Réf. : Cass. com., 5 février 2025, n° 23-23.358, FS-B N° Lexbase : A60496T9
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par Aurélie Dardenne, Maître de conférences, Université de Lorraine
le 07 Mars 2025
La résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d'un contrat, par voie de conséquence de l'anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu'il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.
Par un arrêt en date du 5 février 2025, la Cour de cassation revient sur la question de l’application conjointe de la résolution et de la caducité dans le cadre d’un ensemble contractuel indivisible.
En l’espèce, la société N. avait conclu un contrat de location financière avec la société L. portant sur du matériel fourni par la société O. Outre la fourniture dudit matériel, cette dernière avait également la charge de la maintenance de celui-ci.
Le 8 janvier 2020, après une mise en demeure restée infructueuse, la société N. a notifié la résolution du contrat de maintenant à la société O. de manière unilatérale, en lui reprochant diverses inexécutions contractuelles. Elle se fonde notamment sur l’article 1226 du Code civil N° Lexbase : L0937KZQ qui octroie au créancier insatisfait la possibilité de mettre fin au contrat de manière unilatérale sous réserve d’une mise en demeure préalable. Quelques jours plus tard, elle a notifié à la société L. la caducité du contrat en conséquence de l’anéantissement du contrat de maintenance conformément à l’article 1186 du Code civil N° Lexbase : L0892KZ3.
Par un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 19 octobre 2023 (CA Lyon, 19 octobre 2023, n° 21/09337 N° Lexbase : A39511QE), la caducité du second contrat a été considérée comme non-fondée en l’espèce. Les juges du fond reprochent notamment au locataire de ne pas avoir préalablement à la caducité du contrat mis en cause la société O. En agissant ainsi, ils estiment que la société N. a violé les articles 1186, 1224 N° Lexbase : L0939KZS et 1226 du Code civil. La société N. se pourvoit en cassation en invoquant le fait que la résolution unilatérale met fin au contrat sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à l’intervention du juge. Dès lors, le prononcé de la caducité du contrat lié est automatique sans qu’il n’y ait lieu de mettre en cause le contractant dont le contrat a été résolu.
La décision commentée se distingue des arrêts récents de la Cour de cassation quant à l’application technique de la caducité dans le cadre des ensembles contractuels (Cass. com., 10 janvier 2024, n° 22-20.466, FS-B+R N° Lexbase : A05602D4 ; Cass. civ. 1, 13 mars 2024, n° 22-21.451, FS-B N° Lexbase : A05032U8).
En l’occurrence, la question posée à la Cour de cassation est ici d’ordre procédural. En filigrane, se pose toutefois la problématique de l’efficacité de la résolution unilatérale et de sa portée à l’égard des tiers.
Deux possibilités, partiellement admises en jurisprudence s’offraient à la Cour de cassation. Elle pouvait dans un premier temps reconnaître que la caducité du second contrat imposait nécessairement la mise en cause préalable de la partie au contrat précédemment résolu. Cette solution avait d’ores et déjà été admise dans un arrêt de la Cour de cassation du 14 septembre 2022 (Cass. com., 14 septembre 2022, n° 21-16.840, F-D N° Lexbase : A47758IP). Dans ce cas d’espèce, la Haute juridiction avait ainsi estimé que « l'anéantissement du contrat de prestation ou de fourniture, qui ne peut donc être prononcé qu'en présence du prestataire ou du fournisseur, ou de son liquidateur, est un préalable nécessaire à la constatation, par voie de conséquence, de la caducité du contrat de location ». La cour d’appel de Lyon avait en substance repris ce raisonnement dans le cadre de la présente affaire.
Toutefois, une telle position semble contraire à l’esprit de l’article 1226 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016. Ce texte permet au créancier, à ses risques et périls, de résoudre le contrat par voie de notification sans formalisme particulier. Cette disposition répond aux besoins d’efficacité et de célérité propre à la vie des affaires. Pour rappel, l’un des objectifs des nouvelles dispositions issues de l’ordonnance est de garantir « l’efficacité de la norme » en matière de droit commun des contrats (Rapport remis au président de la République sur l’ordonnance du 10 février 2016, n° 2).
En ce sens, la jurisprudence récente semble encline à limiter les entraves à la résolution unilatérale du contrat. À titre d’illustration, l’article 1226 du Code civil prévoit qu’une mise en demeure est préalablement nécessaire à la notification de la résolution par le créancier insatisfait. Or, dans un arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2023 (Cass. com., 18 octobre 2023, n° 20-21.579, FP-B+R N° Lexbase : A08341N9), la Haute juridiction a considéré que ladite mise en demeure n’est pas nécessaire pour procéder à la résolution lorsqu’au vu des circonstances, il résulte que celle-ci est vouée à l’échec.
Dès lors, opter pour une mise en cause préalable du contractant aurait été contraire à cette inclinaison jurisprudentielle tend à rendre plus effective la résolution par voie de notification du contrat. Une telle option conduirait également à rendre cette faculté de résolution unilatérale peut attractive pour les créanciers insatisfaits.
Une seconde option, choisie par la Haute juridiction, consiste à conférer une large portée à la résolution unilatérale en considérant que la mise en cause préalable à la caducité du contrat est inutile. C’est la position qui a parfois été retenue par les juridictions du fond comme en atteste un arrêt de cour d’appel de Colmar de janvier 2023 (CA Colmar, 11 janvier 2023, n° 21/02320 N° Lexbase : A566988H), semble davantage conforme à la pratique.
Dès lors, le présent arrêt mérite d’être salué en ce qu’il pose une solution unifiée sur cette question qui plus en cohérence avec les jurisprudences récentes et l’esprit de l’article 1226 du Code civil.
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