La lettre juridique n°221 du 29 juin 2006 : Entreprises en difficulté

[Panorama] Entreprises en difficulté : panorama bimestriel - mai/juin 2006 (1ère partie)

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N0179AL9

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le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, un panorama de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de la jurisprudence rendue en matière de procédures collectives au cours des mois de mai et juin 2006. Le périmètre du dessaisissement du débiteur, le régime applicable aux créances naissant du divorce du débiteur, ou encore les voies de recours ouvertes contre le jugement d'extension de la procédure, constituent les thèmes majeurs de l'actualité jurisprudentielle (cf. Entreprises en difficulté : panorama bimestriel - mai/juin 2006 (2ème partie) N° Lexbase : N0183ALD).
  • Le périmètre du dessaisissement - la renonciation à une succession : un droit strictement extra patrimonial ? (Cass. com., 3 mai 2006, n° 04-10.115, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A3458DPR)

Le dessaisissement désigne la réduction des pouvoirs du débiteur résultant de l'effet de la saisie collective (J. Vallansan, Redressement et liquidation judiciaires, 2ème éd. Litec, 2003, p. 289 ; M. Sénéchal, Essai sur la saisie collective du gage commun des créanciers, Litec 2002, Bibl. dr. de l'entreprise, T. 59) des droits patrimoniaux du débiteur par la procédure, laquelle désigne chacun des créanciers antérieurs, outre, depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845, 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L5150HGT), les créanciers postérieurs non éligibles au traitement préférentiel, ainsi que le représentant de leur intérêt collectif, le liquidateur.

Cette réduction de pouvoirs est lourde de conséquences puisqu'elle aboutit, pour le partenaire contractuel du débiteur, à une inopposabilité de l'acte accompli par le débiteur seul à la procédure collective, laquelle remplace, sous un vocable différent, la masse des créanciers de la loi du 13 juillet 1967 (loi n° 67-563, 13 juillet 1967, sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes N° Lexbase : L7803GT8). Cette sanction draconienne, qui ne permet au partenaire du débiteur que de prétendre à une créance hors procédure, puisque née irrégulièrement après le jugement d'ouverture, explique le contentieux abondant quant à la détermination exacte du périmètre du dessaisissement. Un nouvel arrêt, particulièrement digne d'attention, et appelé à une diffusion maximale, apporte sa pierre à l'édifice jurisprudentiel de la notion de droits attachés à la personne du débiteur en liquidation judiciaire, qui fait échec à la règle du dessaisissement.

En l'espèce, une personne physique en liquidation judiciaire est confrontée à devoir exercer son option dans la succession de sa mère, après l'ouverture de sa liquidation judiciaire. Vraisemblablement pour éviter l'incorporation de l'actif successoral dans sa liquidation judiciaire, la débitrice décide seule de renoncer à la succession de sa mère. Son liquidateur l'assigne pour voir prononcer la nullité de l'acte de renonciation. Le tribunal fait droit à la demande. La cour d'appel va confirmer le jugement entrepris en déclarant inopposable à la liquidation judiciaire la renonciation de la débitrice à la succession de sa mère. Pour cela, l'arrêt retient que les conséquences de la renonciation sont essentiellement patrimoniales et que, en conséquence, l'option successorale n'appartient qu'au seul liquidateur. La débitrice forme alors un pourvoi en cassation et va obtenir gain de cause sur sa réponse à la question de savoir si la faculté d'accepter une succession est un droit propre du débiteur échappant au dessaisissement. A cette question, la Cour de cassation va répondre que "la faculté d'accepter une succession ou d'y renoncer étant un droit attaché à la personne, le débiteur en liquidation judiciaire l'exerce seul". Mais la Cour de cassation va immédiatement ajouter que ce droit attaché à la personne du débiteur est exercé "sans préjudice de la mise en oeuvre éventuelle par le liquidateur, en sa qualité de représentant des créanciers, de l'action prévue par l'article 788 du Code civil (N° Lexbase : L3409ABU)".

