Réf. : Instruction du 7 février 2005, BOI n° 7 A-1-05 (N° Lexbase : X8755ACA)
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
le 07 Octobre 2010
L'administration fiscale confirme officiellement la modification de sa doctrine concernant la déchéance du paiement différé, accordé, sur leur demande, aux héritiers qui ne reçoivent, par succession, que des droits en nue-propriété, en cas d'arbitrages opérés sur un portefeuille démembré. Dans la même instruction en date du 7 février 2005, elle précise, également, les modalités de surveillance devant être mises en oeuvre.
On sait que les articles 397 et 404 B de l'annexe III du CGI permettent à tout ayant-droit, à qui sont dévolus par succession des biens en nue-propriété, de demander à bénéficier du paiement différé des droits de mutation dont il est redevable, jusqu'à l'expiration d'un délai qui ne peut excéder six mois à compter de la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ou de la cession totale ou partielle de cette dernière. Cette dérogation au principe du paiement immédiat des droits de succession est destiné à tenir compte du fait que les héritiers, auxquels sont dévolus des biens en nue-propriété, n'en perçoivent pas les revenus et ne pourraient les céder que difficilement dès lors que la propriété est démembrée. Ce crédit donne lieu à paiement d'intérêts, dont le taux était fixé à 2,27 % pour l'année 2004, sauf option par les héritiers pour une majoration d'assiette des droits. Dans cette hypothèse, les droits dus sont assis sur la valeur imposable de la propriété entière au jour de l'ouverture de la succession (Doc. adm. 7 A 4321 du 10 septembre 1996, n° 75). S'agissant de la fin du crédit, outre l'hypothèse d'une consolidation de la propriété, c'est-à-dire la réunion de l'usufruit à la nue-propriété, soit par suite du décès de l'usufruitier, soit par suite de donation par ce dernier de son usufruit au nu-propriétaire, il est stipulé que les droits en suspens deviennent exigibles en cas de cession totale ou partielle de la nue-propriété à titre onéreux ou à titre gratuit (Doc. adm. 7 A 4321 du 10 septembre 1996, n° 76 et 77). Outre certaines mesures de tolérance, la seule exception à la déchéance du bénéfice du crédit en raison d'une cession vise le cas où le démembrement porte sur un portefeuille de valeurs mobilières.
1. Les causes d'exigibilité des droits ayant fait l'objet du paiement différé
Le paiement des droits peut être différé au maximum jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois décompté de la date de la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ou de la cession totale ou partielle de cette dernière à titre onéreux ou gratuit.
1.1. Application du principe
Ainsi, en cas de cession partielle de la nue-propriété, cette cession entraîne l'exigibilité de l'intégralité des droits en suspens, y compris ceux afférents aux autres biens encore détenus en nue-propriété (QE n° 4687 de M. Dupont-Aignan Nicolas, JOANQ, 20 octobre 1997, p. 3489, min. Eco., réponse publ. 5 janvier 1998, p. 60, 11ème législature N° Lexbase : L5345G74). De même, les droits deviennent exigibles lorsque les biens sont cédés en toute propriété par réunion de l'usufruit à la nue-propriété. Le fait que la propriété des biens acquis en remploi soit à son tour démembrée ne saurait avoir d'incidence (QE n° 39432 de M. Mesmin Georges, JOANQ, 18 février 1991, p. 558, min. Eco., réponse publ. 29 juillet 1991, p. 3005, 9ème législature N° Lexbase : L5344G73). Il est également mis fin au paiement différé en cas de donation partage effectuée par le nu-propriétaire et portant sur les biens reçus par lui (réponse Bizet, JOANQ, 12 juillet 1982, p. 2901).
1.2. Les mesures de tolérance
Lorsque le produit de la vente de la nue-propriété est inférieur au total des droits dus par l'héritier, l'administration admet qu'il puisse conserver le bénéfice du paiement différé pour le solde des droits si l'intégralité du produit de la vente est versé à titre d'acompte sur les droits en suspens. Le décès du nu-propriétaire est sans incidence sur le paiement différé. Cependant, selon l'administration, la question peut se poser de savoir si les garanties, qui ont été constituées lors de la concession du crédit, peuvent être maintenues ou doivent être renouvelées selon le partage qui est fait entre les héritiers du nu-propriétaire (Doc. adm. 7 A 4321 du 10 septembre 1996, n° 77).
De même, le paiement différé n'est pas remis en cause lorsque les biens sont apportés à une société de personnes, à condition que l'apport soit rémunéré par des parts également en démembrement. A défaut, c'est-à-dire en cas de rémunération par des parts en pleine propriété ou en cas d'apport à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, le régime du paiement différé cesse (réponse Pinte, JOANQ, 3 mars 1979, p.1291).
