Lecture: 7 min
N4117AIC
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
le 07 Octobre 2010
Alors qu'un pessimisme ambiant commençait à s'installer, un rapport sur les aspects du sport professionnel en France présenté au ministre des Sports, Jean-François Lamour, en novembre 2003 par M. Jean-Pierre Denis, inspecteur général des finances, allait, enfin, amorcer un vent de réforme sur un secteur trop longtemps délaissé par l'Etat.
Les réformes législatives de ces deux dernières années, ajoutées aux avis portant réglementation pris par les autorités comptables françaises, ont apporté des changements non négligeables dans le traitement fiscal du droit à l'image des sportifs professionnels (1), des indemnités versées par les clubs (2) et des recettes des sociétés sportives professionnelles (3).
1. Le traitement fiscal du droit à l'image des sportifs professionnels
La récente loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel (N° Lexbase : L4814GUT) a aménagé le droit à l'image des sportifs professionnels. Le rapport "Denis" avait mis l'accent sur l'importance croissante que constitue, pour les sportifs et leurs clubs, leur image de sportif de haut niveau : "l'image du sportif, véhiculant les valeurs de performance, de dépassement de soi, d'engagement et de réussite, intéresse au plus haut point la communication des entreprises [...]. C'est, ainsi, que s'est développée, dans le monde du sport professionnel, la pratique des contrats d'image par lesquels les sportifs apportent ou prêtent leur image à des opérations de promotion de produits ou de services". Le renforcement de ces pratiques s'explique, notamment, par :
Le traitement fiscal et social du droit à l'image était, jusqu'à l'intervention de la loi du 15 décembre 2004, pénalisant pour les clubs et leurs joueurs. En effet, s'agissant des rémunérations versées au sportif par le club qui l'emploie, on appliquait le régime salarié de droit commun . Par conséquent, au plan fiscal, les rémunérations versées au joueur par son club en contrepartie de l'exploitation de son image étaient qualifiées de traitements et salaires par l'administration fiscale (QE n° 5266 de M. Deprez Léonce, JOANQ, 30 août 1993, p. 2686, min. Eco., réponse publ. 14 mars 1994, p. 1253, 10ème législature N° Lexbase : L4348G8K ; QE n° 2386 de M. André Fosset, JOSEQ, 5 août 1993, p. 1305, min. Bud., réponse publ. 17 mars 1994, p. 590, 10ème législature N° Lexbase : L4346G8H).
Cette solution, résultant de la spécificité du droit à l'image du sportif qui appartient en indivision à celui-ci et à la société sportive qui l'emploie, avait été confirmée par le Conseil d'Etat dans une décision en date du 14 mars 2001 (CE, 3° s-s., 14 mars 2001, n° 223013, Papin c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie).
Pourtant, cette analyse était contestable du fait que le joueur salarié n'est tenu vis-à-vis de son employeur qu'à la réalisation de prestations purement sportives, et n'est, en conséquence, nullement contraint de prêter son image au club. Ainsi, les revenus qu'il tire de l'exploitation de son image auraient dû être, non pas imposés dans la catégorie traitements et salaires, mais bien dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ou, le cas échéant, des bénéfices industriels et commerciaux. C'est, d'ailleurs, le distinguo qui est opéré pour les artistes (D. adm. 5 G-116, 15 sept. 2000, n° 30 et s. : les redevances perçues par les artistes sont imposables en tant que BNC).
C'est pourquoi, l'article 1er de la loi précitée, en ajoutant un article L. 785-1 au Code du travail (N° Lexbase : L8961G7Z), dispose que, désormais, la part de rémunération versée à un sportif professionnel qui correspond à la commercialisation de l'image collective de l'équipe à laquelle il appartient, ne doit pas être considéré comme un élément du salaire. Cette fraction de rémunération sera, donc, fixée par les conventions collectives ou des accords spécifiques conclus, pour chaque discipline sportive, entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les organisations représentatives des sociétés qui emploient des professionnels. Elle ne pourra pas, cependant, excéder 30 % de la rémunération brute totale du sportif. Cette transposition du régime applicable aux mannequins, permet, aussi, qu'une partie de la rémunération (redevance) versée au joueur soit exonérée de cotisations sociales, répondant, ainsi, aux doléances des clubs concernant la lourdeur de ces dernières.
Sur un plan fiscal, on peut penser que la TVA et la taxe professionnelle ne s'appliqueront pas aux redevances versées aux joueurs. La question est plus ouverte s'agissant de la taxe sur les salaires.
Si la modification opérée va dans le bon sens, on regrettera, pourtant, qu'en liant la rémunération des joueurs à la commercialisation de l'image collective de l'équipe, la loi du 15 décembre 2004 ait omis la question du traitement fiscal de l'image individuel des sportifs.
