Réf. : Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006, relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (N° Lexbase : L8129HHK)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Les Sages ont donc été contraints de conclure à l'inconstitutionnalité des articles contestés, supprimant, par-là même, une part importante du dispositif, puisque les textes supprimés contenaient l'essentiel de la réforme.
Quantitativement, il reste 11 articles touchant à la fois le droit du travail, le droit de la Sécurité sociale et le droit fiscal. Qualitativement, on doit regretter le peu de réforme et, sur les points intéressants et nouveaux, le manque de moyens permettant de le rendre effectif. Ceci entraînera nécessairement une inapplication partielle du dispositif.
1. Introduction positive de la vie personnelle dans la vie professionnelle
Bien qu'en principe indépendante de la vie professionnelle, la vie personnelle et familiale fait son entrée dans le Code du travail. Si l'employeur ne peut, en principe, s'en servir négativement, c'est-à-dire, par exemple, au soutien d'une sanction ou d'un licenciement ou pour refuser une embauche (Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.326, M. X c/ Office notarialde Maîtres Ryssen et Blondel, publié N° Lexbase : A2206AAX, JCP éd. G, 1998, II, 10101, note M.-C. Escande-Varniol ; par exception, Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-43.227, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3400DA8, lire Revirement de jurisprudence : un acte commis par le salarié dans le cadre de sa vie privée peut désormais constituer une faute professionnelle, Lexbase Hebdo n° 101 du 1er janvier 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9944AAK), il se trouve désormais contraint de la prendre en considération dans un sens positif. Trois dispositions se trouvent modifiées en ce sens.
1.1. Extension des obligations de l'employeur (article 7)
La première étend les obligations de l'employeur vis-à-vis des représentants du personnel. Singulièrement, l'article 7 de la loi vient modifier l'article L. 432-3-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6405AC9). Cette disposition oblige l'employeur à soumettre, chaque année, pour avis au comité d'entreprise, un rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes en matière de formation, de rémunération et de conditions générales d'emploi.
Le législateur vient, par la loi nouvelle, contraindre l'employeur à faire figurer, dans le rapport présenté au comité d'entreprise, des éléments relatifs à l'articulation entre les activités professionnelles des salariés et l'exercice de leurs responsabilités familiales.
Le problème est, qu'ici, le législateur ne donne aucune indication sur les éléments qui doivent figurer dans le rapport.
La première difficulté est, pour l'employeur, de savoir s'il remplit ses obligations en la matière. La seconde vise le comité d'entreprise : comment et quand peut-il contraindre l'employeur à insérer ces éléments ? Peut-il l'obliger à les perfectionner ? Quel est le niveau d'exigence requis ? Que peuvent faire les instances représentatives en cas d'insuffisance ou d'absence de référence à ce nouvel élément dans le rapport annuel ?
Le législateur ne prévoit aucun contenu et ne pose aucune sanction à l'encontre de l'employeur qui ne ferait pas figurer, dans le rapport, les éléments nouvellement ajoutés.
Un problème plus général consiste à se demander à quoi sert ce rapport. A-t-il une simple vocation informative ? Doit-il être suivi de mesures ?
1.2. Evolution de l'emploi et vie personnelle
L'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, quelle que soit sa forme, doit désormais compter avec la vie familiale et personnelle. L'article 8 de la loi introduit deux modifications.
Il impose, en premier lieu, un changement de titre. Antérieurement consacrée à l'aide à l'adaptation des salariés aux évolutions de l'emploi dans le cadre des accords sur l'emploi, cette section est, désormais, également consacrée à l'articulation de l'emploi et de la vie personnelle et familiale.
Son article unique bénéficie du même ajout. Ainsi, au dernier alinéa de l'article L. 322-7 du Code du travail (N° Lexbase : L5323AC7), après les mots "assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi ou action", l'article 8 vient ajouter les mots "en particulier grâce à des mesures améliorant l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale".
Le problème est que, comme précédemment, le législateur oblige mais ne donne aucune indication sur ces mesures. Quelle est leur teneur ? Que doit faire l'employeur pour remplir ses obligations en la matière ? Que se passe-t-il s'il n'en prend aucune ?
