La lettre juridique n°181 du 15 septembre 2005 : Contrôle fiscal

[Jurisprudence] Sous quelles conditions est-il possible de notifier des rappels en droits d'enregistrement à la suite d'une vérification de comptabilité ?

Réf. : Cass. com., 12 juillet 2005, n° 02-11.254, M. Peter Mattey c/ Directeur général des impôts, FS-P+B (N° Lexbase : A9103DIY)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

On sait que les droits d'enregistrement ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une vérification de comptabilité. Ce qui n'interdit pas, cependant, à l'administration de recueillir, au cours d'une telle procédure, des renseignements lui permettant de motiver des redressements sur ces droits. 1. Les conditions dans lesquelles une vérification sur place permet de recueillir des renseignements

1.1. La collecte de renseignements

La Haute juridiction judiciaire a, au fil de ses décisions, considérablement assoupli les conditions dans lesquelles le vérificateur est en droit de relever, au cours de son contrôle sur place, des éléments susceptibles de fonder un redressement en matière de droits d'enregistrement. En effet, le juge a, tout d'abord, posé le principe selon lequel l'administration a la possibilité de notifier un redressement en matière de droits d'enregistrement en se fondant sur les renseignements recueillis au cours d'un contrôle externe, en l'occurrence une VASFE (vérification de la situation approfondie de la situation fiscale d'ensemble, "ancêtre" de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle), diligenté sur une période au titre de laquelle les droits litigieux étaient estimés dus (Cass. com., 15 avril 1986, n° 84-15.195, Bounour c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A3136AAE). Dans un second temps, il semblait découler d'une décision rendue en 1995 qu'il soit nécessaire que la date du fait générateur des droits rappelés soit incluse dans la période soumise au contrôle. En l'espèce, un redressement pour non-respect de l'engagement d'affecter un bien immobilier à l'habitation pendant trois ans avait été validé par la Cour, alors même que la date d'acquisition du bien sur lequel portait l'engagement était antérieure à la période vérifiée (Cass. com., 17 octobre 1995, n° 93-19.424 ). Cependant, la date d'expiration du délai de conserver à l'usage d'habitation était intervenue au cours de la période vérifiée.

La Haute juridiction s'est, ensuite, affranchie de cette condition dans un nouvelle affaire relative, à nouveau, à l'engagement de l'article 710 ancien du CGI. Dans cette espèce, la date d'expiration du délai de trois ans était le 29 septembre 1981 et la vérification portait sur les années 1982 à 1984. La Cour a, cependant, décidé que "même si la date du fait générateur des droits de mutation était antérieure à la période concernée par la vérification, ces droits n'en étaient pas moins dus pour cette période" (Cass. com., 18 novembre 1997, n° 95-17.599, M Chouraqui c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A1953ACC). Toutefois, la preuve de l'exigibilité des droits ne doit pas être étrangère à la période soumise au contrôle et le juge doit vérifier le respect de cette condition (Cass. com., 3 mars 2004, n° 01-11.732, F-D N° Lexbase : A4811DBS). Autrement dit, le vérificateur doit "découvrir" les renseignements susceptibles de motiver le redressement en matière de droits d'enregistrement dans les documents qui lui sont communiqués au cours du contrôle et qui concernent la période vérifiée. Cette condition est respectée lorsqu'il est constaté qu'en raison, d'une part, de son occupation par l'acquéreur, ayant pris lors de l'acquisition l'engagement de revendre prévu à l'article 1115 du CGI , d'autre part, du paiement de travaux constaté pendant la période vérifiée, l'acquéreur n'avait pas l'intention de revendre (CA Douai, 15 septembre 2003, n° 02-2473). La Cour de cassation vient de rappeler cette exigence dans un attendu sans ambiguïté "l'administration des impôts peut notifier un redressement en matière de droits d'enregistrement en se fondant sur des renseignements recueillis lors d'un vérification de comptabilité effectuée régulièrement au titre d'une période au cours de laquelle les droits étaient estimés dus, même si la date du fait générateur des droits est antérieure à la période concernée par la vérification". Cette jurisprudence a, cependant, une limite. En effet, il est impératif que le délai de prescription dont dispose l'administration pour constater l'omission ne soit pas écoulée. Cette exigence a été rappelée par la Cour (Cass. com., 29 octobre 2003, n° 00-22.620, F-D N° Lexbase : A9890C98). A cet égard, sauf exception, la prescription est décennale et court, lorsque la créance d'impôt est affectée d'une condition suspensive, comme c'est le cas dans nombre de régimes de faveur, à compter du premier jour suivant l'expiration du délai imparti à l'acquéreur pour tenir son engagement (Doc. adm., 13 L 1214, 1er juillet 2002, n° 46 et 47). La prescription de trois ans, dite abrégée, ne peut être revendiquée que de façon exceptionnelle si l'exigibilité des droits a été suffisamment révélée à l'administration par un acte intervenu après l'expiration du délai imparti pour tenir l'engagement.

1.2. La collecte "fortuite"

En l'état actuel de la jurisprudence, fondée sur une seule décision, cette collecte de renseignements doit être fortuite. En effet, selon la cour d'appel de Versailles, s'il est démontré que l'administration n'a pas trouvé incidemment dans les documents remis pour les besoin de la vérification de comptabilité ceux justifiants les rappels de droits d'enregistrement, la procédure est irrégulière (CA Versaille 23 octobre 2003, n° 02-4523). En effet, dans une telle hypothèse, le contrôle sur place est censé avoir porté sur les droits d'enregistrements dont on sait qu'ils ne sont pas susceptibles d'être examinés dans le cadre d'une vérification de comptabilité. Au cas particulier de l'affaire examinée par la cour de Versailles, la preuve du contrôle prohibé découlait de l'examen du rapport de vérification établit par l'agent des impôts. Ce dernier indiquait que le contrôle avait effectivement porté sur les droits d'enregistrement. Il conviendra de vérifier si la Haute juridiction, appelée à statuer, puisque l'administration a formé un pourvoi en cassation, valide une telle analyse.

2. Les conditions dans lesquelles les redressements sont notifiés au redevable

Sur le plan formel, il est à remarquer que les règles de compétence en matière de droits d'enregistrement doivent être respectées. Dans ce domaine, sont seuls compétents les agents affectés au service territorial dont dépend le lieu d'imposition (LPF, art. R. 190-1, al. 2 N° Lexbase : L5326GUS et R. 202-1, al. 2 du LPF N° Lexbase : L4635AEE). Ainsi, la procédure est irrégulière dans l'hypothèse où la proposition de rectification en matière de droits d'enregistrement est effectuée à l'issue du contrôle sur place, en même temps que celle portant sur les impôts commerciaux (CA Paris 11 septembre 2003, n° 2002-06231). Au cas particulier, l'agent vérificateur avait mentionné les droits d'enregistrement parmi la liste des redressements envisagés sur l'imprimé spécifique adressé au contribuable à l'issue d'un contrôle sur place. En effet, la compétence des agents est commandée par les règles d'enregistrement des actes. Par suite, le lieu d'imposition pour les ventes d'immeubles est l'adresse professionnelle du notaire qui a rédigé l'acte ou, si la formalité est fusionnée avec celle de la publicité foncière, le bureau des hypothèques du lieu de situation de l'immeuble par application des dispositions de l'article 657 du CGI . En pratique, l'inspecteur compétent, destinataire des informations recueillies, doit adresser au redevable un imprimé n° 2120.

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