Le Quotidien du 13 février 2025 : Urbanisme

[Jurisprudence] De la régularité de la notification du recours à l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage de l’autorisation contestée

Réf. : CE, 1re-4e ch. réunies, 28 novembre 2024, n° 488592, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A43916KT

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par Olivier Savignat, Avocat associé, Valians avocats et Gustave Barthélemy, Juriste, Valians avocats

le 07 Février 2025

Mots clés :  notification des recours • titulaire de l'autorisation d'urbanisme • notification à l'adresse • panneau d'affichage • permis de construire

Dans un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a jugé conforme à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme la notification envoyée à l’adresse indiquée comme étant celle du bénéficiaire sur le panneau d’affichage de l’autorisation, y compris lorsque cette adresse s’avère être celle d’une autre personne. 


 

 

L’arrêt ici commenté apporte des éclaircissements utiles sur les modalités d’une formalité bien connue des praticiens et spécifique au contentieux de l’urbanisme : l’obligation de notification des recours dirigés contre une autorisation d’urbanisme.

Pour rappel, l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9492LPA dispose que « l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation ». Cette obligation est étendue à l’auteur d’un recours gracieux, « à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet ». Enfin, il est précisé que cette notification « doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours ».

Un recours contentieux est donc susceptible d’être rejeté comme irrecevable au seul motif que le recours gracieux exercé préalablement n’aurait pas été dûment notifié à l’auteur et au destinataire de l’autorisation litigieuse.

Il ne peut être remédié à l'omission de cette formalité que dans le délai de quinze jours prévu par l’article précité. L’introduction d’un nouveau recours gracieux dûment notifié ne permettra pas de pallier l’irrégularité du premier recours et de proroger du délai de recours contentieux [1].

Partant, le requérant ayant purement et simplement oublié de notifier son recours gracieux n’aura pas préservé le délai de recours contentieux : son recours ultérieur devant le juge, au-delà du délai de deux mois prévu à l’article R. 600-2 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L2033ICB, sera assurément tardif et donc doublement irrecevable.

Les conséquences d’un tel oubli sont drastiques : après avoir été invité par le juge administratif à produire un justificatif qu’il ne peut pas fournir, le requérant verra sa requête sommairement rejetée par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L1294MLI [2].

C’est ce qui est arrivé au requérant dans l’affaire objet du présent commentaire, en dépit de ce qu’il avait effectivement notifié son recours à l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage de l’autorisation querellée.

Dans les faits, la réalisation d’un bâtiment d’habitation collective de huit logements avait été autorisée par un permis de construire délivré le 20 mai 2021.

Par un recours gracieux formé avant l’échéance du délai contentieux de deux mois, un voisin du projet a sollicité le retrait de ce permis. Deux mois plus tard, estimant que cette demande avait fait l’objet d’une décision tacite de rejet, ce même voisin a formé un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble.

Or, ce recours a été évacué comme tardif par une « ordonnance de tri », la juridiction ayant considéré que la notification du recours gracieux avait été irrégulièrement accomplie et n’avait donc pas prorogé le délai de recours contentieux [3].

En effet, le requérant avait notifié son recours gracieux à l’adresse figurant en haut du panneau d’affichage, adresse qui était en fait celle du maître d’œuvre et non celle du maître d’ouvrage, bénéficiaire du permis de construire contesté.

Cette solution a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon [4].

Par un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a toutefois jugé cette notification régulière, annulant en conséquence l’arrêt précité et renvoyant les parties devant le juge d’appel pour trancher le reste du litige.

Ce faisant, la Haute juridiction administrative a conféré une certaine valeur aux mentions du panneau d’affichage, afin de préserver le droit au recours du requérant (I). Elle s’inscrit en cela dans la continuité d’une jurisprudence pragmatique, tendant à limiter les hypothèses d’irrecevabilité pour défaut de notification (II).