Une lecture rapide de cet arrêt pourrait laisser croire que l'acceptation d'une succession ou la renonciation à celle-ci est un droit qui appartient au débiteur en liquidation judiciaire. Il n'en est rien. Ainsi que l'a finement relevé un auteur (A. Lienhard, sous l'arrêt commenté, D. 2006, AJ p. 1368), il ne faut pas assimiler un droit attaché à la personne du débiteur à un droit exclusivement attaché à la personne du débiteur. Si le second échappe au contrôle du liquidateur, il n'en va pas de même du premier. Prend dès lors toute son importance la réserve introduite par la Cour de cassation, selon laquelle la renonciation à la succession est faite par le débiteur "sans préjudice de la mise en oeuvre éventuelle par le liquidateur, en sa qualité de représentant des créanciers, de l'action prévue par l'article 788 du Code civil". Cette disposition prévoit que "les créanciers de celui qui renonce [à une succession] au préjudice de leurs droits, peuvent se faire autoriser en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place". Le liquidateur, qui représente collectivement les créanciers, trouve ainsi dans l'article 788 du Code civil, le moyen de faire déclarer inopposable à la procédure collective la renonciation à succession. Le moyen technique de parvenir à l'inopposabilité n'est pas trouvé dans les règles du dessaisissement, mais dans celles de la fraude paulienne, dont l'article 788 du Code civil ne constitue qu'une application (obs. A. Lienhard, sous l'arrêt commenté, D. 2006, AJ p. 1368). C'est pourquoi la jurisprudence exige que l'héritier, en renonçant à la succession, ait eu conscience de léser les droits de son créancier par un acte ayant pu entraîner un appauvrissement de son patrimoine (Cass. civ. 1, 24 mars 1993, n° 91-15.929, Mme Raffalli c/ Consorts Frassati, inédit N° Lexbase : A5366CZR). C'est assurément le cas lorsque cet héritier est en liquidation judiciaire. La lettre de l'article 788, alinéa 2, du Code civil, selon lequel "la renonciation n'est annulée qu'en faveur des créanciers, et jusqu'à concurrence seulement de leurs créances : elle ne l'est pas au profit de l'héritier qui a renoncé", qui fait état d'une nullité, ne peut être suivie, car la nullité produit effet à l'égard de tous, alors que le texte énonce une inefficacité de la renonciation à l'égard seulement des créanciers, mais non du débiteur. Il faut donc plutôt évoquer une simple inopposabilité.
Le liquidateur aura compris, dans cette affaire, qu'il lui appartient d'assigner devant le tribunal de grande instance le débiteur sur le fondement de l'article 788 du Code civil. S'il obtient gain de cause, il obtiendra la remise des biens échus sur succession à l'héritier qui avait renoncé, mais seulement dans la limite des créances de la procédure collective. En effet, la Cour de cassation considère que la demande d'annulation de la renonciation à succession n'est faite qu'à concurrence des créances de la personne qui assigne en annulation (Cass. civ. 1, 24 mars 1993, n° 91-15.929 précité), c'est-à-dire, en l'occurrence, le liquidateur représentant collectivement les créanciers.

P.-M. Le Corre

  • La voie de recours émanant d'un tiers sur le jugement d'extension de la procédure sur le fondement de la confusion des patrimoines (Cass. com., 16 mai 2006, n° 05-14.595, M. Michel Sulmon c/ Société civile professionnelle (SCP) Perney Angel, F-P+B N° Lexbase : A6782DPU)

Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, le Code de commerce contenait des cas de redressement et de liquidation judiciaires à titre personnel qualifiés par la pratique d'extensions de procédure. Il s'agissait, en réalité, de fausses extensions, donnant lieu à de véritables jugements d'ouverture. La loi de sauvegarde des entreprises a supprimé toutes ces extensions sanctions, ce qui, ainsi qu'on a pu le voir dans ces colonnes, a été source de délicates questions d'application de la loi dans le temps (voir ainsi, Cass. com., 4 avril 2006, n° 04-19.637, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9397DND ; lire Pierre-Michel Le Corre, Entreprises en difficulté : panorama bimestriel - mars/avril 2006 (1ère partie), Lexbase Hebdo n° 212 du 27 avril 2006 - édition affaires N° Lexbase : N7539AKG). Parallèlement, la jurisprudence a créé de véritables extensions de procédure : celles intervenant pour confusion des patrimoines ou pour fictivité. Il n'y a pas alors véritablement ouverture d'une procédure distincte, mais bien extension de la procédure, ce qui a des conséquences, notamment, en matière de déclaration et de vérification des créances. Est-ce à dire pour autant que les règles de publicité attachées à un jugement d'ouverture d'une procédure doivent être absentes en cas d'extension de la procédure ? La réponse à la question est spécialement importante lorsque l'on se demande si ce jugement d'extension est susceptible de voies de recours et, dans l'affirmative, lorsque l'on s'interroge sur les délais de ces recours. On comprend, dès lors, toute l'importance attachée à l'arrêt rapporté qui répond précisément à ces questions.

En l'espèce, trois sociétés sont déclarées en redressement judiciaire entre le 5 janvier et le 6 juillet 1998. L'année suivante, le tribunal rend un jugement d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines entre ces trois sociétés. Une personne, considérée comme dirigeant de droit ou de fait de ces sociétés, est condamnée au paiement des dettes sociales à hauteur d'un million d'euros. Quatre ans plus tard, il forme une tierce-opposition au jugement d'extension, qui ne fait l'objet d'aucune publication. Le tribunal déclare la tierce-opposition irrecevable, décision que va confirmer la cour d'appel. La question essentielle qui se posait était celle de savoir si le jugement d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines devait être publié au Bodacc. De la réponse à la question dépendait, en effet, le point de savoir si la tierce-opposition avait été formée dans les délais. A cette question, la Cour de cassation va répondre qu'"un jugement prononçant une extension de procédure collective ou décidant la poursuite sous procédure unique de plusieurs procédures collectives doit être assimilé à un jugement ouvrant le redressement judiciaire d'un débiteur ; il s'ensuit que le délai pour former tierce-opposition contre ce jugement ne court que du jour de sa publication au Bodacc".

La jurisprudence avait déjà admis la recevabilité de la tierce-opposition à l'encontre du jugement d'extension sur le fondement de la fictivité ou de la confusion des patrimoines. Cette admission reposait sur le même postulat que celui fondant la solution ici rapportée : le jugement d'extension est assimilé à un jugement d'ouverture (voir Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-12.117, Banque française de crédit coopératif c/ Epoux Gatterre et autres, P N° Lexbase : A3601AUW, Act. proc. coll. 2000/14, n° 173 ; D. 2000, jur. p. 375, obs. A. Lienhard ; Cass. com., 8 octobre 2003, n° 00-19.730, F-D N° Lexbase : A7124C9Q ; Pierre-Michel Le Corre, La voie de recours du créancier à l'encontre du jugement d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines, Lexbase Hebdo n° 93 du 6 novembre 2003 - édition affaires N° Lexbase : N9274AAQ ; LPA, 16 février 2004, n° 33, p. 9, note H. Lécuyer).

L'intérêt du présent arrêt est de poser clairement l'obligation pour le greffe du tribunal qui prononce l'extension de publier cette décision au Bodacc. La solution est très importante. L'un des intérêts majeurs, ainsi que permet de s'en convaincre l'arrêt commenté, se trouve dans le point de départ du délai de tierce-opposition : le délai pour former tierce-opposition à l'encontre du jugement d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité ne peut courir que du jour de la publication du jugement d'extension au Bodacc. Peu importe donc que quatre ans aient séparé la tierce-opposition de la décision d'extension.

