La lettre juridique n°555 du 23 janvier 2014 : Éditorial

"La, la, la, mine de rien / La voilà qui revient / la [réformette ?]"...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Bon clairement, "elle avait disparu le pavé de ma rue". Depuis le rapport "Terré" en 2008, on n'avait plus vraiment entendu parler d'une réforme du droit des obligations et, plus précisément, du droit des contrats, si ce n'est pour en faire l'Arlésienne de service lors d'un soubresaut en 2011 ; l'un de ses projets épineux -pour ne pas parler de bâton...- que l'on se transmet, majorité après majorité gouvernementale, faute de consensus, mais surtout de temps. Mais, "on n´oublie jamais le flonflon qui vous met le coeur en fête"... Aussi, cette fois, la Chancellerie avait pris tout le monde de cours en requérant du Parlement, en octobre 2013, une loi d'habilitation à réformer ce droit bicentenaire, par voie d'ordonnance.

Il y avait certes quelque chose d'étrange à malmener un vieux corpus législatif de deux cents ans sans contradiction parlementaire, mais il semblait que de débat politique, il n'y en avait point ; et que le seul débat qui vaille concerne finalement les spécialistes de la matière, qui ont pu donner leur avis et qui, année après année, et notamment depuis l'avant projet de loi "Catala", en 2005, sont tout de même, dans leur grande majorité, d'accord pour dire qu'il faut une réforme de simplification au nom de la sécurité juridique et de la compétitivité du droit français. Pourtant, le Sénat prit mal l'affront d'être écarté d'une importante refonte du Code Napoléon, et rejeta l'habilitation. En ce qui concerne la procédure d'adoption, il est à espérer, pour le Gouvernement, que l'Assemblée nationale donne de la voie ; sinon, un projet de loi sera nécessaire à toute avancée sur le sujet.

Sur le fond, contrairement à "la chansonnette" du papet, la réforme envisagée est loin d'être "toute bête". Reprenant "les refrains [du] Paris" de la Doctine, c'est bien l'ensemble des 280 articles du titre III du livre III du Code civil qui sera remanié.

D'abord, c'est la cause qui prend "l´maquis". Exit la cause du contrat, spécificité du droit français, qui était sujette à l'insécurité jurisprudentielle et ne servait, en fait, qu'à justifier un certain nombre d'avancées prétoriennes telle que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence dans le contrat de travail ou l'atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs de certains contrats litigieux... Les forains, et l´orphéon n'y comprenaient rien ; et à l'heure de l'européanisation de notre droit des contrats, car le Règlement de droit commun européen de la vente, de 2011, constitue également une source d'inspiration avouée de cet avant-projet, maintenir un concept abscons pour nos voisins ne relevait pas du sens commun.

Ensuite, serait intégré au Code civil le régime des clauses abusives, celles qui crée "un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat", sortant du carcan de la consommation pour intégrer le droit commun des contrats. Ainsi, l'abus de faiblesse ferait son entrée dans le Code civil, et l'obligation d'information quitterait le seul joug du Code de la consommation. La résiliation judiciaire pour imprévision pourrait chahuter le sacro-saint principe de la force obligatoire des contrats ; c'est que l'imprévision est lot quotidien des affaires, désormais. Et, la cession de dette serait enfin reconnue, après que l'on ait imaginé nombre d'artifices en droit des sociétés, pour permettre la cession d'entreprises en mauvaise santé.

C'est véritablement une sécurisation de la phase précontractuelle qui est recherchée : outre les obligations de conseil, d'information et de renseignement, la rupture des pourparlers pourrait presque s'analyser comme une perte de chance, sur le terrain de la responsabilité.

Enfin, "[venant] revoir les anciens faire [leur] métier", nombre de concepts (l'offre, l'acceptation, les clauses limitatives de responsabilité, etc.) font l'objet d'une heureuse consolidation, après que le Nouveau Code civil aura pris bien soin de définir l'ensemble des notions indispensables à la bonne compréhension de notre droit des contrats du XXIème siècle : une oeuvre pédagogique en somme.

Le tout, sous la houlette d'une réforme du régime de la preuve ! Notamment, les supports de preuve seront mis sur pied d'égalité, et les règles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l'autorité de chose jugée, aux conventions relatives à la preuve et à l'admissibilité des modes de preuve seront remaniés à l'aune de ce nouveau droit des contrats.

Gageons qu'après deux avant-projets de loi restés sur le parvis de la place Vendôme, celui-ci passera les grilles du palais présidentiel.

"La, la, la, hauts les coeurs / Avec moi tous en choeur..."

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