En cas de partage pur et simple de la nue-propriété entre les héritiers, cette opération ne rend pas exigibles les droits de mutation par décès (réponse Neuwirth, JOANQ, 22 décembre 1980, p. 5346). En revanche, si le partage est avec soulte, cette dernière correspondant à l'aliénation de ses droits de nue-propriété par le bénéficiaire de la soulte, la mesure de tempérament n'est plus applicable.
Enfin, en cas d'expropriation de l'un des biens, dont la propriété est démembrée, et qui avait été affecté en garantie du paiement différé, l'indemnité, inférieure aux droits dus, étant encaissée par l'usufruitier, le régime de faveur est maintenu, moyennant la constitution d'une nouvelle garantie (Doc. adm. 7 A 4321 du 10 septembre 1996, n° 81).
2. Le cas particulier du portefeuille démembré
Une application stricte de la doctrine administrative conduisait, en cas de cession d'une seule des valeurs composant un portefeuille démembré à la suite d'un décès et pour lequel les héritiers avaient demandé le bénéfice du paiement différé, à l'exigibilité des droits en suspens, y compris ceux afférents aux autres valeurs encore détenues en nue-propriété. Comme il ne pouvait être raisonnablement refusé à un conjoint survivant usufruitier d'arbitrer en fonction de l'évolution des cours de bourse, l'administration a, dans un premier temps, admis que les héritiers puissent conserver le crédit de paiement sous condition de remploi. Dans un second temps, confirmant cette absence de remise en cause du crédit sous condition de remploi, elle vient de préciser les modalités de surveillance, qui doivent être mise en oeuvre par les services des impôts.
2.1. L'absence d'exigibilité des droits liée à la condition de remploi
Afin de prendre en compte la particularité de la gestion d'un portefeuille démembré, puisque le juge admet que l'usufruitier puisse seul prendre des initiatives et gérer les titres qui le compose sans demander, au préalable, l'accord du nu-propriétaire (Cass. civ., 1ère ch., 12 novembre 1998, n° 96-18.041, Mme Malet c/ consorts Baylet N° Lexbase : A3008AUX), l'administration a précisé, en 2003, que sa doctrine allait être assouplie (QE n° 4145 de M.Soulier Frédéric, JOANQ, 7 octobre 2002, p. 3412, min. Eco., réponse publ. 31 mars 2003, p. 2474, 12ème législature N° Lexbase : L7870BGL). Selon cette réponse, les héritiers nus-propriétaires d'un portefeuille de valeurs mobilières pouvaient, à l'avenir, continuer à bénéficier du crédit de paiement différé, même si l'usufruitier procédait à des cessions de titres. Le bénéfice de cette disposition nouvelle était subordonné à l'utilisation effective de l'intégralité du produit des cessions à l'acquisition de nouvelles valeurs. Cette doctrine a, donc, été confirmée par l'instruction qui vient de paraître, puisque l'administration y précise que la déchéance du bénéfice du paiement différé n'est susceptible d'être prononcée que s'il est formellement établi que le produit des cessions de titres n'a pas été intégralement affecté à l'acquisition de nouvelles valeurs.
2.2. Les mesures de surveillance
L'administration devant prouver l'existence de l'événement sur lequel elle se fonde pour exiger le paiement des droits, c'est-à-dire la cession sans réinvestissement, l'instruction récente prévoit les modalités de surveillance de la composition des portefeuilles bénéficiant du crédit de paiement différé. En effet, les textes, dans leur rédaction jusqu'à l'entrée en vigueur de l'instruction, n'imposaient pas aux nus-propriétaires l'obligation de fournir des justificatifs démontrant que les conditions requises pour le maintien du crédit de paiement différé étaient réunies à tout moment. Ainsi, les héritiers nus-propriétaires sont, désormais, invités, dans la lettre les informant de la décision d'octroi du bénéfice du crédit de paiement différé, à fournir au comptable, à savoir le receveur, selon une périodicité annuelle, les relevés mensuels du portefeuille, titres compris, dans l'actif successoral. En l'absence de tels justificatifs, l'administration effectuera les recherches permettant de s'assurer que les conditions d'octroi du régime de faveur sont toujours réunies. Dans la négative, elle prononcera la déchéance et procédera à la mise en recouvrement de la créance. Bien que l'instruction ne le précise pas, il devrait être accordé, au terme de chaque période pour produire les relevés, un délai de 30 jours aux nus-propriétaires pour donner au comptable les informations requises.
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