Réf. : Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, pour l'égalité des chances, art. 8 (N° Lexbase : L9534HHL)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Ces deux affirmations sont à la fois exactes et fausses dans la mesure où le contrat première embauche se présente comme un contrat à durée indéterminée mais s'inspire très fortement du contrat à durée déterminée. L'étude de ce nouveau contrat de travail, comparé aux deux modèles de référence, démontre que le contrat première embauche réussit ce tour de force d'apparaître à la fois comme un faux contrat à durée indéterminée (1) et un mauvais contrat à durée déterminée (2).
1. Un faux contrat de travail à durée indéterminée
Formellement, le contrat première embauche s'apparente à la catégorie des contrats de travail à durée indéterminée. Mais, en réalité, la législateur ne lui applique qu'un régime édulcoré.
1.1. Une espèce de contrat de travail à durée indéterminée
L'article 8-II, alinéa premier, de la loi, rattache explicitement le contrat première embauche à la catégorie des contrats de travail à durée indéterminée. Ce contrat emprunte, d'ailleurs, logiquement au contrat à durée indéterminée l'essentiel de son régime juridique, à l'exception toutefois des dispositions expressément exclues par le législateur.
Ces règles, qui sont inapplicables pendant la période initiale de 2 ans, dite de "consolidation", sont "celles des articles L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) à L. 122-11 (N° Lexbase : L5561ACX), L. 122-13 (N° Lexbase : L5564AC3) à L. 122-14-14 (N° Lexbase : L8990G74) et L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) à L. 321-17 (N° Lexbase : L0036HDP) du même code". Il s'agit des dispositions qui concernent le préavis de démission du salarié et les indemnités dues par ce dernier en cas d'abus, le préavis dû par l'employeur qui prononce un licenciement, l'indemnité de licenciement ou de rupture pour cause de force majeure, les règles relatives à l'entretien préalable au licenciement, à sa notification, à l'exigence et à la sanction de l'absence de cause réelle et sérieuse, l'obligation de rapatriement et de reclassement du salarié expatrié, la prohibition des clauses dites "guillotines" dans les conventions collectives qui instituent l'âge du salarié comme terme extinctif du contrat de travail, l'indemnité de départ ou de mise à la retraite ainsi que l'ensemble des règles relatives aux licenciements pour motif économique à l'exception, toutefois, des procédures d'information et de consultation du comité d'entreprise.
La liste des dispositions inapplicables au contrat première embauche étant limitative, il convient logiquement de considérer que toutes les règles qui ne sont pas écartées devront normalement s'appliquer.
La loi du 31 mars 2006 a pris la peine de préciser, ce qui n'était pas nécessaire compte tenu des solutions admises par la jurisprudence "Perrier" depuis 1974 (Chbre mixte, 21 juin 1974, n° 72-40.054, SA Générale des Grandes Sources d'eaux minérales françaises c/ Castagne, publié N° Lexbase : A9334AAX, D. 1974, p. 593, concl. A. Touffait, chron., p. 237, H. Sinay), que "la rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif".
L'employeur devra donc obtenir l'autorisation administrative de "licenciement" avant de rompre le contrat première embauche, tout comme il doit le faire s'il rompt le contrat à durée déterminée d'un salarié protégé avant terme (C. trav., notamment, art. L. 412-18, al. 8 N° Lexbase : L0040HDT, L. 425-2 N° Lexbase : L6388ACL, L. 436-2 N° Lexbase : L6453ACY).
En dehors de cette obligation procédurale, tous les régimes particuliers trouveront également à s'appliquer, qu'il s'agisse des règles interdisant les discriminations, le harcèlement, du droit disciplinaire, ou de la protection conférée aux femmes enceintes, aux salariés inaptes ou, encore, aux grévistes.
L'application de ces régimes spéciaux risque, toutefois, de se heurter à un obstacle matériel de taille, dans la mesure où l'employeur n'a pas à faire état d'un motif particulier pour justifier la résiliation du contrat première embauche dans les deux premières années. A moins que l'employeur n'ait souhaité aller au-delà de ses obligations légales en informant par écrit le salarié du motif de la rupture, l'application de ces règles protectrices risque de demeurer lettre morte (lire, ainsi, J. Savatier, La rupture pour motif disciplinaire des contrats nouvelles embauches, Dr. soc. 2005, p. 957).
