre faute inexcusable) et dont l'affection a été médicalement constatée avant cette date. Pourtant, selon l'employeur, la faute inexcusable résulte de la seule exposition des salariés aux poussières d'amiante, indépendamment de la constatation médicale de l'affection qui en a résulté. Aussi, il ne convenait pas d'écarter la garantie de l'assureur pour les salariés dont l'affection a été médicalement constatée avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987 mais dont l'exposition aux poussières d'amiante s'est poursuivie au-delà de cette date.

Mais la Cour de cassation n'a pas fait sienne cette thèse. La loi du 27 janvier 1987 a accordé à l'employeur une possibilité qu'il n'avait pas antérieurement, en ce qui concerne l'assurance de sa propre faute inexcusable. Cette disposition créatrice de droits nouveaux ne peut s'appliquer à des fautes antérieures à l'entrée en vigueur de ce texte, qui ne contient aucune dérogation expresse au principe de non-rétroactivité de la loi posé par l'article 2 du Code civil.

Aussi, la société Everite ne pouvait rechercher la garantie de la société Axa pour tous les salariés dont l'exposition aux poussières d'amiante avait pris fin avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 janvier 1987, ou dont la première constatation médicale de la maladie professionnelle avait eu lieu avant cette date, ces deux événements étant de nature à révéler l'existence d'une faute inexcusable, inassurable à cette époque.

Cette jurisprudence est d'une très grande portée, car ce "désastre sanitaire" que représente l'amiante s'est inscrit dans le temps, sur une très longue période (années 1960/1970), pour engendrer des maladies qui ont (pour certaines) été déclenchées dans les années 1980/90, à une époque où, précisément, le législateur n'avait pas encore voté la loi du 27 janvier 1987 (mésothéliomes, asbestoses caractérisées ou plaques pleurales). Les employeurs doivent donc, seuls, assurer les conséquences financières de l'utilisation de produits entraînant l'inhalation de poussières d'amiante ayant déclenché des maladies s'étant déclarées dans les années 1980/1990, parce que la loi du 27 janvier 1987 n'a pas d'effet rétroactif, conformément aux solutions admises par le droit commun (C. civ., art. 2).

La jurisprudence, développée par la Cour de cassation, entend donc circonscrire étroitement dans le temps l'application de la loi du 27 janvier 1987, non dans l'intérêt immédiat et premier des victimes (qui n'ont aucun intérêt immédiat à faire valoir de l'application ou de la non-application de la loi du 27 janvier 1987), mais dans leur intérêt second, à court/moyen terme, apprécié dans les termes de la responsabilisation de l'employeur et des moyens de prévention qu'il devra mettre en oeuvre. En effet, la loi du janvier 1987 conduit à une forme de "déresponsabilisation", dans la mesure où l'employeur fait du risque "faute inexcusable amiante" un risque assurable, qu'il externalise, en quelque sorte. La question rejoint, ici, le débat engagé sur la mutualisation des risques accidents du travail/maladie professionnelle.

  • La question de la responsabilisation des acteurs par la sanction

La banalisation de la faute inexcusable est préjudiciable au respect de l'équité entre les entreprises. Les employeurs financent la branche accident du travail-maladies professionnelles de la Sécurité sociale et doivent assurer collectivement, non pas la faute, mais le risque. L'absence de sanction spécifique des comportements les plus fautifs génère de fortes inéquités, d'une part, entre les secteurs les plus porteurs de risques et les autres et, d'autre part, entre les entreprises les plus vertueuses et celles qui le sont moins. Face à ce constat, deux solutions s'imposent (4) :

- 1ère solution : l'extension de la réparation intégrale à tous les accidents du travail, et plus seulement aux seuls accidents du travail/maladie professionnelle associés à une faute inexcusable. Mais il a été objecté, à juste titre, que si l'on veut maintenir une pression sur l'employeur au moyen de la notion de faute inexcusable, il faut bien que cette faute inexcusable permette d'aboutir à un complément de réparation. Si la réparation est déjà intégrale, on ne peut pas ajouter une réparation supplémentaire.

- 2ème solution : mettre en place une sanction spécifique.

La sanction peut générer préventivement, chez les employeurs, des comportements individuels vertueux dont la logique de mutualisation tend à minorer les mérites, alors même que la responsabilisation de chacun est capitale au plan collectif. A cet égard, le maintien dans l'édifice de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles du dispositif contentieux, fondé sur la reconnaissance d'une faute réellement inexcusable, permettrait de corriger l'effet pervers de la mutualisation.

Le financement de la réparation est un élément important de la responsabilisation préventive des acteurs. En complément d'une modulation de la tarification de la branche AT-MP de la Sécurité sociale, la possibilité d'un contentieux comportant un risque financier pour l'entreprise est de nature à responsabiliser l'employeur. Dans certaines entreprises, l'automaticité de la faute inexcusable conduit les employeurs à ne plus comprendre l'intérêt de mettre en oeuvre des politiques de prévention. Car, quel que soit leur niveau d'engagement dans la prévention, la faute inexcusable reste la seule perspective finale. Il importe donc de maintenir une sanction spécifique des comportements les plus fautifs pour que l'objectif de prévention assigné aux entreprises soit attractif à la fois dans le domaine de la tarification et dans celui de la sanction.

Il faut donc renforcer l'obligation faite aux caisses de Sécurité sociale de responsabiliser, par la modulation de la cotisation ou la recherche de la sanction individuelle, les établissements générateurs d'accidents ou de maladies professionnels, afin de corriger les effets déresponsabilisants de la mutualisation.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) En dernier lieu, J. Le Garec (Prés.) et J. Lemière (rapporteur), Rapport sur les risques et les conséquences de l'exposition de l'Amiante, Assemblée nationale 22 février 2006.
(2) J. Le Garec (Prés.) et J. Lemière (rapporteur), Rapport sur les risques et les conséquences de l'exposition de l'amiante, Assemblée nationale 22 février 2006, prec.
(3) Loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social, Travaux préparatoires.
(4) J. Le Garec (Prés.) et J. Lemière (rapporteur), Rapport sur les risques et les conséquences de l'exposition de l'amiante, Assemblée nationale, 22 février 2006.

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