1.3. Aide aux formations hors du temps de travail (article 11)
L'article 11 de la loi vient modifier l'article L. 932-1, III, du Code du travail, qui prévoit le principe et le taux de la rémunération versée aux salariés qui participent à des formations hors de leur temps de travail. Le législateur vient, ici, prendre en compte une conséquence familiale inhérente à ce type de formation : que fait-on des enfants ?
Ce texte dispose, à cet effet, qu'un accord de branche peut prévoir qu'une majoration d'au moins 10 % de l'allocation formation peut être accordée au salarié lorsque ce dernier est amené à suivre des actions de formation hors de son temps de travail. Cette majoration n'a pas le caractère de rémunération au sens de la Sécurité sociale et est donc exonérée de charges sociales. Le législateur limite expressément cette indemnisation à la présence d'un accord d'entreprise. Une question se pose alors : quelle est la valeur d'un accord d'entreprise ou d'une source atypique qui prévoirait cette possibilité ?
2. Renforcement de la protection de la maternité
On assiste, d'autre part, à travers ce Titre II, à un renforcement général de la protection de la maternité et de ses suites et, singulièrement, du congé parental. Le législateur comble ici des vides, notamment, en maintenant à tout prix le lien du salarié en congé avec l'entreprise.
Outre l'introduction expresse et remarquée de l'interdiction faite à l'employeur d'écarter, dans une offre d'emploi, les femmes en état de grossesse (article 13 de la loi), le législateur vient améliorer le sort des femmes enceintes et des salariés de retour de congé parental.
2.1. Maintien du lien du salarié avec l'entreprise
Le législateur maintient ce lien de deux manières. Il donne les moyens financiers aux entreprises de pallier l'absence d'un salarié en congé et impose son décompte dans l'effectif.
- Aides aux petites entreprises (article 10 de la loi)
Le législateur prend en compte les difficultés devant lesquelles peuvent se trouver les petites et moyennes entreprises lorsqu'elles sont contraintes de remplacer une salariée absente pour une certaine durée, singulièrement lorsque cette dernière est en état de grossesse. Certaines entreprises sont d'ailleurs tentées, au moment de l'annonce de la grossesse, de se séparer de la salariée afin de ne pas avoir à jongler avec un remplaçant.
Faisant écho à l'interdiction de licencier une femme enceinte, la loi du 23 mars 2006 vient, dans un nouvel article L. 122-25-2-1 du Code du travail, accorder une aide aux petites entreprises, celles qui sont les plus touchées par les difficultés inhérentes à un remplacement.
Le législateur ajoute, à cet effet, un article L. 122-25-1 du Code du travail qui dispose que les entreprises de moins de 50 salariés se verront verser une aide de l'Etat à l'embauche d'un salarié intérimaire pour remplacer un ou plusieurs salariés en congé maternité ou d'adoption.
Là encore, le législateur manque de rigueur et ne donne aucune précision. Quelle est exactement la teneur de cette aide ? A quoi l'entreprise peut-elle prétendre ?
- Crédit d'impôt (article 12)
L'article 244 quater F du CGI dispose que les entreprises, imposées d'après leur bénéfice réel, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 25 %. Ce texte prévoit une liste limitative des dépenses couvertes par cet avantage, qui tournent autour du congé parental ou des frais de garde d'enfants exceptionnels financés par les entreprises.
A cette liste, le législateur vient, par l'article 12, ajouter les dépenses de formation engagées en faveur des nouveaux recrutés à la suite d'une démission ou d'un licenciement pendant un congé parental, quand la formation a lieu dans les 3 mois de l'embauche et dans les 6 mois suivant le terme du congé.
Cette aide s'adresse aux entreprises qui engagent des dépenses en ce sens à compter de l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire à compter du 24 mars 2006.
- Maintien du salarié en congé dans l'effectif de l'entreprise
L'article 19 modifie l'article L. 620-1 du Code du travail qui a trait au calcul de l'effectif de l'entreprise et, singulièrement, aux salariés qui doivent être pris ou ne doivent pas être pris en compte dans le calcul de l'effectif de l'entreprise. Le législateur vient expressément exclure du calcul de l'effectif les salariés embauchés sous contrat de travail temporaire lorsqu'ils remplacent un salarié dont le contrat est suspendu, notamment, du fait d'un congé maternité ou d'un congé parental. Ces deux catégories de salariés conservent leur lien avec l'entreprise puisqu'ils continuent à y être décomptés comme s'ils y travaillaient.
