Le Quotidien du 13 février 2025 : Voies d'exécution

[Jurisprudence] Nullité d’un acte de saisie : défense au fond ou exception de procédure ?

Réf. : Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-17.249, FS-B N° Lexbase : A60676TU

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N1676B3H

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par Guillaume Fricker, avocat au barreau de Saint Malo-Dinan, administrateur de l’AAPPE

le 12 Février 2025

Mots clés : nullité d’un acte de saisie • saisie de valeurs mobilières et droits incorporels • défense au fond • exception de procédure

Ne constitue pas une exception de procédure, au sens de l'article 73 du Code de procédure civile, le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie de droits incorporels, qui, sur la contestation du débiteur, ne tend pas à faire déclarer irrégulière ou éteinte la procédure judiciaire ouverte, ou à en suspendre le cours, mais à obtenir l'annulation de l'acte de saisie. Un acte de saisie doit-il être regardé comme un acte de procédure ? Dès lors, une contestation formée contre un acte de saisie de droits incorporels est-elle soumise aux articles 74 et 112 du Code de procédure civile qui imposent de soulever la nullité avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ?


 

Les faits

Une saisie de droits d’associés et valeurs mobilières est pratiquée le 3 octobre 2014, en exécution d'un acte notarié de prêt.

Le juge de l’exécution est saisi, par assignation du 7 novembre 2014, aux fins, à titre principal, d'annulation de la saisie et, à titre subsidiaire, de sursis à statuer.

Un décès survient en cours de procédure, l’ayant droit a été appelé en intervention forcée.

La contestation de la saisie est rejetée suivant jugement du 4 mars 2021.

Réponse de la Cour

Au visa des articles R. 232-5 N° Lexbase : L2362ITN et R. 232-6 N° Lexbase : L2363ITP du Code des procédures civiles d'exécution et 73 N° Lexbase : L1290H4K, 74 N° Lexbase : L1293H4N et 112 N° Lexbase : L1390H4A du Code de procédure civile, la cour de rappeler les modalités de la mise en œuvre de cette voie d’exécution dont s’agit, telles qu’énoncées par le Code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi, selon l’article R. 232-5, le créancier procède à la saisie de droits incorporels par la signification d'un acte qui contient, à peine de nullité, un certain nombre de mentions prévues au texte.

Selon l’article R. 232-6, la saisie est portée à la connaissance du débiteur par un acte qui indique que les contestations sont soulevées, à peine d'irrecevabilité, par une assignation qui doit être dénoncée à l'huissier de justice ayant procédé à la saisie.

Par suite, la cour s’attache à déterminer la nature de la contestation.

Ainsi, suivant l’article 73 du Code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.

L’article 74 de préciser que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

Enfin, vu l’article 112, la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.

Ces rappels textuels faits, la question posée à la cour est celle de savoir si une contestation formée contre un acte de saisie de droits incorporels est soumise aux articles 74 et 112 du Code de procédure civile qui imposent de soulever la nullité avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Pour y répondre, la cour de rappeler que la signification du procès-verbal prévue à l'article R. 232-5 du Code des procédures civiles d'exécution emporte saisie des droits incorporels, sans intervention du juge qui n'est saisi, sur l'assignation du débiteur, qu'en cas de contestation par ce dernier.

Elle se réfère à un précédent arrêt du 6 décembre 2007 [1], dans lequel elle jugeait que le moyen pris de la nullité d'un acte de saisie-attribution ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 du Code de procédure civile.

La cour de préciser ici que la nullité invoquée à l'encontre d'un acte de saisie mobilière ne tend pas en elle-même à la remise en cause d'un acte de la procédure judiciaire. Seule l'annulation de l'acte de saisie est poursuivie. Cette nullité constitue, dès lors, un moyen de fond destiné à s'opposer au recouvrement forcé de la créance. Elle demeure soumise aux dispositions des articles 114 N° Lexbase : L1395H4G, 117 N° Lexbase : L1403H4Q et 118 N° Lexbase : L8421IRC du Code de procédure civile qui concernent tous les actes établis par des huissiers de justice.

Partant, le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie de droits incorporels, qui tend à obtenir l'annulation de l'acte de saisie, ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile.

Que retenir de cette décision ?

Une voie d’exécution doit-elle être regardée comme un acte de procédure ?

Un retour sur la lettre des textes s’impose.

Delon l’article 73 du Code de procédure civile : « Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ».

Selon l’article 74, alinéa 1er du Code de procédure civile : « Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ».

Selon l’article 112 du Code de procédure civile : « La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité ».

Partant, la cour voit elle l’acte de saisie comme un acte de procédure, auquel cas, il sera fait application de l’article 74 du Code de procédure civile, lequel impose que les contestations tirées des articles 73 et 112 du Code de procédure civile soient soulevées par la partie saisie avant toute défense au fond.

Au contraire, cet acte constituant une voie d’exécution, échappe-t-il à la qualification d’acte de procédure, permettant ainsi, par une certaine souplesse de la cour, de désobéir aux dispositions ci-dessus.

La cour admettrait alors que la contestation du recouvrement forcé d’une créance puisse finalement être soulevée en tout état de cause.

C’est cette solution, savoir que l’acte de saisie n’est pas un acte de procédure, qui est retenue par la deuxième chambre dans une décision particulièrement motivée.

Elle se réfère notamment à une espèce précédemment tranchée relativement à la contestation d’une saisie attribution, considérant que la nullité d’un acte de saisie-attribution ne constituait pas une exception de procédure [2].

La motivation de cet arrêt du 6 février 2025 interpelle toutefois.

En effet, la cour de préciser que la nullité invoquée à l'encontre d'un acte de saisie mobilière ne tend pas en elle-même à la remise en cause d'un acte de la procédure judiciaire. Seule l'annulation de l'acte de saisie est poursuivie. Cette nullité constitue, dès lors, un moyen de fond destiné à s'opposer au recouvrement forcé de la créance. Elle demeure soumise aux dispositions des articles 114, 117 et 118 du Code de procédure civile qui concernent tous les actes établis par des huissiers de justice.

Or, quid des dispositions de l’article 649 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6812H7G qui dispose que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Alors, acte de procédure ou pas ?


[1] Cass. civ. 2, 6 décembre 2007, n° 06-15.178, 07-13.964 N° Lexbase : A0306D3Q, Bull. civ. II, 2007, n° 263.

[2] Cass. civ. 2, 6 décembre 2007, n° 06-15.178, préc.

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