I. Le requérant peut valablement prendre en compte l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage pour notifier son recours

Les juges du fond faisaient grief au requérant d’avoir pris en compte une information facultative et superfétatoire au détriment de l’information obligatoire contenue dans l’autorisation, seule à même de le renseigner sur l’adresse de son bénéficiaire.  

En effet, et s’agissant de la notification au titulaire, la jurisprudence a retenu le principe suivant : la formalité prévue à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme est « régulièrement accomplie dès lors que la notification du recours est adressée au titulaire de l'autorisation tel qu'il est désigné par l'acte attaqué » [5].

Or, l’adresse du titulaire n’est pas au rang des mentions obligatoires du panneau d’affichage de la décision, énumérées à l’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L5515LKH. Inversement, l’article A. 424-2 de ce même code N° Lexbase : L7175HZR dispose que l’arrêté doit « vise[r] la demande de permis » et « en rappelle[r] les principes caractéristiques », dont le nom et l’adresse du demandeur.

C’est en considération de ces éléments de droit que la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la notification à une société « sans lien organique avec la société bénéficiaire du permis » était irrégulière, dès lors que, d’une part, « il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société (…) aurait transmis ce dernier au titulaire du permis de construire » et que, d’autre part, « à supposer même que la mention de l'adresse de la société X sur le panneau d'affichage ait été susceptible d'induire en erreur [le requérant], l'adresse exacte avait bien été indiquée dans les visas de l'acte attaqué et dans le formulaire de demande de permis de construire », documents que ce dernier avait visiblement eu l’occasion de consulter pour rédiger son recours.

Cette solution a néanmoins été jugée trop rigoriste par la Haute juridiction administrative qui l’a censurée pour les motifs suivants :

« Ces dispositions [de l’article R. 600-1 précité] visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. 

Si, à l'égard du titulaire de l'autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l'adresse qui est mentionnée dans l'acte attaqué, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, le panneau d'affichage du permis de construire faisant apparaître, alors même que l'article A. 424-16 du Code de l'urbanisme ne l'impose pas, une adresse comme étant la sienne, la notification est faite à cette adresse. »

En effet, et comme exposé par le rapporteur public Mathieu Le Coq dans ses conclusions sur cette affaire, « les exigences tenant à la sécurité juridique des constructeurs et des administrations doivent être conciliées avec le droit au recours qui a valeur constitutionnelle et qui commande de ne pas subordonner l’exercice du droit de recours à des formalités excessivement contraignantes au regard du court délai de quinze jours imparti au requérant pour faire diligence » [6].

Le requérant pouvait donc valablement prendre en compte l’information indiquée sur le panneau d’affichage, d’autant plus que rien ne permettait de penser qu’elle était erronée.

En de telles circonstances, il ne peut être raisonnablement attendu du requérant qu’il se lance dans des recherches pour s’assurer que l’adresse volontairement indiquée par le pétitionnaire sur le panneau affichant son autorisation était bien la sienne, eu égard au caractère particulièrement bref du délai qui lui est imparti pour procéder à la notification idoine.

II. Une nouvelle illustration du pragmatisme du juge administratif en la matière

Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence pragmatique développée par le Conseil d’État à propos de cette formalité, afin d’éviter une application trop rigide de la règle et donc de limiter les hypothèses d’irrecevabilité aux situations portant véritablement atteinte à la sécurité juridique des bénéficiaires.

Ainsi, la Haute juridiction administrative avait déjà jugé régulière la notification adressée à l’architecte du projet dès lors que c’est son adresse qui était mentionnée sur le permis litigieux comme étant celle à laquelle le bénéficiaire de l’autorisation était domicilié [7].

De la même manière, doit être regardé comme ayant été valablement notifié le recours adressé à l’adresse du pétitionnaire telle que mentionnée dans l’arrêté, sans qu'ait d'incidence la circonstance que l'autorisation ait été depuis transférée à un nouveau bénéficiaire [8].