Il faut bien comprendre que le jugement d'extension est constitutif d'une situation nouvelle. Le plus souvent, il s'agira de placer sous procédure collective des personnes physiques ou morales qui, jusqu'alors, étaient in bonis. Tel n'était pas le cas en l'espèce, puisque les trois sociétés dont la procédure sera réunie sur le fondement de la confusion des patrimoines, étaient déjà en redressement judiciaire. Il n'en demeure pas moins que la situation est nouvelle car les actifs et passifs de ces trois sociétés vont se trouver confondus en une masse unique. C'est ainsi que les créanciers de la société A pourront espérer percevoir des fonds provenant de la vente des actifs de la société B ou de la société C. Il faut, évidemment, que les créanciers de chacune de ces structures soient parfaitement informés. On remarquera, cependant, que l'assimilation par la Cour de cassation du jugement d'extension à un jugement d'ouverture ne semble pas autoriser un créancier de l'une des trois sociétés préalablement déclarées en redressement judiciaire à déclarer sa créance dans le délai de deux mois qui court à compter de la publication au Bodacc du jugement d'extension. En effet, il ne semble pas possible d'ouvrir un nouveau délai de déclaration de créance et la situation doit, ici, être distinguée de celle dans laquelle la confusion des patrimoines aurait pour effet de placer sous procédure collective une personne physique ou morale jusqu'alors in bonis. On sait, en effet, que la Cour de cassation considère que le jugement d'extension n'a pas d'effet rétroactif, ce qui autorise le créancier d'une personne jusqu'alors in bonis à déclarer sa créance au passif confondu dans le délai de deux mois du jugement d'extension de la procédure (sur cette question de l'absence de rétroactivité du jugement d'extension, voir déjà Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-12.552, FS-P+B+R N° Lexbase : A4622DDK, Pierre-Michel Le Corre, L'absence de rétroactivité de l'unicité de masse passive et active du jugement d'extension sur le fondement de la confusion des patrimoines, Lexbase Hebdo n° 139 du 21 octobre 2004 - édition affaires N° Lexbase : N3159ABM).

On peut néanmoins, en l'espèce, émettre un doute sur l'intérêt à agir en tierce-opposition du dirigeant social de droit ou de fait de ces trois sociétés dont les actifs et passifs ont été réunis, reconnu par l'arrêt en réponse au moyen d'irrecevabilité soulevé par le défendeur au pourvoi. S'il est effectivement le dirigeant de chacune de ces sociétés, il peut être condamné dans chacune des procédures initialement ouvertes contre elles à combler l'insuffisance d'actif. Il importe peu que les actifs et passifs soient confondus car le montant globalisé de l'insuffisance d'actif sera le même. Il pourra lui être demandé, dans chacune des procédures, tout ou partie de l'insuffisance d'actif, et, au final, sa condamnation ne sera pas différente selon que la procédure est unique ou que trois procédures se poursuivent de manière indépendante.

P.-M. Le Corre

  • Les aliments, l'honneur et la procédure collective (Cass. civ. 1, 7 juin 2006, n° 04-15.608, F-D N° Lexbase : A8428DPT)

Famille et procédures collectives ne font pas bon ménage. Ces propos ont trouvé de multiples illustrations dans le contentieux récurrent qui existe entre ex-conjoints, lorsque l'un d'eux fait l'objet d'une procédure collective de paiement. Magnifique illustration peut en être trouvée avec un arrêt mettant en jeu des questions de natures diverses, qui n'appellent pas le même traitement, en présence de la procédure collective d'un des conjoints.

En l'espèce, un mari placé en liquidation judiciaire, et alors que sa procédure n'était pas clôturée, abandonne son épouse pour vivre six mois plus tard maritalement avec une autre femme. Son épouse obtient le divorce aux torts exclusifs du mari, sans que soit retenu le fait qu'elle avait, dans l'intervalle, trouvé réconfort auprès d'une autre femme sans doute moins rustre que son ex-mari. S'estimant bafouée, elle obtient, dans le cadre de la procédure de divorce, des dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi et condamnation du mari au versement d'une prestation compensatoire, la rupture du mariage créant une disparité dans les conditions de vie respective des ex-époux, au détriment de l'ex-épouse. Tout cela n'est rien que de très naturel -sinon banal-, si ce n'est l'absence de prise en compte, au passage, par les juges du fond statuant dans le cadre de la procédure de divorce, de quelques règles implacables du droit des procédures collectives de paiement.

