L'envoi de courriers par le propriétaire de brevets aux clients d'un concurrent les mettant en garde sur le fait que les biens vendus par ce dernier pourraient requérir une licence de huit de ses brevets européens doit être qualifié de dénigrement "
caractérisant une concurrence déloyale et constituant par nature un trouble manifestement illicite", dès lors que ces courriers mettent en cause, sans justification, la loyauté du concurrent dans la fabrication et la commercialisation de ses biens. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 27 mai 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-10.800, FS-P+B
N° Lexbase : A8161NI4). En l'espèce, la lettre litigieuse, qui indiquait que les téléviseurs numériques vendus sous certaines références étaient susceptibles de requérir une licence de huit brevets dont les numéros étaient mentionnés, précisait que, certains fournisseurs ayant choisi de ne pas participer au programme de "
licensing", la commercialisation de leurs produits dans les pays protégés donnait lieu à des "
problèmes juridiques" et invitait les destinataires, à défaut d'obtenir la preuve par leur fournisseur d'un certificat de licence, à cesser la commercialisation de ces produits ou à souscrire une licence directement auprès du propriétaire des brevets. Or, les juges du fond ont relevé que le titulaire des droits fait état, dans cette lettre, de ce qu'il estime être ses droits sans mentionner les contestations élevées par la société concurrente. Ils relèvent, ensuite, que l'envoi de cette lettre ne peut être légitimé par l'existence de pièces annexées, les brevetés ne pouvant laisser aux destinataires le soin de contrôler eux-mêmes, à supposer qu'ils en aient les moyens techniques en l'absence de tout élément sur les contestations élevées par leur fournisseur, le bien-fondé des prétentions. Ainsi, cette lettre, mettant en cause, sans justification, la loyauté d'une société dans la fabrication et la commercialisation de biens doit être qualifiée d'acte de dénigrement caractérisant une concurrence déloyale constitutive d'un trouble manifestement illicite. Faisant, dès lors, ressortir que la lettre litigieuse ne se limitait pas à une simple mise en connaissance de cause des vendeurs sur un risque de contrefaçon de brevets en cas de poursuite de la commercialisation de leurs produits au sens de l'article L. 615-1, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle (
N° Lexbase : L1819H3R), la cour d'appel a pu prononcer une mesure d'interdiction sous astreinte à l'encontre du breveté sur le fondement des articles 872 (
N° Lexbase : L0848H48) et 873 (
N° Lexbase : L0850H4A) du Code de procédure civile, l'interdiction demandée constituant, par ailleurs, le moyen approprié pour faire cesser ce trouble et éviter qu'il se reproduise. La Cour confirme que le juge des référés a pu fixer le terme de la mesure d'interdiction à la reconnaissance, amiable ou par décision judiciaire irrévocable, du bien-fondé des droits revendiqués.
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