Le dispositif probatoire propre aux discriminations, qui couvre aujourd'hui un champ très large, est, en revanche, susceptible d'assurer aux salariés une protection plus effective. En cas de contestation sur les motifs de la rupture du contrat première embauche, le salarié pourra présenter au juge "des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte" pour que l'employeur soit tenu de s'expliquer et "prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination" (C. trav., art. L. 122-45, al. 4 N° Lexbase : L1417G9D). L'employeur, qui n'était pas tenu de se justifier a priori devra alors le faire a posteriori et indiquer aux juges les motifs qui l'ont conduit à rompre le contrat première embauche s'il veut échapper à l'annulation de la mesure et à l'obligation de réintégrer le salarié.
Le contrat première embauche apparaît comme une forme très allégée de contrat à durée indéterminée, tout au moins pendant les deux premières années. Pendant cette période déterminée, de très nombreuses règles du droit du licenciement seront écartées et remplacées par des ersatz.
1.2. Un ersatz de contrat de travail à durée indéterminée
Le régime du contrat première embauche, applicable pendant les deux premières années, ressemble à une mauvaise copie de contrat de travail à durée indéterminée.
L'article 8 écarte les règles du droit commun du licenciement et y substitue une formalité de notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Si la forme de la notification est proche de celle exigée par l'article L. 122-14-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0042HDW), son contenu est nettement différent puisque l'employeur, qui n'a pas à justifier la décision de rompre le contrat, n'a, logiquement, aucun motif à indiquer, contrairement aux exigences de l'article L. 122-14-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5567AC8).
Il n'aura, d'ailleurs, pas intérêt à le faire dans la mesure où ce motif pourrait se retourner contre lui, soit parce qu'il déclencherait rétrospectivement l'application d'un régime spécial dont l'application serait maintenue, soit parce que les tribunaux pourraient transposer, ici, la jurisprudence dégagée depuis 1990 dans le cadre du licenciement, qui considère que la lettre de licenciement fixe le cadre du litige et ne peut être complétée ultérieurement par des éléments qui n'auraient pas été portés à la connaissance du salarié (Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-44.308, M. Rogie c/ Société Sermaize Distribution, publié N° Lexbase : A9329AAR, D. 1991, p. 99, note J. Savatier).
L'article 8 prévoit le droit à un préavis en cas de rupture anticipée du contrat première embauche, "sauf faute grave ou force majeure".
L'existence de ce préavis est directement inspirée du régime du contrat à durée indéterminée et de l'article 122-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5558ACT), puisque ce droit cède en présence d'une faute grave du salarié ou en cas de force majeure (Cass. soc., 16 juillet 1987, n° 84-40.807, Société Setpac et autre c/ M. Chastanet, publié N° Lexbase : A0751AHB).
Son régime s'en différencie toutefois, sans être d'ailleurs nécessairement moins favorable. Pour les salariés dont l'ancienneté est comprise entre 6 mois et 2 ans, la durée du préavis est identique puisqu'il est d'un mois. Mais, lorsque l'ancienneté est inférieure à 6 mois, le contrat première embauche reconnaît au salarié ayant au moins un mois d'ancienneté un préavis de 15 jours, alors que l'article L. 122-6 du Code du travail (N° Lexbase : L5556ACR) ne prévoit rien de tel pour un salarié sous contrat à durée indéterminée (mais le texte renvoie aux accords collectifs ou aux usages qui peuvent le prévoir).
Toutefois, la loi ne détermine pas les droits du salarié lorsque l'employeur ne respecte pas son droit à préavis. On peut logiquement considérer qu'à l'instar des solutions qui prévalent en droit commun, et même si les dispositions de l'article L. 122-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5558ACT) ne sont pas ici applicables, le juge accordera au salarié une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir pendant la durée de ce préavis, par application des règles du droit commun de la responsabilité civile.