L'autre matérialisation de la volonté de maintenir le salarié, dont le contrat est suspendu, dans l'entreprise, résulte de la prise en compte totale des congés maternité et post maternité pour le calcul de l'ancienneté pour l'ouverture des droits à congé de formation.
- Calcul de l'ancienneté
L'article 20 supprime, en premier lieu, la faculté qui existait antérieurement de prendre intégralement en compte la durée du congé parental d'éducation dans le décompte de l'ancienneté du salarié (C. trav., art. L. 122-28-6, al. 2, ancien N° Lexbase : L8982G7S). On relève, ici, un retour en arrière par rapport à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 (loi de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) qui, dans son article 134, était venue permettre une prise en compte plénière et la subordonner à l'existence d'un accord de branche allant en ce sens. Désormais, le congé de présence parentale et le congé parental ne vaudront que pour la moitié de leur durée pour le calcul de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.
Cette suppression est parfaitement logique, puisqu'elle risquait d'entraîner des contradictions entre conventions de branche ne prévoyant pas expressément la prise en compte totale pour le droit à congé de formation, et la loi qui l'impose. Elle était, en outre, discriminatoire puisqu'elle excluait du bénéfice de l'avantage conventionnel les périodes de congé maternité.
Cette suppression se trouve partiellement compensée par une prise en compte totale de la durée des congés pour l'ouverture des droits du salarié à un congé de formation.
L'article 20 prévoit, en second lieu, que les périodes d'absence du salarié pour maternité, adoption, congé de présence parentale ou congé parental d'éducation doivent être totalement prises en compte pour la détermination des droits du salarié à un congé de formation (C. trav. art. L. 933-1 N° Lexbase : L4730DZ9). Ce droit individuel à la formation est réservé aux salariés ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise. La prise en compte de la durée des congés permet de rendre ce droit effectif dès le retour de congé du salarié, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Tout est ici fait pour que la salariée de retour de maternité puisse adapter son activité professionnelle à son nouveau statut et, éventuellement, articuler comme elle l'entend sa vie professionnelle et sa vie personnelle.
2.2. Extension de la période de suspension du contrat des femmes enceintes
L'article 15 est intégralement consacré à la modification du Code de la Sécurité sociale.
Prenant acte des progrès de la médecine, ce texte prévoit la prise en charge et l'indemnisation du congé maternité des femmes qui accouchent avant le début du congé légal de maternité. La suspension, les droits à indemnisation et repos, antérieurement limités à la période allant du jour où débute le congé maternité au jour où le congé prend fin, s'étend désormais de la date de l'accouchement effectif à la fin du repos légal.
Une femme a, désormais, droit à la suspension de son contrat de travail de la date d'accouchement à la date de début des périodes légales de suspension de son contrat (C. trav., art. L. 122-26 nouveau).
Ainsi, lorsque l'accouchement survient plus de 6 semaines avant la date initialement prévue et exige l'hospitalisation prénatale de l'enfant, la salariée peut prétendre à une prise en charge (CSS, art. L. 331-3 N° Lexbase : L9574HEC ; CSS, art. L. 722-8 N° Lexbase : L0546HHP ; CSS, art. L. 722-8-1 N° Lexbase : L5511DYR ; CSS, art. L. 613-19 N° Lexbase : L9588HET ; CSS, art. L. 613-19-1 N° Lexbase : L9589HEU ; C. rur., art. L. 732-12 N° Lexbase : L3910HGW), ce qui n'était pas le cas antérieurement.
L'article 15 renvoie à un décret le soin de déterminer les modalités d'application de cet article, le montant de l'allocation prévue au premier alinéa, les montants et les durées d'attribution de l'indemnité journalière prévue au deuxième alinéa, notamment, lorsque l'accouchement a lieu plus de 6 semaines avant la date initialement prévue et exige l'hospitalisation postnatale de l'enfant.
Corrélativement, le législateur vient ajouter à la durée d'indemnisation du congé maternité, l'indemnisation des jours entre la date d'accouchement et le début de la période de repos légale (CSS art. L. 331-3 nouveau ; CSS, art. L. 331-4 modifié).