Suivant une logique similaire, le Conseil d’État a également jugé régulière la notification du pourvoi adressée au cabinet de l’avocat ayant représenté le bénéficiaire devant le juge d’appel, dès lors que c’est cette adresse qui était indiquée dans les visas de l’arrêt comme étant celle du bénéficiaire [9].

Il ressort donc de ces jurisprudences que, pour l’accomplissement de la formalité prévue à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, le nom et l’adresse mentionnés dans la décision contestée font foi en tout état de cause.

Plus encore, ont été jugées régulières des notifications envoyées à une personne ou une adresse différente de celle mentionnée dans la décision : au siège social de la société mère de l’établissement secondaire ayant sollicité le permis [10], à une société distincte du pétitionnaire mais ayant le même siège et le même gérant [11], ou bien, plus original, au conjoint du bénéficiaire de l’autorisation, dès lors qu’ils ne sont pas séparés de corps [12].

Est tout autant régulière la notification adressée à la société pour le compte de laquelle l’autorisation est sollicitée, alors même que ce n’est pas elle qui a déposé la demande [13].

Ces solutions valent également pour la notification à l’auteur de la décision. Le Conseil d’État considère ainsi que la notification adressée à une mairie d’arrondissement était parfaitement régulière, alors même que l’autorisation a été délivrée par la mairie centrale, « eu égard au rôle dévolu dans l'instruction des demandes d'autorisation d'utilisation du sol au maire d'arrondissement, élu de la personne morale que constitue la Ville de Paris » [14].  

Le pragmatisme du juge administratif s’étend au-delà de la simple question de l’adresse : est ainsi recevable le recours introduit sans notification dirigé contre un permis modificatif produit dans le cadre de l’instance dirigée contre le permis initial [15].

Cette tolérance s’arrête néanmoins lorsque, en l’absence d’erreur ou d’imprécision le concernant dans les mentions de la décision, le bénéficiaire risque de ne pas être utilement informé de la menace planant sur son autorisation [16].

 

[1] CE, 6 juillet 2005, n° 277276 N° Lexbase : A0174DKN.

[2] CE, 13 juillet 2011, n° 314093 N° Lexbase : A0237HWP, Rec. T.

[3] TA Grenoble, 14 mars 2022, n° 2106615.

[4] CAA Lyon, 2 août 2023, n° 22LY01405 N° Lexbase : A35621DB.

[5] CE, 23 avril 2003, n° 251608 N° Lexbase : A7791C83, Rec.

[6] M. Le Coq, concl. sur CE, 28 novembre 2024, n° 488592, BJCL, n°12, comm. 8, 2024.

[7] CE, 24 septembre 2014, n° 351689 N° Lexbase : A3007MXN, Rec. T.

[8] CE, 24 septembre 2017, n° 351689, préc.

[9] CE, 15 octobre 2014, n° 366065 N° Lexbase : A6676MYW ; en revanche, est irrégulière la notification adressée à l’avocat du bénéficiaire sans que son adresse soit mentionnée dans la décision litigieuse, en dépit de ce qu’il a représenté celui-ci en première instance : CE, 28 septembre 2011, n° 341749 N° Lexbase : A1536HYK, Rec. T.

[10] CE, 20 octobre 2021, n° 444581 N° Lexbase : A650649T, Rec. T..

[11] CE, 26 juin 2017, n° 399032 N° Lexbase : A8527WLE.

[12] CE, 7 août 2008, n° 288966 N° Lexbase : A0694EAX, Rec. T..

[13] CE, 31 décembre 2008, n° 305881 N° Lexbase : A4939EGZ, Rec.

[14] CE, 30 janvier 2024, n° 471649 N° Lexbase : A00812IT, Rec. T..

[15] V. pour une application prétorienne du principe à un litige antérieur à l’entrée en vigueur du dernier alinéa de l’article R. 600-1 consacrant cette exception : CE, 28 mai 2021, n° 437429 N° Lexbase : A48594T7, Rec.

[16] V. par exemple s’agissant de la notification d’un recours incident : CE, 1er octobre 2024, n° 477859 N° Lexbase : A810957H, Rec. T.

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