Afin de "sécuriser" la rupture anticipée du contrat première embauche, l'article 8 prescrit par 12 mois, à compter de l'envoi de la lettre recommandée, le délai pour contester la rupture devant le conseil de prud'hommes. Cette prescription, très courte, s'inspire à l'évidence des modifications apportées au régime de la prescription des actions en contestation des licenciements pour motif économique, introduite par la loi du 19 janvier 2005 (C. trav., art. L. 321-16, al. 2 N° Lexbase : L8931G7W).
Cette courte prescription n'est cependant opposable au salarié qui si ce dernier en a été informé par écrit dans la lettre de notification de la rupture.
Certains employeurs rechignent, aujourd'hui, à en faire mention, craignant que la mention de ce délai ramené à 12 mois n'incite, en réalité, les salariés à agir en justice afin de préserver leurs droits.
Quoi qu'il en soit, ce délai est le plus court aujourd'hui en vigueur et sans commune mesure avec la prescription trentenaire applicable aux salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée.
L'article 8 reconnaît au salarié, titulaire d'un contrat première embauche, le bénéfice "du droit individuel à la formation prévu à l'article L. 933-1 du Code du travail" (N° Lexbase : L4730DZ9).
L'octroi de ce droit a été présenté comme un avantage accordé aux salariés en contrat première embauche, ce qui n'est pas le cas puisqu'il est normalement ouvert à tous les salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée.
L'article 8 aménage toutefois ce droit pour tenir compte de la durée d'emploi effective en contrat première embauche. Le salarié en contrat à durée indéterminée de droit commun n'en bénéficie, en effet, que s'il a une ancienneté d'au moins un an (C. trav., art. L. 933-1). Or, ce droit est ouvert au salarié en contrat première embauche dès le début du deuxième mois, et ce dans la perspective d'une rupture anticipée qui interviendrait dans la première année ; contrairement à ce que l'on tente de nous faire croire, la rupture du contrat première embauche dans le délai de 2 ans est suffisamment vraisemblable pour que l'on ait pris soin d'adapter les règles à cette probabilité...
Pour calculer l'étendue de ce droit, l'article 8 applique au salarié titulaire d'un contrat première embauche les mêmes règles de calcul prorata temporis que celles qui valent pour le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel, soit une fraction du contingent de 20 jours par an. Lorsque le salarié n'aura pas fait valoir son droit dans l'entreprise pendant la durée du contrat, ce dernier sera transférable à condition qu'il en ait fait la demande pendant la durée du délai-congé, et que le contrat n'ait pas été rompu pour faute grave ou lourde. Il pourra alors bénéficier d'un bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience professionnelle ou de formations...
L'employeur est, ici, tenu "d'informer le salarié, lors de la signature du contrat, des dispositifs interprofessionnels lui accordant une garantie et une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement".
Il ne s'agit que d'une simple obligation d'information sur un dispositif bénéficiant normalement aux salariés dont l'entreprise cotise au 1 % logement, et non d'une extension des droits. La loi n'accorde donc au salarié ayant conclu un contrat première embauche aucun avantage particulier, et l'expérience démontre que les bailleurs ne seront pas nécessairement enclins à louer à des salariés dont la situation professionnelle est aussi peu garantie.
L'article 8 accorde aux salariés dont le contrat première embauche a été résilié une allocation forfaitaire d'une durée de 2 mois lorsqu'ils ne remplissent pas les conditions pour bénéficier normalement de l'assurance chômage.
Il s'agit là, apparemment, d'un privilège réservé aux titulaires du contrat première embauche. Mais de quel privilège parle-t-on exactement ? Le montant de l'aide versée pendant 2 mois a, en effet, été fixée à 16,40 euros par jour (décret n° 2005-894 du 2 août 2005 relatif à l'allocation forfaitaire, art. 2 N° Lexbase : L0749HBD), soit 2 euros de plus que le montant du RMI...
Les règles propres, applicables aux salariés titulaires d'un contrat première embauche, montrent qu'il s'agit d'une espèce dévalorisée de contrat à durée indéterminée. L'examen des autres pièces du régime montre qu'il s'agit également d'un contrat bien moins favorable que le contrat à durée déterminée.