Il permet également à la salariée, dont l'accouchement a eu lieu avant la date de repos légal et dont l'enfant est hospitalisé, de bénéficier d'un report de l'indemnisation à la période post hospitalisation de l'enfant (CSS, art. L. 331-5 nouveau).
Bien que l'article 15 semble subordonner la prise en charge de la salariée à l'hospitalisation de l'enfant, cette hypothèse ne devrait pas être la seule. L'emploi, dans certaines dispositions nouvelles (dans les articles L. 722-8 et L. 722-8-1 du Code de la Sécurité sociale), de l'adverbe "notamment", permet d'étendre le champ du dispositif dans le sens, non seulement, d'un élargissement des droits pécuniaires de la salariée mais, encore, de l'élément déclencheur qui n'est pas limité au cas de l'hospitalisation de l'enfant, ce dernier n'étant, en effet, qu'un exemple.
Ce qui est certain est que l'hospitalisation de l'enfant ouvrira toujours à la salariée droit à indemnisation, alors que les autres hypothèses seront limitées aux cas auxquels le législateur a fait expressément référence (CSS, art. L. 722-8 ; CSS, art. L. 722-8-1). De ce point de vue, l'article L. 331-3 pose un problème puisque, contrairement aux autres dispositions modifiées, il vise expressément et exclusivement l'hypothèse dans laquelle l'enfant est hospitalisé, le législateur n'ayant pas jugé nécessaire d'employer, dans ce texte, l'adverbe "notamment".
L'absence de liste limitative est intéressante mais pose des difficultés puisqu'elle entoure l'ouverture du droit d'un flou juridique, peu protecteur, puisque la salariée ne peut, à l'avance, savoir s'il sera ou non pris en charge. L'absence de liste précise risque, en outre, d'entraîner des différences entre caisses de sécurité sociale, constitutives d'inégalités. Le décret ne tend pas à énumérer les hypothèses dans lesquelles la salariée peut prétendre être prise en charge, mais doit uniquement régler les questions techniques et purement quantitatives.
Cet ajout, et le vide qu'il vient combler, ne peuvent cependant qu'être salués. Ils constituent une évolution importante de la protection de la maternité.
Une dernière difficulté, et qui n'est pas des moindres, résulte du fait que le législateur prévoit une application rétroactive de ce texte aux accouchements survenus à compter du 1er janvier 2006, soit depuis plus de 3 mois... Il va être difficile de revenir sur le traitement qui a été appliqué aux femmes entre cette date et la date d'entrée en vigueur de la loi.
2.3. Droit à congé annuel des femmes de retour de congé maternité
L'article 17 est également consacré à la femme en congé maternité et, singulièrement, à son retour de congé. A cet effet, il ajoute à l'article L. 223-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5307ACK), un second alinéa.
La salariée de retour de congé maternité peut, désormais, faire valoir ses droits à congés payés annuels, et ce, quelle que soit la période de congés retenue par la convention collective ou l'employeur pour le personnel de l'entreprise.
Ceci signifie que cette dernière peut imposer à l'employeur ses dates de congés. Cette disposition constitue donc, à la fois, une limite à la libre fixation des congés par l'employeur et une dérogation à la période légale de congés.
Il est donc a priori possible, à la femme de retour de maternité, d'accoler les congés annuels payés acquis à son congé maternité.
Une seule limite à l'exercice de ce doit semble devoir résulter du respect des périodes légales de congés qui ne sont pas expressément visées dans l'article L. 223-1 nouveau. A l'intérieur de cette période, la salariée semble pouvoir faire ce que bon lui semble.
La loi du 23 mars 2006 ne fait, ici, que reproduire le principe qui avait été dégagé par la jurisprudence et en vertu duquel, sur le fondement du principe plus général d'indépendance des congés maternité et des congés payés, la salariée était en droit de prendre ses congés annuels payés au moment de son retour de congé maternité (Cass. soc., 2 juin 2004, n° 02-42.405, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5182DCW ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01, María Paz Merino Góme c/ Continental Industrias del Caucho SA N° Lexbase : A5883DBI, lire Aurélie Garat, Le congé maternité ne remplace pas le congé annuel payé, Lexbase Hebdo n° 114 du 1er avril 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1047ABE).
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