Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 11 avril 2014, n° 375051, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1113MKG)
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
le 29 Mai 2014
Olivier Metzger : Comme tout marché public dont la passation est régie par le Code des marchés publics, les marchés de services juridiques sont pleinement soumis au principe d'allotissement, qu'il s'agisse de l'obligation d'allotir en cas d'indentification de prestations distinctes mais, également, des exceptions qui permettent à un pouvoir adjudicateur de décider de regrouper certaines prestations distinctes s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence, à rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations, ou encore s'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination.
Les marchés de services juridiques ont, par ailleurs, donné lieu à des décisions de justice assez nombreuses concernant l'application du principe d'allotissement, ce qui permet aujourd'hui d'avoir une idée assez précise des exceptions à ce principe qui sont susceptibles d'être validées par le juge administratif.
Lexbase : De quelle manière s'opère le contrôle du juge administratif en matière de respect de ce principe ?
Olivier Metzger : Plusieurs éléments doivent être ici mentionnés.
Tout d'abord, en cas de contestation sur le recours au marché global, le contrôle du juge s'opère en plusieurs étapes : existe-t-il des prestations distinctes, si oui, l'un des cas d'exception au principe d'allotissement est-il vérifié ; enfin, le juge contrôle les modalités de l'allotissement.
Le contrôle du juge va donc au-delà des cas de recours au marché global pour s'intéresser également aux marchés ayant bien fait l'objet d'un allotissement.
Ceci étant précisé, il convient de rappeler que, dans l'arrêt "Commune d'Ajaccio" du 21 mai 2010, le Conseil d'Etat a affirmé que seul un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation doit être opéré par le juge du référé concernant la définition et la consistance du nombre de lots choisi par un pouvoir adjudicateur dans le cadre de la passation d'un marché public.
Ce contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation a également été affirmé s'agissant de l'obligation d'allotir en cas d'identification de prestations distinctes et du recours aux exceptions à ce principe (2).
Le juge n'en effectue pas moins un contrôle précis des motifs invoqués à l'appui du recours aux exceptions au principe de l'allotissement (3).
Dans l'arrêt rapporté, le Conseil d'Etat est venu cette fois préciser qu'il contrôle la qualification juridique des faits opérée par les juges du fond sur la question de savoir si un marché public doit faire l'objet d'un allotissement.
Lexbase : Quel est l'apport majeur de l'arrêt du 11 avril 2014 en la matière ?
Olivier Metzger : Il me semble que l'on peut raisonnablement considérer que cet arrêt ne remet pas en cause les décisions précédemment rendues en matière d'allotissement des marchés de prestations juridiques.
Ainsi, le Conseil d'Etat, dans le cadre de la décision précitée du 21 mai 2010, avait validé le choix fait de la commune d'Ajaccio de diviser son marché de services juridiques en deux lots, l'un relatif aux prestations de conseil, et l'autre aux prestations de représentation en justice, étant entendu que chacun de ces lots regroupaient différents domaines du droit.
Préalablement, plusieurs décisions de tribunaux administratifs ont pu valider le non-allotissement d'un marché de prestations juridiques englobant des prestations de conseil et de représentation en justice dans différents domaines du droit, ce en raison du caractère modeste du volume de prestations et "des difficultés techniques pour tracer des lignes claires entre les domaines du droit applicables aux collectivités territoriales" (4), ou encore le choix opéré par une commune de diviser en deux lots, l'un relatif au "droit lié aux marchés publics, aux délégations de services publics et aux contrats de partenariat public-privé, droit public général, droit budgétaire, droit fiscal, droit de l'environnement, droit de la fonction publique territoriale, droit privé, droit de la construction, droit pénal, droit communautaire et droit portuaire" et l'autre ayant trait aux "procédures administratives du droit de l'urbanisme et du droit du sol", son marché de prestations de conseil juridique (5).
A contrario, la cour administrative d'appel de Lyon avait déjà pu censurer, pour le même motif que celui retenu par le Conseil d'Etat dans sa décision du 11 avril 2014, le choix opéré par la communauté d'agglomération de Villefranche-sur-Saône de recourir à un marché global d'assistance juridique portant sur tous les secteurs du droit public et du droit privé liés à l'exercice par la communauté d'agglomération de ses compétences, ainsi qu'au fonctionnement et au travail de ses services (6).
Dans sa dernière décision ici rapportée, le Conseil ne fait qu'appliquer le même raisonnement que celui précédemment retenu à savoir, premièrement, que le principe d'allotissement trouve à s'appliquer, deuxièmement, que dans la mesure où le marché recouvre de nombreux domaines du droit tant en conseil qu'en contentieux, il existe des prestations distinctes, troisièmement, que l'exception mise en avant par la commune, à savoir sa difficulté à assurer par elle-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination n'est pas vérifiée compte tenu de la taille de la commune.
Et, l'apport de cette décision de la Haute juridiction administrative réside donc principalement dans l'affirmation qu'elle contrôle la qualification juridique des faits opérée par les juges du fond sur la question de savoir si un marché public doit faire ou non l'objet d'un allotissement.
(1) CE 2° et 7° s-s-r., 21 mai 2010, n° 333737, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4097EXZ).
(2) Voir, par exemple, CAA Marseille, 6ème ch., 19 décembre 2011, n° 09MA03774 (N° Lexbase : A5292IG4).
(3) CE 2° et 7° s-s-r., 3 décembre 2012, n° 360333, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9598IXR).
(4) TA Montreuil, 30 mars 2010, n° 0904772 (N° Lexbase : A0391KGL) et n° 0901584 (N° Lexbase : A0389KGI).
(5) TA Toulon, 20 mai 2010, n° 0805844.
(6) CAA Lyon, 4ème ch., 19 mai 2011, n° 09LY02352 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 4716911, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CAA Lyon, 4e, 19-05-2011, n\u00b0 09LY02352", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A4057HTG"}}).
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