Réf. : Cass. com., 22 février 2005, n° 02-18.625, Mme Annette Veron Cacheux c/ Directeur général des impôts, F-P+B (N° Lexbase : A8574DGN)
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N2100AIM
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
le 07 Octobre 2010
Au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune, cet accroissement de ses droits n'a pas été synonyme d'amélioration pour le conjoint survivant. En effet, avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, il était distingué selon que ce dernier tenait ses droits de la loi ou d'une disposition en sa faveur, mais cette distinction a disparu. Autrement dit, en présence d'enfants communs, le conjoint a perdu le droit d'obtenir une imposition séparée.
1. Décès intervenus avant le 1er juillet 2002
1.1. Démembrement résultant des articles 767 ancien, 1094 (N° Lexbase : L1178ABA) ou 1098 (N° Lexbase : L1186ABK) du Code civil
Si, en principe, l'usufruitier est imposé sur la valeur en pleine propriété des biens qu'il détient, cette taxation de la pleine propriété est écartée, lorsque le démembrement résulte de certaines dispositions du Code civil. En effet, l'article 885 G du CGI (N° Lexbase : L3526AB9), qui prévoit que les biens grevés d'un usufruit doivent être compris dans le patrimoine de l'usufruitier pour leur valeur en toute propriété, ne s'applique pas lorsque le démembrement résulte des articles 767 ancien, 1094 ou 1098 du Code civil. L'article 767 ancien fixe à un quart en usufruit les droits légaux du conjoint survivant non divorcé et non séparé, lorsque le défunt laisse un ou plusieurs enfants. L'article 1094 donne la possibilité à un époux, en l'absence de descendant, de disposer en faveur de son conjoint, de ce dont il aurait pu disposer au profit d'un étranger et, en outre, de la nue-propriété de la réserve des ascendants. Dans cette hypothèse, les ascendants ne recueillent que des droits en usufruit. L'article 1098 permet au conjoint survivant, en présence d'enfants d'un premier lit, de recueillir des droits en usufruit.
1.2. Enumération limitative
L'énumération contenue à l'article 885 G du CGI est limitative. Par suite, les biens, dont la propriété est démembrée en application d'autres articles, ne peuvent faire l'objet d'une imposition répartie, comme le précise le texte par une disposition à caractère interprétatif. La Haute juridiction vient, ainsi, de confirmer, dans l'arrêt du 22 février 2005, que les démembrements qui résultent de l'article 1094-1 du Code civil (N° Lexbase : L1179ABB) ne permettent pas d'écarter le principe de l'imposition sur la valeur de la pleine propriété. On sait que cet article, comme les articles 1094-2 (N° Lexbase : L1180ABC) et 1094-3 (N° Lexbase : L1181ABD) permettent, par donation, d'augmenter les droits du conjoint survivant. La cour n'a pas retenu l'argument selon lequel les dispositions des articles 767, 1094, 1094-1 à 1094-3 et 1098 du Code civil auraient été indissociables. Qui plus est, le renvoi de l'article 885 G à l'article 1094 du Code civil ne pouvait se comprendre que s'il englobait les articles 1094-1 à 3, qui, eux, prévoient un usufruit au profit du conjoint survivant. D'ailleurs, pour l'application de l'IGF, devenu l'ISF en 1989, la cour avait estimé, qu'en visant l'usufruit résultant de l'application de l'article 1094, l'article 885 G se référait nécessairement aux usufruits résultant des articles 1094-1 à 1094-3 du Code civil. Cette solution, qui pouvait s'expliquer, puisque le seul article 1094 ne prévoit aucun usufruit au profit du conjoint (il prévoit un usufruit réservé aux ascendants) contrairement aux articles 1094-1 à 1094-3, a été mise en échec par une disposition à caractère interprétatif de la loi de finances pour 1990 n° 89-935 du 29 décembre 1989, n° 89-935 (article 10 II), qui a, ainsi, aménagé l'article 885 G. Si la Haute juridiction a dénié tout caractère interprétatif à cette disposition de la loi (Cass. com., 7 avril 1992, n° 89-20.418, Mme Pavie c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A4010AB7), elle a, en revanche, estimé le texte nouveau applicable aux impositions dues après l'entrée en vigueur de la loi (Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-00.201, F-D N° Lexbase : A1208DAY)
2.1. Décès intervenus à compter du 1er juillet 2002
2.1. Changement de doctrine relative aux droits légaux
S'agissant des droits accordés par contrat de mariage ou par donation pendant la durée du mariage, la position de l'administration n'est pas modifiée. La doctrine relative aux articles 1094 et 1098 du Code civil continue, donc, à s'appliquer. En revanche, concernant les droits qui résultent, désormais, de l'article 757 du Code civil, la doctrine est modifiée. En effet, saisissant le prétexte d'une absence de mise en concordance des références aux articles du Code civil, l'administration exclut le nouvel usufruit légal de l'imposition répartie : "A législation constante, l'usufruit légal du conjoint survivant résultant de l'application de la nouvelle loi relève du principe de la taxation de la pleine propriété des biens dans le patrimoine de l'usufruitier, conformément aux dispositions de l'article 885 G" (instruction du 23 février 2004, BOI n° 7 S-2-04, n° 14 N° Lexbase : X0639ACN). Ainsi, au motif que les nouveaux droits légaux du conjoint survivant n'ont pas fait l'objet d'une réécriture de l'article 767 et que l'article 885 G n'a pas été modifié pour tenir compte de la nouvelle codification, dès lors, ce que confirme l'instruction, l'usufruitier est imposé sur la pleine propriété des biens détenus en usufruit, qu'il détienne ses droits de la loi ou d'une donation entre époux. De surcroît, une autre instruction précise qu'en l'absence de dépôt de la déclaration de succession, dans le délai prévu à l'article 641 du CGI , le conjoint survivant sera présumé, sauf preuve contraire, avoir opté pour la totalité de ses droits successoraux en usufruit (instruction du 7 avril 2003, BOI n° 7 G-1-03 N° Lexbase : X4382ABW).
2.2. Critiques
L'administration a justifié ce changement en précisant que "cette analyse ne conduit pas à un durcissement du régime fiscal du conjoint survivant dès lors que l'option pour l'usufruit de la totalité des biens, nouveau droit du conjoint survivant en présence de descendants commun des époux, constitue en réalité une légalisation des conventions de donation au dernier vivant, d'ores et déjà exclues en matière d'impôt de solidarité sur la fortune de toute possibilité d'imposition répartie" (QE n° 14678 de Mme Bourragué Chantal, JOANQ, 24 mars 2003, p. 2141, min. Eco., réponse publ. 17 février 2004, p. 1224, 12ème législature N° Lexbase : L8002DNP). C'est, donc, l'accroissement des droits légaux qui est retenue pour écarter l'imposition répartie. Cependant, cet accroissement des droits nouveaux du conjoint résulte de la loi. L'usufruit fixé par l'article 757 du Code civil reste un usufruit légal et devrait, de ce fait, être traité comme celui, certes moins généreux, prévu par l'article 767 ancien du même code. Par ailleurs, sur le plan formel, le renvoi de l'article 885 G à l'article 767 du Code civil n'a plus aucun sens, puisque le nouvel article 767 traite, désormais, de la créance alimentaire du conjoint dans le besoin.
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