2. Le contrat première embauche, sous-contrat à durée déterminée
En dépit du rattachement affiché à la figure du contrat à durée indéterminée, le contrat première embauche apparaît comme un sous-contrat à durée déterminée, car de très nombreuses règles qui s'en inspirent apportent aux salariés des garanties diminuées.
2.1. L'exigence d'un écrit
Le contrat première embauche doit être conclu par écrit. Cette exigence ne s'accompagne toutefois d'aucune mention obligatoire, contrairement aux autres contrats du Code du travail pour lesquels une formalité comparable est exigée.
Cette absence est d'autant plus regrettable que le texte fait peser sur l'employeur, lors de la signature, une obligation d'information concernant les "dispositifs interprofessionnels [lui] accordant une garantie et une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement", la loi n'imposant pas de mention dans le contrat écrit ni, d'ailleurs, d'information écrite sur ces dispositifs. Cette exigence n'a donc que peu d'intérêt, si ce n'est d'informer le salarié de la qualification retenue pour le contrat.
La loi n'a rien prévu non plus s'agissant de la sanction de l'absence d'écrit. On peut toutefois penser que les tribunaux attribueront, le cas échéant, des dommages-intérêts au salarié qui aurait subi un préjudice du fait de cette absence.
L'absence d'écrit devrait également conduire les juridictions prud'homales à requalifier le contrat première embauche, qui n'aurait pas été passé par écrit, et à faire une application immédiate du droit commun du licenciement. Il nous semble toutefois que cette "présomption" de contrat à durée indéterminée s'attachant à l'absence d'écrit ne sera qu'une présomption simple, à l'instar de la solution qui prévaut en présence d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel (Cass. soc., 14 mai 1987, n° 84-43.829, Mme Hallot c/ Société à responsabilité limitée Biscuits Roulet, publié N° Lexbase : A7455AAD, Dr. soc. 1988, p. 438, note J. Savatier). Cette sanction risque, par conséquent, d'être moins favorable aux salariés que celle qui est appliquée automatiquement au contrat à durée déterminée (Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-45.951, Mlle Delhomme c/ Société anonyme Maurice Fils, publié N° Lexbase : A0901AHT, Dr. soc. 1987, p. 631, note C. Poulain). L'employeur pourra donc rapporter, par tous moyens, la preuve que le salarié avait bien été embauché dans le cadre d'un contrat première embauche.
Par ailleurs, et contrairement à la solution qui prévaut pour les contrats à durées déterminées (C. trav., art. L. 122-3-13 N° Lexbase : L5469ACK), aucune indemnité sanctionnant la requalification n'a été prévue.
2.2. La détermination de conditions particulières de recours
Le contrat première embauche emprunte, tout d'abord, au contrat à durée déterminée l'existence de conditions de recours particulières. Si, dans le cadre du contrat à durée déterminée, ces conditions correspondent aux besoins de l'entreprise (C. trav., art. L. 122-1-1 N° Lexbase : L9607GQU et L. 122-2 N° Lexbase : L5454ACY) et excluent certaines hypothèses (emplois permanents de l'entreprise, remplacement de salariés grévistes, tâches dangereuses : C. trav., art. L. 122-1 N° Lexbase : L5451ACU et L. 122-3 N° Lexbase : L5455ACZ), les conditions de recours au contrat première embauche tiennent uniquement à la taille de l'entreprise (plus de 20 salariés) et à l'âge du salarié (moins de 26 ans).
Les salariés qui entrent dans le champ d'application du contrat première embauche sont donc en concurrence directe avec les salariés âgés de plus de 26 ans qui risquent, par conséquent, de ne pas être recrutés. Le contrat première embauche entre, également, en concurrence avec d'autres formes de contrats, à durée indéterminée comme déterminée, dont ils risquent de prendre la place. Seul l'article 8-I, alinéa 3, cherche à éviter de créer une concurrence avec les autres contrats, en précisant que le contrat première embauche "ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 du même code", autrement dit, des emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels il n'est pas d'usage de recourir aux contrats à durées indéterminées.