Deux questions se posaient ici. L'ex-mari en liquidation judiciaire pouvait-il être condamné au versement d'une prestation compensatoire, sans autre précision ? L'ex-mari en liquidation judiciaire pouvait-il être condamné à des dommages et intérêts ?

A la première question, la Cour de cassation va répondre que, "en prenant en considération les revenus de M. X., sans constater que celui-ci en avait la libre disposition alors que le jugement qui prononce liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens en application de l'article L. 622-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7004AIA), la cour d'appel a privé sa décision de base légale". Le principe de solution n'est pas nouveau. La Cour de cassation a déjà précisé, à plusieurs reprises, que la prestation compensatoire présente, pour partie, un caractère alimentaire. En conséquence, le régime de la prestation compensatoire est aligné, en notre matière, sur celui des créances alimentaires (Cass. com., 8 octobre 2003, n° 99-21.682, FS-P+B+I N° Lexbase : A7226C9I ; D. 2003, AJ p. 2637, obs. A. Lienhard ; D. 2004, somm. comm. p. 1965, obs. A. Danis-Fatôme ; Act. proc. coll. 2003/18, n° 230, note M. Storck ; RJ pers. et fam. 2003/12, p. 24, note S. Valory ; Rev. proc. coll. 2003, p. 353, n° 2, obs. M.-P. Dumont ; Dr. et procédures 2004/2, p. 87, note P. Crocq ; Petites affiches, 17 février 2004, n° 34, p. 7, note A.-F. Zattara et Petites affiches, 3 mai 2004, n° 88, p. 16, note J. Massip ; JCP éd. E, 2004, Jur. 336, p. 376, note S. Becqué-Ickowicz ; JCP éd. N, 2004, 1243, note I. Fosset-Lefebvre ; Rev. proc. coll. 2004, p. 22, note I. Fosset-Lefebvre ; Rev. proc. coll. 2004, p. 242, n° 1, obs. C. Saint-Alary-Houin ; Gaz. Pal. 7 juillet 2004, n° 135, p. 15, note A. Flasaquier ; RTD com. 2004, p. 368, n° 1, obs. A. Martin-Serf ; adde Cass. com., 19 novembre 2003, n° 01-00.431, FS-D N° Lexbase : A3027DAD, Act. proc. coll. 2004/2, n° 19 ; Cass. com., 30 juin 2004, n° 03-12.002, F-D N° Lexbase : A9067DCS ; Cass. com., 30 juin 2004, n° 03-10.986, F-D N° Lexbase : A0462DDH ; Cass. com., 1er février 2005, n° 01-13.943, FS-P+B N° Lexbase : A6163DGD, D. 2005, AJ p. 490, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll. 2005/4, n° 44, note L-C. Henry ; Gaz. Proc. coll. 2005/1, p. 33, n° 3-1, obs. P.-M. Le Corre ; Cass. com., 30 mars 2005, n° 03-20.424, F-D N° Lexbase : A4505DHC ; Cass. com., 10 mai 2005, n° 03-10.971, F-D N° Lexbase : A2247DI3, Gaz. proc. coll. 2005/3, p. 53, obs. F. Vauvillé). En ce dernier domaine, la Cour de cassation, par un arrêt remarqué, a jugé que la créance de pension alimentaire, qui fait naître à la charge du débiteur en procédure collective, une dette personnelle, n'a pas à être déclarée au passif (Cass. com., 8 octobre 2003, n° 00-14.760, FS-P+B+I N° Lexbase : A7117C9H, note Pierre-Michel Le Corre, Créances alimentaires et procédures collectives, Lexbase Hebdo n° 93 du 6 novembre 2003 - édition affaires N° Lexbase : N9277AAT). Mais immédiatement après avoir posé cette solution, la Cour de cassation ajoute que "la créance d'aliments, qui est une dette personnelle du débiteur soumis à la procédure collective, doit être payée sur les revenus dont il conserve la disposition, ou bien être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires". Ainsi, le créancier d'aliments, ce qui est le cas du créancier d'une prestation compensatoire, ne peut espérer être payé que sur des biens non soumis au dessaisissement, c'est-à-dire en pratique sur la fraction non saisissable des salaires du débiteur de la prestation compensatoire. Et c'est pourquoi, en l'espèce, la Cour de cassation croit devoir casser la décision de la cour d'appel qui avait condamné l'ex-époux à verser une prestation compensatoire en tenant compte de ses revenus mensuels, sans se préoccuper du fait de savoir s'il en avait la libre disposition. La solution est importante. Elle conduit à empêcher une condamnation à une prestation compensatoire déconnectée du montant réel des sommes dont le débiteur en liquidation judiciaire a la libre disposition. La solution semble pourtant devoir être modulée car, une fois la liquidation judiciaire clôturée, le débiteur retrouvera la libre disposition de ses revenus et pourra, alors, s'acquitter d'une prestation compensatoire sous forme de versements périodiques d'un montant plus élevé. Il faudrait alors trouver un moyen pour le juge du divorce de moduler le montant de la prestation compensatoire dans le temps. On pourrait suggérer la technique suivante : prévoir un montant mensuel en indiquant que ce montant sera versé dans la limite des sommes dont le débiteur a la libre disposition, cette limitation disparaissant une fois la clôture de la procédure intervenue.