2. Le traitement fiscal des indemnités de transfert versées par les clubs
Les indemnités de transfert versées à l'occasion des mutations de joueur d'un club à un autre ont, pendant longtemps, été soumis à un choix permettant soit aux acquéreurs de constater immédiatement en charges déductibles le prix d'acquisition des droits sportifs portant sur un joueur, soit d'inscrire celui-ci en charges à répartir.
Le Conseil national de la comptabilité, par un avis n° 04-16 rendu le 23 juin 2004 relatif à la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs, a mis fin à ce régime. Se fondant sur l'évolution des normes comptables internationales et, notamment, l'application de la norme IAS 38 relative aux immobilisations incorporelles, il a décidé que l'indemnité versée par un club sportif professionnel à une autre société française ou étrangère au titre de la mutation d'un joueur professionnel correspond à l'acquisition d'un droit contractuel à comptabiliser en immobilisation incorporelle, amortissable de manière linéaire sur une période maximale de cinq ans (cette règle est d'application obligatoire pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005 et optionnelle pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2004).
La traduction sur le plan fiscal dépendra de l'option retenue par le passé par les clubs. Ainsi, pour ceux qui passaient immédiatement en charges les indemnités de transfert, l'inscription d'une immobilisation incorporelle se traduira par une variation d'actif net imposable, susceptible d'être tempérée par la déduction des amortissements qui auraient du être constatées au titre de ces immobilisations. Pour les clubs qui constataient des charges à répartir, en l'absence de variation d'actif net positive, il n'y aura pas d'incidence fiscale.
En ce qui concerne la TVA, les clubs hexagonaux qui s'échangeront des joueurs devront, comme dans les opérations de prêt, soumettre ces opérations à la TVA au taux de 19,60 %.
Enfin, dans l'hypothèse de transfert avec un club étranger, la TVA française sera due par le club français acquéreur auprès d'un club étranger et ne sera pas exigible en cas de cession d'un joueur par un club français à un club étranger.
3. Le traitement fiscal des recettes des clubs
Il est, ici, question essentiellement des "droits TV", c'est-à-dire des sommes proposées par les chaînes de télévision, afin de s'approprier, exclusivement ou non, la retransmission et la couverture d'une compétition sportive pour une durée déterminée. La loi n° 2003-708 du 1er août 2003 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives N° Lexbase : L1748DPG) permet le transfert par les fédérations sportives aux clubs de la propriété des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison par la ligue professionnelle en cause. Auparavant, ces droits étaient détenus par les ligues, ce qui constituait une "moins-value" pour les clubs. Cette réforme importante était attendue de longue date par les sociétés sportives professionnelles, qui pourront, désormais, inscrire ces droits à leur actif.
La loi précitée a, par ailleurs, prévu que l'accroissement d'actif net résultant de la cession à titre gratuit des droits TV ne sera pas pris en compte par les clubs pour la détermination de leurs résultats imposables au titre de l'exercice d'inscription de ces droits à leur actif. Toutefois, les charges engagées par les clubs titulaires de ces droits et relatives à l'accroissement d'actif résultant des droits d'exploitation audiovisuelle ne pourront venir en déduction du résultat imposable des clubs.
Enfin, les flux représentatifs des droits audiovisuels perçus par les clubs pourraient être soumis à la TVA.
Il convient de souligner une autre modification du régime en cause résultant de la loi du 1er août 2003. Celle-ci permet, dorénavant, la cession à titre onéreux par l'association de la marque ou autres signes distinctifs à la société sportive. Toutefois, cette cession ne bénéficie pas d'un régime fiscal préférentiel et devrait, donc, donner lieu à une plus-value imposable à l'impôt sur les sociétés du chef de l'association cédante et à l'application d'un droit d'enregistrement de 4,80 % dû par le cessionnaire.
Ainsi, la fiscalité afférente au sport a été remaniée ces deux dernières années, afin de prendre en compte les spécificités de celui-ci. L'exercice était difficile, car il fallait à la fois préserver l'essence du droit fiscal, qui est de procéder à une répartition équitable des richesses et, à la fois, promouvoir le sport français en lui donnant les armes nécessaires pour qu'il soit davantage concurrentiel dans les compétitions européennes. Un compromis semble, pourtant, avoir été, enfin, trouvé entre ces deux intérêts apparemment contradictoires.
Karim Sid Ahmed
Doctorant à l'Université de Paris I - La Sorbonne
- F. Labie, La fiscalité du sport, LGDJ, 2000, p.154 ;
- P. Derouin et P. Martin, Droit communautaire et fiscalité, Litec, 2004, p. 495 ;
- F. Subra, L'images de sportifs de haut niveau : pour une nouvelle approche fiscale, JCP, éd. E, 2005, n° 12, p. 520-526 ;
- J. Messeca, Sociétés sportives : vers un big-bang fiscal ?, Revue Lamy droit des affaires, 2005, n° 78, p. 7-10.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:74117