La loi a également posé une condition supplémentaire. Comme le contrat nouvelles embauches, le contrat première embauche ne concerne, en principe, que l'accès d'un salarié à l'entreprise : "Les employeurs [...] peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche d'un jeune âgé de moins de vingt-six ans, un contrat de travail dénommé 'contrat première embauche'". Il ne saurait, par conséquent, être question ici de "convertir" un contrat existant en contrat première embauche, comme l'ont d'ailleurs jugé les premières juridictions prud'homales saisies à propos du contrat nouvelles embauches (ainsi, Conseil de prud'hommes, Longjumeau, 20 février 2006, R.G n° 05/00974, M. Peyroux N° Lexbase : A5277DNR, lire les obs. Ch. Willmann, Contrat nouvelles embauches : un nouveau contrat de travail ou une réforme du droit du licenciement ?, Lexbase Hebdo n° 207 du 23 mars 2006 - édition sociale N° Lexbase : N5993AK8 ; Dr. soc. 2006, p. 356, chron. E. Dockès).
L'article 8, lui-même, s'inscrit expressément dans cette logique d'accès à l'emploi et tente de prévenir toute utilisation abusive du contrat première embauche en imposant la prise en compte de "la durée des contrats de travail, précédemment conclus par le salarié avec l'entreprise, ainsi que la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié au sein de l'entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, de même que la durée des stages réalisés au sein de l'entreprise [...] dans le calcul de la période" des 2 ans.
Cette précaution ne garantit toutefois pas au salarié que sa période d'insécurité ne durera que deux années. Cette période de précarité n'est, en effet, pas attachée au "parcours" professionnel du salarié, mais uniquement à sa présence dans une entreprise déterminée ; le salarié dont le contrat de travail sera rompu, soit pendant la période de 2 ans, soit à l'occasion du terme d'un contrat à durée déterminée ou d'un licenciement, devra, de nouveau, se soumettre à une période de 2 ans dans une nouvelle entreprise, et il pourra ainsi enchaîner plusieurs périodes de 2 ans, ce qui prolongera d'autant sa situation de précarité. Ce phénomène est malheureusement bien connu des salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée puisque, dans de nombreuses hypothèses, la période maximale de 18 mois imposée par la loi (C. trav., art. L. 122-1-2) sera en pratique dépassée, soit qu'il s'agisse de remplacer un salarié absent, soit qu'il s'agisse de conclure plusieurs contrats successifs dès lors que le motif du recours change à chaque nouveau contrat.
2.3. L'existence d'une période de carence
L'article 8 dispose qu'"en cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat".
Ces dispositions s'inspirent de la technique du délai de carence que le législateur impose à l'entreprise entre un licenciement pour motif économique et le recrutement d'un contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité (C. trav., art. L. 122-2-1 N° Lexbase : L5458AC7 : 6 mois) ou entre la conclusion de deux contrats à durées déterminées ou de travail temporaire (C. trav., art. L. 122-3-11 N° Lexbase : L9644GQA : le tiers de la durée du contrat).
Le délai de carence fixé dans le cadre du contrat première embauche a, par conséquent, une durée inférieure à celui qui est dû postérieurement à un licenciement économique et à celui qui est imposé en cas de succession de contrats à durées déterminées, dès lors que le précédent a duré plus de 9 mois.
Ce délai a, également, un champ d'application plus restreint dans la mesure où il ne concerne que la conclusion de deux contrats première embauche successifs avec le même salarié, alors que le délai de carence qui s'applique au contrat à durée déterminée concerne le poste de travail, et non le contrat d'un salarié en particulier. Un employeur pourra donc valablement occuper, sur un emploi permanent de l'entreprise, autant de salariés sous contrat première embauche qu'il le désire, dès lors qu'il aura eu la précaution de rompre le contrat avant l'expiration de la période de consolidation de 2 ans.
2.4. La durée de la période de consolidation
La détermination d'une période déterminée, pendant laquelle les règles de droit commun applicables au licenciement se trouvent écartées, renvoie à une double référence.
Elle s'apparente, en premier lieu, à la notion de "durée déterminée" des contrats du même nom. Mais la durée de cette période apparaît comme supérieure à la durée de droit commun de 18 mois qui prévaut dans le cadre des contrats à durées déterminées (C. trav., art. L. 122-1-2).
