Existe-t-il encore une réforme juridique n'ayant pas pour finalité directe la recherche d'une meilleure croissance, et par là-même, l'amélioration de la situation de l'emploi ? Les "eisegètes" plient et plieront à nouveau devant la finalité économique toute exégétique de l'intervention de l'Etat. L'ordonnance du 23 mars 2006, portant réforme des sûretés, en est un nouvel exemple : le rapport "Grimaldi" ne s'en cache pas lui-même, "
le Groupe [de travail]
s'est attaché à rendre au droit français des sûretés les qualités de lisibilité et d'accessibilité, et qui sont, pour les citoyens comme pour les agents économiques, les conditions de la sécurité juridique nécessaire au développement du crédit" ; "
certaines solutions novatrices, récemment souhaitées par les Pouvoirs publics ou réclamées de longue date par les praticiens, ont [ainsi ]
été accueillies afin de concourir au développement du crédit et de sauvegarder la compétitivité juridique du marché français". Car après tout, "
point de propriété, sans liberté ; point de liberté, sans sûreté" (Pierre Dupont de Nemours) ; de là à en déduire de manière syllogique -à moins que ce ne soit que pur sophisme- qu'il n'y a point de propriété sans sûreté ! L'ordonnance marque donc un tournant dans l'histoire du droit civil puisqu'il crée un nouveau livre dans notre Code civil intitulé "Des sûretés", lequel comprend classiquement deux titres, l'un relatif aux sûretés personnelles et l'autre, aux sûretés réelles. Concernant les sûretés personnelles, l'évolution est plus symbolique que fondamentale, les rédacteurs ayant, en effet, souhaité laisser souffler, en ce domaine, le vent de la liberté contractuelle. Le texte introduit alors la garantie autonome et la lettre d'intention dans notre législation par le biais de simples définitions. Il reprend, également, quelques acquis jurisprudentiels en matière de garantie autonome (hypothèse de l'abus ou de la fraude manifeste permettant au garant d'échapper au paiement). En matière de sûretés réelles, les innovations sont plus nombreuses : refonte du droit de gage qui n'est désormais plus un contrat réel, fin de la prohibition du pacte commissoire, introduction de la clause de réserve de propriété, création d'une "hypothèque rechargeable" permettant de garantir plusieurs créances présentes ou futures avec la même hypothèque... Enfin, la réforme met fin aux controverses relatives au "cautionnement réel", expression désormais inexacte, le texte précisant, en effet, que le bénéficiaire de cette garantie n'a d'action que sur le bien affecté, le tiers constituant ne prenant ainsi aucun engagement personnel. Hier, la conjonction de plusieurs facteurs avait eu raison de la clarté et de la cohérence du droit des sûretés : la dispersion des textes, l'accumulation de réformes ponctuelles accomplies sans vision d'ensemble, l'intensité d'une activité jurisprudentielle parfois incertaine et fluctuante. Pour autant le droit français des sûretés réussira-t-il à rendre sûrs ceux qui dispensent le crédit, et à protéger avec clarté ceux qui y recourent ? Lisibilité, efficacité, le texte semble emporter le pari initial ; mais, peut-il se dispenser de toute herméneutique ? "
Dans toute idée, il faut chercher à qui elle va et de qui elle vient ; alors seulement on comprend son efficacité" (Bertolt Brecht,
Me ti, livre des retournements). C'est pourquoi, les éditions juridiques Lexbase ont choisi de revenir, cette semaine, sur l'intervention de
Laurent Aynès, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne, Paris I, relative au gage de meubles corporels, lors d'une récente Rencontre-Lamy, présidée par
Daniel Tricot, président de la Chambre commerciale de la Cour de cassation.
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