A la seconde question, la Cour de cassation va répondre que "l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire interdit, pendant toute la durée de la procédure collective, les poursuites individuelles de la part des créanciers dont la créance à son origine antérieurement au jugement d'ouverture et soumet ces créances à la procédure de déclaration et de vérification des créances". Il s'en déduit, selon la Cour de cassation, que la cour d'appel "ne pouvait prononcer sur ce fondement de condamnation à paiement à l'encontre de M. X.". Ainsi, si la dette d'aliments peut être recouvrée pendant la procédure collective, dans la limite toutefois des revenus dont le débiteur a la libre disposition, il n'en va pas de même de la dette de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par l'ex-épouse. Celle-ci ne présente aucun particularisme et doit donc être traitée comme une créance classique de la procédure collective. Si elle est une créance antérieure, elle ne peut qu'être déclarée au passif et son titulaire est confronté aux règles classiques de l'interdiction des paiements, de l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution. Si elle est une créance postérieure, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, en revanche, aucun obstacle ne se présente pour que son titulaire puisse en obtenir paiement. La règle de l'arrêt des poursuites individuelles est sans application pour les créanciers postérieurs. Dès lors, la solution posée par la Cour de cassation peut paraître surprenante. En effet, le fait générateur de la créance délictuelle de dommages et intérêts est ici nécessairement postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur. Celui-ci a été placé en procédure collective en 1994 et les faits, source de responsabilité délictuelle, sont intervenus ultérieurement. La Cour de cassation n'aurait donc pas dû appliquer à la créance délictuelle de dommages et intérêts le régime des créances antérieures, mais celui des créances postérieures. Remarquons qu'une solution différente sera posée sur l'empire de la législation de sauvegarde des entreprises. En effet, la créance postérieure de dommages et intérêts ne peut être éligible au traitement préférentiel énoncé par les articles L. 622-17 (N° Lexbase : L3876HB8) et L. 641-13  (N° Lexbase : L3904HB9) du Code de commerce puisqu'elle n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure, pour les besoins la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation pour le débiteur pour son activité professionnelle pendant la période d'observation. Elle devra donc être déclarée au passif, et son titulaire sera soumis à la règle de l'interdiction du paiement des créances postérieures non éligibles au traitement préférentiel (C. com., art. L. 622-7 N° Lexbase : L1410HI3) et à celle de l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution (C. com., art. L. 622-21 N° Lexbase : L3741HB8).

P.-M. Le Corre

Pour la 2ème partie de cet article, lire (N° Lexbase : N0183ALD)

Pierre-Michel Le Corre
Professeur agrégé, Directeur du Master droit de la Banque de la faculté de droit de Toulon
Emmanuelle Le Corre-Broly
Maître de Conférences des Universités
Enseignante du Master droit de la Banque de la faculté de droit de Toulon

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