Le choix d'une durée de 2 ans fait également référence à celle qui détermine l'ancienneté du salarié nécessaire pour lui permettre de bénéficier de l'indemnité légale de licenciement (C. trav., art. L. 122-8 N° Lexbase : L5558ACT) et de l'indemnité minimale équivalent aux salaires des 6 derniers mois en l'absence de cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 122-14-5 N° Lexbase : L5570ACB).
Le rattachement du contrat première embauche à la catégorie des contrats à durée indéterminée et l'exclusion d'une grande partie des règles du droit commun du licenciement pendant une période donnée renvoie également à la technique de la période d'essai de l'article L. 122-4. Il s'agit, malheureusement, d'une période de plus grande précarité encore puisque, si la période d'essai est "finalisée", ce qui autorise un contrôle du juge sur le motif de la rupture (lire, dernièrement, D. Noguéro, Le devenir de la période d'essai du salarié, Dr. soc. 2002, p. 589), la période de consolidation du contrat première embauche est une période d'arbitraire, sans aucune fonction affichée.
L'examen du sort du contrat qui se prolonge après l'expiration de la période dite de consolidation peut, également, se rattacher au régime du contrat à durée déterminée. Lorsque ce dernier se prolonge au-delà du terme, il se transforme légalement en contrat à durée indéterminée (C. trav., art. L. 122-3-10 N° Lexbase : L9643GQ9).
Mais mieux vaut alors, du point de vue du salarié, conclure un contrat à durée déterminée de 18 mois plutôt qu'un contrat première embauche. Pendant la période stipulée, le titulaire du contrat à durée déterminée ne peut, en effet, être révoqué que pour faute grave ou force majeure (C. trav., art. L. 122-3-8), alors que le salarié ayant conclu un contrat première embauche pourra l'être sans motif. A l'issue de la période initiale, l'employeur qui décide de garder le salarié à son service fait alors basculer le salarié sous contrat à durée déterminée dans le régime de droit commun du contrat à durée indéterminée, tout comme d'ailleurs le salarié ayant conclu un contrat première embauche, mais cette transformation s'opère 6 mois plus tôt...
2.5. L'indemnité de rupture
Le salarié dont le contrat première embauche est rompu avant l'expiration de la période de consolidation de 2 ans n'a pas droit à l'indemnité légale de licenciement. Le salarié sous contrat à durée indéterminée de droit commun n'y a, de toutes façons, pas légalement droit non plus puisque l'article L. 122-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5559ACU) exige qu'il compte au moins 2 ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur.
En contrepartie, le salarié pourra prétendre au bénéfice d'une indemnité qui ressemble à l'indemnité de précarité qui est due au salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée en fin de contrat (C. trav., art. L. 122-3-4 N° Lexbase : L4598DZC). Mais là où le salarié en contrat à durée déterminée perçoit une indemnité "égale à 10 % de la rémunération totale brute", le salarié en contrat première embauche ne percevra que 8 %. Le coût pour l'entreprise sera toutefois équivalent puisque cette dernière devra s'acquitter, en outre, d'une contribution de 2 %, versée aux Assédic, et "destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en vue de son retour à l'emploi".
Le régime de cette indemnité est d'ailleurs directement calqué sur celui de l'indemnité de précarité : elle n'est, en effet, pas due si le contrat première embauche a été rompu pour faute grave du salarié et est soumise au régime fiscal et social de l'indemnité de licenciement.
2.6. Le bénéfice du congé de formation
L'attraction qu'exerce le contrat à durée déterminée sur le contrat première embauche se vérifie également par le fait que le salarié bénéficie, lorsque son contrat est rompu, "du congé de formation dans les conditions fixées par les articles L. 931-13 (N° Lexbase : L4710DZH) à L. 931-20-1 (N° Lexbase : L4718DZR) du Code du travail". Or, le bénéfice de ce congé est, en principe, réservé aux seuls titulaires d'un contrat à durée déterminée. L'assimilation avec le contrat à durée déterminée est alors totale puisque le salarié en contrat première embauche ne bénéficie ici d'aucun dérogation, notamment s'agissant des conditions d'ancienneté posées par l'article L. 931-15 (N° Lexbase : L1412G98).
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